6.2.2. Campagnes électorales du Frelimo : jeu de l’ordinaire, du visible, de l’invisible et séduction politique

Par force des vents de l’histoire et de la volonté de survivre comme structure oligarchique, le changement opéré par le Frelimo, parti marxiste-léniniste en Frelimo-PSD, entraîna également un changement des discours et du visage partisan. Dorénavant, on ne s’attachera plus à la pensée jacobine de l’Etat, cherchant à uniformiser la société pour l’accepter dans sa diversité (ethnique, communautaire, religieux, différenciation socio-économique).

La campagne électorale du Frelimo-PSD pour les élections de 19941 46 a pris les effets de seize ans de guerre destructrice comme une réalité méritant une réflexion collective. Elle s’est également appuyée sur la territorialisation du discours politique, tout en accordant de l’importance aux savoirs locaux de chaque espace, comme ressource de communication. Ses normes étant aisément accessibles tant aux dirigeants qu’aux ordinaires de chaque espace, les savoirs locaux sont enracinés dans les symboles relatifs au pouvoir, à l’autorité, à la participation et à la représentation. Les gens y puisent des éléments d’auto-représentation et de conception de la vie politique ainsi que des arguments pour y participer en tant qu’acteurs sociaux. Le fait de valoriser ces connaissances dans le contexte de la tradition et de la modernité ne peut qu’aller de pair avec la réhabilitation des notables, (leaders religieux, chefs traditionnels), du fait de leur position de centralité dans les systèmes de rapports sociaux.

Par la notion d’ordinaire, on décrit cet ensemble de références et de pratiques qui ont du sens147 aux yeux des acteurs, eux-mêmes engagés dans les relations sociales concrètes. Très fortement chargé d’affectivité, ces références se traduisent dans des codes de comportement comme l’idéal du rapport de l’intime/local à l’universel. L’ordinaire est ainsi considéré à la base, des désirs et des passions et des liens de l’individu à l’espace social respectif. Du point de vue de l’individu et du groupe d’appartenance, Il s’avère être une ressource de perception et de rapport à leur environnement.

A titre du parti politique qui gouverne le pays depuis l’indépendance (1975-1994), outre la prise en compte de l’ordinaire, le Frelimo eut recours au visible, faisant référence à l’ensemble de ses réalisations pour le bien du « peuple ». L’invisible, quant à lui, également mobilisé comme ressource, prit corps sur deux dimensions, celle du sacré, et celle de la projection de l’avenir, à l’égard duquel le Frelimo s’est présenté comme l’entrepreneur du « futur meilleur »(le bien commun).

Moyennant ces éléments, il devient aisé de saisir l’intérêt de l’ensemble de ressources mises en œuvre dans la campagne électorale du Frelimo. A ce propos, le pays étant divisé en 11 circonscriptions électorales148, J. CHISSANO (Président du Frelimo) débuta son combat à Nampula (1.365796 recensés), le 22 septembre 1994. Accompagné par 5 musiciens de renom et d’une pléiade de journalistes, des parachutistes, sa femme, Marcelina CHISSANO, fait partie de l’équipe. A l’arrivée, ils sont reçus par A. GAMITO, le fils de l’espace et gouverneur de Nampula, S. NHATITIMA, ancien combattant et également le fis de l’espace aussi bien que par des enfants munis de fleurs et de photos du Président de la République. M. CHISSANO, l’épouse du Président, comme les femmes de cet espace ethnique, les e-makhuas, porte une tenue traditionnelle à l’effigie de son mari. Les hommes, eux aussi, portent des tshirts à l’effigie du Président. Puis, J. CHISSANO exécute avec des femmes des danses traditionnelles e-makhua, réservées aux cérémonies149.

C’est dans cette circonstance de partage des valeurs et des symboles culturels d’un espace social qu’on entend madame CHISSANO s’adresser à la foule : « vous êtes tous très beaux ! Vive le Frelimo !». Le Président détailla en portugais, en même temps qu’un fils de l’espace s’occupe de la traduction en langue locale (e-makhua) son programme de gouvernement : Nous nous battrons, comme toujours, pour le bien du peuple. Nous accorderons de l’attention spéciale à l’éducation, à la santé et à la protection de l’environnement, pour que tous bénéficient d’un futur meilleur. En outre, nous considérerons le maintien de la paix comme une priorité de notre gouvernement parce qu’elle est un facteur nécessaire pour la reconstruction, le développement économique et la consolidation de l’unité nationale.

Une fois sur l’Île du Mozambique, la première capitale politique et administrative du Mozambique, zone à dominance islamique, CHISSANO s’adapte au discours social local. En dépit d’appartenir à une famille catholique, du Sud du Mozambique, il s’est habillé en musulman ( chapeau, tunique). Des femmes de l’Île dansent et chantent en l’honneur de J. CHISSANO. Cette imbrication du discours politique, religieux et social avait comme enjeu de faire passer un message de réconciliation, de paix et que lui-même, en tant que Président, s’affirmerait comme le Président de tous.

De l’Île du Mozambique J. CHISSANO part à Angoche, territoire qui fut, entre le XVIII ème siècle et le XIX ème siècle, sous la domination des familles de patriarches. En dépit de la domination portugaise, la religion islamique y est encore socialement écrasante. L’imbrication du religieux et de la politique s’avère ici un prérequis pour la communication avec des acteurs locaux. On assiste au même rituel. J. CHISSANO, catholique, diplomate, pacificateur, partisan de la modernité politique, a mis des habits islamiques et s’est fait accompagner par des musulmans-membres du Frelimo. Le Président du Frelimo et sa femme, en tête d’un cortège, comme les rois auparavant, défilent sous de pagnes tendus par la foule. Heureux de l’accueil de gens, il parle de la paix comme d’une valeur et d’une ressource pour la reconstruction et le développement national. Pareillement, il réagit au discours du leader de la RENAMO, considéré comme une atteinte à la pacification. J. CHISSANO insiste à Angoche pour que l’électorat fasse « un choix conscient »150, un choix entre « les prédateurs des biens du peuple »151 et « les protecteurs/entrepreneurs du bien commun»152.

La croisade de J. CHISSANO/Frelimo se poursuit dans la circonscription de Cabo Delgado (568 169 recensés), le 25 septembre 1994, jour de l’évocation du déclenchement de la lutte armée de libération en 1964, à Macomia, poste administratif de Chai. Le leader est d’abord accueilli par une foule, protégé par des hommes déguisés et masqués dans des habits traditionnels et armés, privilège qui était auparavant accordé aux souverains de l’espace. La fête/campagne électorale s’est à la fois revêtue d’une dimension à la fois sacrée et mobilisatrice, ce qui peut bien être expliqué, d’après A. Abélès, comme l’effet de la capacité du pouvoir de s’inscrire sur l’espace social :

‘Les meetings et les manifestations ont une similitude avec les rituels consensuels d’exiger de la part des protagonistes une présence physique. Ils sont, de même, localisés, se décomposent en une multiplicité de séquences, de paroles et de symboles non verbaux : gestuelle, manipulation d’objets à valeur symbolique, le tout dans une mise en scène qui intègre, selon un ordonnancement conventionnel, l’ensemble action/discours. Autre analogie : la dimension religieuse de ces cérémonies qui renvoient les unes et les autres à une transcendance (la nation, le peuple) : transcendance évoquée dans le discours du ou des officiant(s) ou par le jeu des symboles utilisés en ces occasions. On retiendra aussi la dimension proprement religieuse de la relation qui s’instaure entre l’officiant et les fidèles. Nous avons bien affaire ici à des rites dans toute l’acception du terme. Morcellement, répétition, d’un côté ; dramatisation de l’autre : tout court à produire le « piège à pensée ». De même, nous retrouvons à l’œuvre les quatre ingrédients : sacralité, territoire, primat des valeurs et symboles collectifs153 ’

Ce savoir-faire aidant, le leader du Frelimo fait un discours au monument aux héros de la lutte de libération où il dépose une gerbe de fleurs. On est là devant un rituel sacré et évocateur de tous ceux qui ont donné leur vie pour la réalisation d’un bien majeur, la conquête de l’indépendance nationale. Puis il parle de la paix, des élections et du programme du Frelimo en swahili, la langue qu’il a apprise au cours de la lutte anicoloniale et qui est parlée par la population ci-makonde154. Le leader du Frelimo demande ainsi à la population de voter dans son programme du fait qu’il leur apporterait un « futur meilleur ».

A. CHIPANDE, ancien combattant, ministre de la défense, le fils de l’espace (maconde), ce qui a tiré le premier coup de feu de la lutte anticoloniale, fait parti de la délégation du chef du Frelimo. En qualité de tête de liste de la circonscription électorale de Cabo Delgado, le héros vivant fait un rappel historique de l’épopée de la guerre anticoloniale et des faits accomplis par le Frelimo lors de sa trajectoire biographique de politicien. A l’instar du geste de déposer une gerbe de fleurs au monument aux héros, cet acte s’est inscrit dans la visée de manipuler des objets à valeur symbolique, selon les logiques articulées action/discours :

‘Délégués par E. MONDLANE, le premier Président du Frelimo, nous (moi et douze guérilleros) sommes arrivés ici, à Chai, à 24.00 heures du 24 septembre 1964 afin de déclencher la lutte. Ça fait déjà 30 ans. Les conditions météorologiques n’étaient pas favorables pour nous et, de ce fait, nous avons dû camper dans la brousse. Néanmoins, comme commandant du groupe, j’ai pris la décision d’envoyer à l’administration un espion pour que nous ayons des détails concrets pour l’attaque. A 17.00 heures du 25 septembre nous avions pris des positions autour de l’Administration. Sous couvert de la nuit, j’ai tiré le premier tir et nous avons ainsi commencé la guerre qui nous a amenés à l’indépendance155.’

A ce récit historique, A. CHIPANDE ajoute que 30 ans après, le parti Frelimo lui avait confié la tâche de revenir au même endroit en tant que tête de liste de la circonscription de Cabo Delgado. Il s’agissait, pour lui, d’une nouvelle mission, celle de rallier au Frelimo tout le peuple de Cabo Delgado, en sa qualité de candidat du Frelimo aux élections législatives. Dans la perception d’A. CHIPANDE, cette tâche va sans aucun doute être couronnée parce qu’il sait que ses amis ont toujours mené à bien leurs responsabilités politiques :

‘C’est la troisième fois que le Parti m’envoie ici pour résoudre des problèmes. La première c’était en septembre 1964 pour commencer la guerre qui nous a amenés aux accords de paix de Lusaka, avec les Portugais ; la seconde, le Parti m’a incombé la tâche de ministre résident à Cabo Delgado, au moment d’une grave crise économique. Toutefois, nous avons pu établir dans cette province des usines de marbre, graphite, textiles et d’autres. Aujourd’hui, je suis candidat au poste de député et je dois mobiliser le peuple pour que nous puissions construire le Mozambique en paix. Dans cette bataille, une fois de plus, nous allons gagner156. ’

Sur le plateau de Mueda, toujours la région de l’ethnie maconde, le chef du Frelimo bénéficie d’une réception spectaculaire. Il s’agit de la terre natale de sa femme. Il y est donc «ami, fils, beau-fils, mari, beau-frère, gendre, cousin, oncle, grand-parent »157 puis leader politique, pour la majorité des militants et d’adhérents au parti. Le rituel de réception est le même que celui qu’on accordait aux rois auparavant : J. CHISSANO est transporté dans une chaise par la foule tandis qu’il porte deux sagaies et une couronne158. On a dans ce contexte créé une atmosphère où semblables et dissemblables, grâce aux manifestations culturelles locales, dansent et chantent. Le leader du Frelimo parle enfin du programme de gouvernement en swahili.

A Niassa, la circonscription électorale démographiquement la moins importante (282 513 recensés), J. CHISSANO réalise des comices populaires à Marrupa, à Cuamba et à Lichinga. C’est le domaine territorial où on remarque la co-existence des ethnies ajaua, é-makhua et Nianja. La pauvreté et la détresse sociale y sont les réalités sociales les plus touchantes. Il explique aux gens que la pauvreté de Niassa a été entraînée par la guerre menée par la RENAMO, pendant seize ans. Pour faire face à ces problèmes, il faudrait, dit le leader du Frelimo, voter le Parti qui protégeait la population et qui s’est battu pour l’indépendance. Il le fait également pour réagir aux discours de D. AROUCA, le Président du FUMO-PSD, qui se trouvait également à Niassa, en campagne électorale. D’après le chef du Frelimo, il faudrait qu’on fasse attention à D. AROUCA : c’est un vieux menteur ; il a un corps mozambicain mais un cœur portugais. De ce fait, D. AROUCA ressent de la nostalgie à l’égard du Portugal et du colonialisme qui a opprimé le peuple pendant 500 ans. Votez Frelimo, le Parti qui a apporté l’indépendance aux mozambicains159 .

De Niassa, J. CHISSANO part en Zambèzie, l’une des très importante circonscription électorale (1.270 098 recensés). Accueilli à Quelimane par une foule, une heure après son arrivée, la presse fait état d’une alerte à la bombe dans la résidence où est logé le leader du Frelimo160. Véhiculée par la presse dans le pays entier, la nouvelle n’a pas épargné des critiques à la RENAMO, du fait de sa nature belliciste. La campagne du Frelimo s’est dès lors centrée sur les districts de la circonscription zambèzienne, elle aussi multiethnique : les chuabos, à Quelimane et dans les districts environnants ; les senas, au Sud et Sud-Ouest de la province, les elo-mwés, au Nord-Ouest, les é-makhuas, à Nord-Est. Si dans l’ensemble de ces sous-espaces le chef du Frelimo parle de la paix comme d’une valeur commune, nécessaire au développement, il a toutefois eu l’attention de territorialiser son discours.

Au district d’Ile, très ravagé par la guerre, le message à l’insignifiante population qui a adhérée aux comices est que la région était pauvre à cause « des destructions entreprises par la RENAMO »161. De ce fait, « voter Frelimo signifie le futur meilleur pour tous »162 ; de même à persuader l’électorat, J. CHISSANO visite le district de Mocuba deux fois. Au cours de sa visite, il prend l’apparence d’un combattant pour le bien du peuple : « Je ne me sentirai heureux que lorsque le peuple bénéficie du bien collectif. Ma joie sera toujours la joie du peuple mozambicain. Pour ce faire, votez Frelimo pour que nous puissions maintenir la paix et solidifions l’unité nationale »163. Dans le district de Lugela, également en ruines à cause de la guerre, J. CHISSANO a recours au visible comme faisant partie du vécu et de l’expérience des gens, pour la séduction politique. Il leur rappelle qu’il y avait 102 Ecoles au total dans le district, dont 90 ont été détruites par la RENAMO. Etant donné ces évidences, faudrait-il savoir choisir entre « les destructeurs et les entrepreneurs du bien collectif ». A Morrumbala, district où le Frelimo n’a pas tellement d’adhérents, le leader du Frelimo laisse le même message.

La croisade de J. CHISSANO, 12 jours de campagne et 25 comices, s’achève à Quelimane, la capitale de la Zambèzie, avec une fête populaire : on a mis en place un show avec saut en parachute à l’éffige du leader du Parti ; d’en bas, la foule, après avoir écouté la liturgie politique sur la paix et le développement, réalisables par le vote au Frelimo, danse et chante au succès du leader.

La compagne électorale se poursuit, cette fois-ci dans le Centre du Mozambique. La première circonscription visitée, Sofala, (530 066 recensés), est le siège historique et la terre natale du leader de la RENAMO. Lorsque J. CHISSANO descend à Beira le 6 octobre 1994, il est accompagné par la main par la population. A bord d’une voiture, environné par la foule, le chef du Frelimo parcourt cinq quartiers pour se faire voir et annoncer son programme politique.

J. CHISSANO visite successivement Buzi, Nhamatanda, Marromeu, Dondo, qui sont quelques-uns des districts de Sofala. On remarque, une fois de plus, le recours à la manipulation d’objets à valeur symbolique dans chaque espace, vu que ces communautés se trouvent très fortement territorialisées. C’est par référence à leurs milieux, si l’on revient à la problématique de la mobilisation des ressources de M. Olson et de C. Tilly (v. supra), que les membres de ces communautés appréhendent des moyens d’agir en commun sur la base d’intérêts partagés. D’ailleurs, l’appartenance locale est un élément fort de l’identité individuelle et collective. Chaque discours touchera donc les problèmes de l’espace (locaux).

Sous cet angle, à Buzi, district ravagé par la guerre, J. CHISSANO établit le rapport entre la pauvreté, le manque d’emplois et la destruction de la seule usine sucrière locale. Le comice n’a pas été très couru, alors que le but était de toucher la plus grande partie de gens. La population de Nhamatanda, district également de Sofala, s’est démobilisée à l’égard de la campagne du chef du Frelimo. L’interprétation sur cette démobilisation est qu’il s’agissait d’une zone sous l’influence de la RENAMO. Ce ne fut toutefois pas le cas à Marromeu, district où il y avait une plantation et une usine sucrière qui employait des milliers de personnes. D’après VIRIATO, S., le Président du Frelimo a d’abord parlé de la destruction de l’usine de Marromeu, qui a condamné des milliers de chefs de familles au chômage ; ensuite, il a rappelé que ce n’est pas le Frelimo qui a détruit des écoles, des hôpitaux, des magasins ruraux et que s’il y avait quelqu’un à qui on pouvait imputer la responsabilité de cette penible situation, c’était bien la RENAMO164.

Le leader du Frelimo présente alors la RENAMO comme un blocage au développement et le responsable de la pauvreté du peuple. L’argumentaire présenté à ce sujet peut se résumer dans les termes suivants :

‘Les plantations de canne-à-sucre employaient des milliers de travailleurs. Pendant le colonialisme, le sucre était vendu et le revenu bénéficiait le Portugal. Ce n’était donc pas un bien pour les mozambicains. Lorsque nous voulions utiliser les revenus du complexe agro-industriel de Marromeu pour le bien du peuple mozambicain, la RENAMO l’a détruit. Les usines de Luabo, Buzi, Mafambisse et de Chinavane, ont connu le même sort. La RENAMO, si elle était favorable à la démocratie, ne devait pas détruire ces infrastructures. C’est pour ces raisons que je vous prie de bien choisir vos amis politiques. Votez Frelimo parce qu’il s’agit d’un Parti qui sait gouverner. Les autres Partis ne sont que des apprentis de la gouvernence165’

Dans la circonscription de Manica (322. 201 recensés), J. CHISSANO est reçu à Chimoio (la Capitale) par Manuel TOMÉ, le fils et l’un des influents de l’espace. Pendant la cérémonie de réception, le chef participe à un rituel symbolisant la paix et la fraternité, qui consiste, après l’ouverture d’une bouteille de champagne, à lancer dans les airs 20 colombes. Cela fait, il rend visite aux districts de Guro, Barwé, Mossurize et Vanduzi, pour expliquer à l’électorat son programme de gouvernement. A Tete, circonscription comptant 397.260 recensés, J. CHISSANO visite les districts d’Estima, Domué, Ulongué, Doé, Zobwé, Mutarara ainsi que la ville de Tete. Par la première fois, il parle de la corruption comme d’un mal, entraîné par la rareté et par la guerre.

La croisade politique du leader J. CHISSANO dans le Centre du Mozambique, qui s’est résumée à 10 jours de campagne et à 21 comices, déboucha sur un comice à Beira. Outre le rappel que la paix était une ressource pour le bien de tous, le leader du Frelimo demande qu’on fasse l’enterrement de la hache de guerre et invite tous les participants au comice à se serrer les mains : « Je ne sais pas si vous êtes les ennemis des uns des autres ou si vous appartenez à de différentes ethnies mais je souhaiterais que vous tous, vous vous serriez les mains les uns aux autres. C’est dans la paix que nous allons construire le futur meilleur»166.

La région du Sud du Mozambique est le dernier champ de bataille électorale. Dans la circonscription d’Inhambane, 471. 524 électeurs devaient voter. J. CHISSANO a d’abord rendu visite à Massinga, le cercle électoral le plus important de cette province. La réception s’est avérée prometteuse : des communautés, des Eglises protestantes, encadrées par leurs représentants, ont témoigné de leur sympthie à J. CHISSANO/Frelimo. Le chef parle une fois de plus de la RENAMO. Pour illustrer l’ « irrationalité » de ce parti, il se réfère à la destruction des hôpitaux :

‘Ici à Massinga, il y avait des hôpitaux qui ont été construits par le Gouvernement colonial. Mais nous avons également bâti des hôpitaux après l’indépendance pour le bien du peuple. La RENAMO a détruit tant les hôpitaux hérités du passé colonial que ceux construits pour nous mozambicains. On pourrait comprendre que la RENAMO puisse détruire ces derniers du fait que, d’après ce Parti, il s’agissait des hôpitaux du ‘marxisme’. Mais comment peut-on comprendre que ceux de l’époque coloniale aient connu le même sort ? Soyez attentifs. Des leaders d’autres Partis vont venir ici pour vous dire : « vous voyez ! Si vous souffrez, c’est parce que le Frelimo vous a apporté la pauvreté et de la souffrance ou encore, le Frelimo n’a jamais eu la compétence de gouverner »167. ’

Désireux d’attirer l’appui de l’électorat, J. CHISSANO visite la ville de Maxixe, où il avertit les gens du danger représenté par deux de ses ennemis. Il s’agit de J. MASSINGA, le fils de l’espace et le leader du PANADE, et de D. AROUCA, de même le fils de l’espace et chef du Parti FUMO-PSD. Pour J. CHISSANO, ces deux politiciens ne masquent pas leurs vraies intentions. Ils parlent toujours de l’Amérique et du Portugal, bien qu’ils sachent que le Mozambique ne fait parti de l’Amérique. A Homoine, un district au Nord d’Inhambane, le comice de J. CHISSANO n’a pas eu l’adhésion qu’on attendait. Les gens, parce que sympathisant avec la RENAMO, participaient le même jour à la cérémonie évocatrice d’A. MATSANGAISSA, leader de la RENAMO, tué au combat, à Gorongosa. Cela n’a néanmoins pas empêché la poursuite de la croisade à Cumbane, à Inharrime et à Zavala, dont le résultat s’est avéré encourageant pour le chef du Frelimo.

Déjà à Gaza, circonscription avec 398.381 recensés, sa province natale, J. CHISSANO annonce qu’on a lui a téléphoné de Maputo pour lui suggérer de ne pas trop s’efforcer parce qu’on a déjà gagné. Cet optimisme de J. CHISSANO est à mettre en relation avec le fragment d’un discours d’A. DHLAKAMA, le leader de la RENAMO, selon lequel il allait renvoyer les changanes dans leur pays d’origine (Afrique du sud) s’il gagnait les élections. Outre des attaches d’ordre culturel, linguistique, cette annonce a rapproché l’électorat de Gaza, Maputo-province (330.887 recensés) et de la ville de Maputo (459.166 recensés) de J. CHISSANO/Frelimo. Le fait que la croisade électorale se soit achevée par un comice à Machava, auquel 60.000 personnes ont participé, en est l’illustration. 

Notes
1.

46 Voir le Doc. audio-visuel, CHISSANO, J./FRELIMO, Campagnes électorales, 1994, Maputo, TVM, 1994

1.

47 La notion de sens veut dire ici ou bien le sens visé subjectivement et réellement par un agent dans un cas historiquement donné….ou par des agents dans une masse donné de cas, ou bien ce même sens visé subjectivement dans un pur type construit conceptuellement par l’agent, ou les agents conçus comme des types. Ce n’est donc pas un sens quelconque objectivement juste ni un ses vrai élaboré métaphysiquement., cf. WEBER, M., Economie et société…op. cit., p.4.

1.

48 Les onze circonscriptions électorales sont les suivantes, du nord au sud du pays : Niassa (282 513 recensés) ; Cabo Delgado (568 169 recensés) ; Nampula (1.365.796 recensés) ; Zambèzie (1.270 098 recensés) ; Tete (397.260 recensés) ; Manica (322. 201 recensés) ; Sofala (530 066 recensés) ; Inhambane (471. 524 recensés) ; Gaza (398.381 recensés) ; Maputo-province (330.887 recensés) ; Maputo-capitale (459.166 recensés). Cf. Comission Nationale d’Elections.

1.

49 Voir à ce propos le Doc. audio-visuel, CHISSANO/FRELIMO, Campagnes électorales, 1994, Maputo, TVM, 1994

1.

50Idem.

1.

51Idem

1.

52Idem

1.

53 Cf. ABELES, Marc, « La mise en représentation du politique », in ABELES, Marc-JEUDY, Henry Pierre (sous la direction de), art. cit., p. 255.

1.

54 Outre l’ethnie maconde, dont le territoire a été coupé en deux à la suite des accords frontaliers entre le Portugal et l’Allemagne, la langue swahili est parlée sur la zone Nord-Cotière du Mozambique, en Tanzanie, au Malawi, en Ouganda, au Nord-Est du Zaïre.

1.

55 Cf. CHIPANDE, Joaquim, la tête de liste du Frelimo pour la circonscription électorale de Cabo Delgado, voir Doc. audio-visuel, CHISSANO/FRELIMO, Campagnes electorales, 1994, Maputo, TVM, 1994

1.

56Idem

1.

57 Ces liens se repportent aux proches de l’épouse du Président. Idem.

1.

58Idem

1.

59 Cf. CHISSANO, Joaquim, (leader du Frelimo), Idem.

1.

60Idem.

1.

61Idem

1.

62Idem

1.

63 Idem

1.

64 Cf. VIRIATO, S., cité, PEREIRA, João, C.G., « As primeiras eleições multipartidárias e o comportamento eleitoral no distrito de Marromeu », Arquivo. Boletim do Arquivo Historico de Moçambique, n°21, Abril de 1997, pp. 5-52, p. 35 ; voir aussi Doc. audio-visuel, CHISSANO/FRELIMO, Campagnes électorales, 1994, Maputo, TVM, 1994

1.

65 Cf. CHISSANO, J., Idem.

1.

66Idem.

1.

67 Idem