6.3. Démocratie, pouvoir et réseaux relationnels : réussir à se faire élire

Si l’on fait appel au mode libéral d’interprétation des faits sociaux, l’expérience électorale survenue en 1994 au Mozambique s’avère être un repère du passage de l’Etat partisan à l’Etat des partis. Dans le régime de l’Etat partisan, la finalité du pouvoir étatique est, une fois pour toutes, inscrite dans une doctrine ou une philosophie politico-sociale dont les termes ne sauraient être remis en cause. Cette interprétation rigide et inaltérable de l’ordre désirable est exprimée par un parti unique, celui dont les dirigeants contrôlent les mécanismes étatiques ; dans l’Etat des partis, en revanche, la politique divise les hommes ; les forces qui s’affrontent sur la scène politique cherchent à investir l’Etat pour qu’il marque de son sceau leurs objectifs et leurs exigences. Dans cette perspective, l’Etat apparaît comme l’enjeu de la lutte politique et, à la limite, comme une sorte d’alibi dont se couvriront les forces qui ont triomphé, en imposant comme volonté de l’Etat les exigences inscrites dans leur doctrine ou leur programme.

Dans l’Etat des partis, comme le note Georges Burdeau, la lutte pour le pouvoir ne devient autre chose que le combat où le vainqueur s’attribue la compétence pour faire la Loi181. Pour ce qui est du Mozambique, cette corrélation de forces se serait traduite par le fait que, dans un total de 14 partis participant aux élections législatives182, seuls le Frelimo, la RENAMO et l’Union Démocratique se sont qualifiés, à des statuts différenciés, à la représentativité politique :

Répartition des sièges à la nouvelle Assemblée nationale83
         
         
        0
Gaza 16 15 0 1
Inhambane 18 13 3 2
Sofala 21 3 18 0
Manica 13 4 9 0
Tete 15 5 9 1
Zambézie 49 18 29 2
Nampula 54 20 32 2
Niassa 11 7 4 0
Cabo Delgado 22 15 6 1
Total 250 129 112 9

Le pouvoir n’est pas une borne au milieu de la société pour en immobiliser le cours. Il procède d’elle en même temps qu’il agit sur elle. Dans l’optique de notre problématique, limiter l’explication de l’accès au pouvoir au « pluralisme des interprétations de l’ordre désirable »184 que « stimule l’affrontement des pouvoirs de fait»185 ne met pas au clair un certain nombre de questions, touchant les espaces entre la tradition et la modernité. L’hypothèse avancée par L. de Brito, sur le phénomène de « vote ethnique186 » n’est pas, semble-t-il, suffisamment éclairante. Parler de l’ethnicisation du vote lorsque les Partis et les discours politiques en compétition électorale s’avèrent transethniques, renvoie un cadre d’interprétation insatisfaisant, à deux égards : d’abord, les acteurs se sont aperçus de l’intérêt de l’Etat multiethnique comme ressource du pouvoir ; ensuite, l’ethnicisation du vote supposerait le recours à l’appartenance ethnique comme ressource pour recréer l’image de l’ethnie et pour la mobilisation ethnique à des fins politiques. Le suffrage étant ici à la fois un rapport à une multiplicité d’allégeances, comment les candidats à la représentativité parviennent-ils à se faire élire ? Dans un contexte où l’espace est structuré, les individus s’y trouvant sous l’influence d’une chaîne de relations sous le plan vertical et horizontal, ce partage inégalitaire du vote ne traduit-il des liens et des compromis entre les influents de l’espace et les partis politiques ?

L’hypothèse qu’on souhaiterait développer associe, en accord avec M. Abélès et J. Lacam, l’aboutissement de l’effort des individus à se faire élire à l’espace de la représentativité à des facteurs de deux ordres : la mise en place de ressources personnelles pour la construction du réseau personnel et la dimension stratégique du travail relationnel187. Engagé dans le but de mobilisation des ressources pour la réussite politique des individus et/ou d’un groupe, ce travail relationnel relie le chef/noyau central de la formation partisane, cherchant à accomplir les rationalités du pouvoir ; les intermédiaires, désireux d’accéder à des ressources matérielles et symboliques définissant leurs statuts sociaux ; les influents des espaces communautaires, souhaitant garder la position de centralité dans les espaces respectifs. L’infrastructure à la base du reliement de ces sous-ensembles concerne donc les ressources constitutives du pouvoir, celles qui définissent le statut social des intermédiaires ou encore la capacité distributive du pouvoir dans le cadre de rapports clientélistes. Les individus appartenant à des espaces communautaires et/ou ethniques, étant situés dans un contexte historique, deviennent mobilisables par l’influence des influents de l’espace. Consentement qui n’est pas dépourvu de rationalité, du point de vue de la trajectoire et des expériences individuelles et collectives, la mobilisation des individus tient donc à une nouvelle représentation de leur situation, à une nouvelle grille d’interprétation de leur position sociale, de leurs intérêts.

Sous cet angle, dans le contexte entre la tradition et la modernité, la capacité à se faire élire est une entreprise qui vient en amont des réseaux relationnels, ces derniers se nourrissant des échanges matériels et symboliques. C’est bien cette dimension transactionnelle du vote et ses enjeux qui rendent inéluctable la connexion et l’interaction de plusieurs groupes188. Investissant le politique de manière inégale ou en fonction des ressources à leur portée, ces groupes sont à propos du vote engagés dans l’action. A lumière de l’apport de R. Boudon189, l’action est un ensemble d’actes ressentis dans la durée, mais aussi liés entre eux par leur objectif commun. Simultanément, l’action s’organise, soutient Boudon, de l’intérieur selon un principe de division du travail en une multiplicité d’actes particuliers, répartis dans l’espace et dans le temps, mais complémentaires entre eux. Ces tâches, continue Boudon, peuvent s’organiser entre elles, d’autant plus rationnellement que l’action est mieux définie que son objectif est plus précis. Divisions du travail et rationalité n’existent d‘ailleurs qu’à l’intérieur de l’action.

A ce stade de notre exposé, on analyse ce cadre complexe de rapports sociaux au principe du fait de se « se faire élire », tout en se référant à trois circonscriptions électorales, celle de Gaza, au Sud, Sofala et Tete, au Nord du Mozambique. Considérés comme des espaces échantillon de cette étude, elles présentent des particularités suivantes : d’abord, toutes les trois régions sont multiethniques ; ensuite, le Frelimo et la RENAMO, qui sont des partis transethniques, y bénéficient, à des degrés variés, de soutiens ; enfin, dans les élections législatives et présidentielles de 1994, les deux partis se sont disputés pour la qualification à la représentativité politique. Voici les résultas du combat politique :

Tableau XIX : Députés élus à l’Assemblée nationale en 1994 dans les circonscriptions de Gaza, Sofala et Tete, (Parti Frelimo-PSD)90
Circonscription
Electorale
Parti
politique
N° de
Sièges
En
dispute
N° de
Députés
élus
Nom, Profession et Lien à l’espace
Gaza Frelimo 16 15
 
BANZE, J., né à Chidenguele, Enseignant, Manjacaze (Gaza) ;
-BENDZANE, Manuel, Fonctionnaire- né à Cubo, Chicualacuala ;
-LUMBELA, Rosália, Jornaliste, - née à Chókwe, (Gaza) ;
-MABOTE, S., -Né à Chicumbane, Politicien, -Xai-Xai (Gaza)
-MACAMO, Pedro., Fonctionnaire-Né à Denguene, Xai-Xai, Gaza
-MACHAVA, Eliseu, -Né à Canhavano, Chibuto (Gaza)


-MAMUDO, Sarifa, Fonctionnaire,-Née à Xai-Xai, (Gaza)
-MORRINE, Aurora, Fonctionnaire,-Née à Chonguene, Xai-Xai (Gaza)
-MOIANE, Salomé, Dessinatrice -Née à Xai-Xai (Gaza)
-MUCAVEL, Maria, couturière, Née à Maputo
-MUTEMBA, Octavio, Economiste, Né à Xai-Xai (Gaza)
-MUXANGA, Jacinto, Fonctionnaire,-Né à Chibuto, (Gaza)
-NHACA FACHE, Sabina, marabout -Née à Maputo, Résidente à Xai-Xai.
-SAIA, Joao, Télegraphiste, -Né à maputo
-VALOI, Isabel, couturière,-Née à Xai-Xai (Gaza)
Sofala Frelimo 21 3
 
-GUEZIMANE, Deolinda, Technicienne de Farmace, Née à Buzi, (Sofala)
-MENESES, Isau, Sociologue, Né à Chimoio (Manica)
-GUENHA, Alcido, Enseignant –Né à Macie, (Gaza).
Tete Frelimo 15 5
 
-PANTIE, Sérgio, Jornaliste, -Né à Tete
-MATSINHA, Mariano, Politicien, -Né à Casula, Macanga (Tete)
-TEMBO, Teresa – Née à Maroeira, Maravia
-DA COSTA, Filipa, Enseignante, -Née à Mocimboa da Praia, Cabo Delgado
-VIEIRA, Sérgio, Enseignant et Chercheur, -Né à Tete

Deux aspects ressortent de ce tableau : la dimension compétitive de la démocratie et la nature symbolique de la représentativité. Les Partis se battent pour emporter la totalité ou la plus grande partie de votes parce qu’elle est une ressource de pouvoir. Elle est un atout pour qu’un groupement politique prenne l’avantage sur le plan décisionnel dans l’Assemblée (250 sièges au total). Cela rapporte d’ailleurs au Parti gagnant des moyens de la domination du système politique et l’accroissement du pouvoir. Si dans certaines circonscriptions électorales, un parti politique remporte la majorité des sièges en dispute, dans d’autres, en dépit de sa dimension transethnique, le même Parti politique se heurte à l’insuccès.

C’est dans ce contexte de la compétition politique que les affiliés aux partis politiques, croyant pouvoir se qualifier à la représentativité politique, se font élire. Bien que leur réussite politique survienne dans un contexte démocratique, elle relève en fait d’un cadre complexe de rapports sociaux.

L’examen des ressources permettant l’éligibilité des députés affiliés au Parti Frelimo-PSD, dans la circonscription de Gaza (voir le Tableau supra), offre des exemples illustratifs. On constate que ce cercle est constitué par des semblables et des dissemblables, cette classification étant due à des ressources personnelles et symboliques de chacun des candidats éligibles. Pour qu’on se rende compte de cette réalité, il suffit qu’on retienne quelques exemples. MABOTE, S., né à Chicumbane, (Xai-Xai, Gaza)191, politicien, se présente dans une position plus avantagée par rapport à celle de MUTEMBA, O., économiste, né à Xai-Xai (Gaza)192 ; ceux-ci sont à leur tour favorisés du point de vue de ressources politiques par rapport à MUXANGA, J., fonctionnaire, né à Chibuto, (Gaza)193 et à NHACA FACHE, Sabina, marabout, née à Maputo mais résidente à Xai-Xai194.

MABOTE, S.1 95. a un itinéraire biographique favorable à la réussite politique. Contestaire du système colonial, Il est parti en exile après avoir terminé le service militaire portugais, au début des années 60. Membre du FRELIMO depuis 1963, il s’est fait remarquer comme guérillero par les avancées de la guerre dans la province de Niassa. Aux prises avec le commandement de la guerre dans cette province, il y fut le Commissaire politique et le chef des opérations militaires entre 1965 et 1967. A la suite du II ème Congrès du Frelimo (1968), MABOTE, S. a été nommé membre du Comité Central et chef national des opérations (1968-1974). Outre des postes au Gouvernement et des responsabilités dans l’organisation du système de défense national, MABOTE, S. a été élu au III ème congrès membre du bureau politique du parti. A ce titre, il est l’un des membres du noyau central du Frelimo et peut entrer en contact avec le chef du Parti. Il a d’ailleurs prit en charge la responsabilité de la campagne électorale du Frelimo, dans la circonscription de Gaza.

MUTEMBA, O., appartient au cercle de la famille de Josina MUTHEMBA, héroïne nationale, qui fut l’épouse du Président S. MACHEL. Le patrimoine symbolique et politique de la famille serait, dans ce cas, l’un des atouts de la qualification à la représentativité. En outre, faut-il tenir compte de la possession des diplômes universitaires et du témoignage de la fidélité au parti depuis son engagement. Cela lui a permis la confiance (du chef) pour exercer plusieurs postes, parmi lesquels ceux de Directeur National de l’Industrie et l’Energie puis de Ministre de ce domaine1 96. MUXANGA, J., jeune (né en 1962), catholique, il est le chef du noyau de l’Organisation de la jeunesse de Gaza. En plus de la fidélité « militante » au Parti, la qualification à la représentativité tient à sa capacité mobilisatrice à la base1 97. NHACA FACHE, Sabina, marabout, née à Maputo mais résidente à Xai-Xai, symbolise la capacité d’adaptation du Frelimo à son environnement social, au moment du changement de Frelimo, marxiste-léniniste en Frelimo-PSD. Dans le but d’accomplir la stratégie de parti-attrape-tout, le pouvoir d’influence à la base de NHACA FACHE, Sabina, est un atout de mobilisation d’adhérents. La parole des marabouts, du fait des croyances sociales et des services qu’ils rendent à la communauté, a valeur de Loi dans l’espace social respectif1 98. D’ailleurs, elle est la Présidente de l’Association de « Médecins » Traditionnels (Marabouts) et membre de l’Organisation de la Femme Mozambicain1 99, à Xai-Xai. A ce titre, NHACA FACHE, Sabina est, une ressource stratégique pour la construction des réseaux relationnels et politiques.

La représentation politique comporte une dimension de symbolisation et de construction du leadership. Derrière la qualification du représentant à parler et à agir au nom d’autres individus, la construction du leadership ne peut se faire que par référence à des espaces sociaux situés. Cela suppose, dans les Etats multicommunautaires et multiethniques, un rapport à des lieux, en tant qu’éléments de l’environnement du politique. Le fait que la plus grande partie des candidats à la représentativité politique sont nés dans des lieux de la circonscription de Gaza, l’espace des ethnies changane et chope 2 00 n’est pas dépourvu d’intérêt : il rend la mobilisation politique un rapport à des lieux, appréhendés comme espaces culturels, espaces de travail, espaces d’habitation et espaces de consommation ou d’échange.

Cette réalité n’étant point associée à un projet de nationalisme juridique ou de Fédéralisme, elle nous renvoie au phénomène qui s’inscrit dans la déconcentration politique. Elle cherche à opérer un collectif à partir du multiple, ce qui exige du/des représentant(s) (action symbolique) un lien avec la pluralité des structures –économiques, sociales, religieuses, etc., - composant la société globale. La déconcentration politique apporte au politique, au moyen des individus influents sur l’espace, des ressources lui permettant une capacité de communication politique. Mis en place en faveur de la stratégie mobilisatrice et de l’assemblage des espaces – le vote devint, dans le contexte démocratique, un dispensateur du pouvoir – la déconcentration politique ne peut se faire qu’au moyen des influents locaux. Ancrés dans des espaces respectifs, les originaires, à travers les discours (sociaux) locaux (langue, religion, mémoire social, conflits, médiation) se font écouter et sont écoutés. La signification des liens qui y sont entretenus prend sa source dans le vécu des gens, qui construisent leurs liens affectifs et leurs préférences politiques.

Sous ce rapport, la campagne électorale dans la circonscription de Tete2 01 (à Nord-Ouest du Mozambique), territoire où co-existent les ethnies nhungoè, sena et cheua, a été également faite par des originaires de ces espaces. Ils se présentent comme un réseau dont les membres sont liés par des relations, de projet et de continuité. En outre, l’agrégation de la diversité de ses membres n’empêche pas qu’ils soient connectés et qu’il y ait un pôle relayeur. À MATSINHE, M., en raison de ses ressources personnelles et symboliques2 02, est revenue la tâche de relayeur des relayeurs et de coordination avec le noyau central du Parti. Parmi les quinze sièges qui était en dispute, du fait de la compétition politique, la Frelimo n’a pu que faire élire 5 députés.

La RENAMO, elle aussi, n’a point méprisé la déconcentration politique. Cherchant à établir des compromis entre ceux qui détiennent du pouvoir d’influence dans des espaces où ce parti bénéficie de soutiens, le noyau central a toujours essayé de rallier à la RENAMO les chefs des chefferies, les représentants communautaires, les chefs de familles les plus influents dans l’espace ethnique. L’intérêt de la mise en valeur de ces ressources reste le même : les entrepreneurs du Parti ont ainsi intérêt au capital relationnel, à la capacité de communication politique et de mobilisation des notables dans des espaces respectifs ; du fait de leur autonomie et leur centralité dans les relations sociales, le ralliement des influents est un atout de mobilisation et elle ne peut devenir réalité qu’à travers des originaires des espaces sociaux respectifs. Les candidats à la qualification pour la représentativité dans les circonscriptions électorales de Sofala et Tete, comme le montre le Tableau-ci-dessous, ont des liens, originels, culturels et professionnels, avec ces espaces :

Tableau XX :Députés élus à l’Assemblée Nationale en 1994 dans les circonscriptions de Gaza, Sofala et Tele (RENAMO)03.
Circonscription
Electorale
       
      0
Sofala RENAMO 21 18
 

-BERO, Francisco, eletrotechnicien, -Né à Beira (Sofala) ;
-CHAVEIRO, Augusto, Téchnicien-véterinaire, -Né à Tica, Dondo (Sofala) ;
-DOMINGO, Raul, Dessinateur ; Né à Mutarara (Tete) ;
-FRANCISCO, Chico, Hidrogéologue, -Né à Marromeu (Sofala) ;
-GUMBAZA, Augusto, Chef traditionnel-commerçant, -Né à Maropanhe, Machanga (Sofala) ;
-INACIO, Luis, Commerçant, -Né à Buzi (Sofala) ;
-BERO, Francisco, eletrotechnicien, -Né à Beira (Sofala) ;
-CHAVEIRO, Augusto, Téchnicien-véterinaire, -Né à Tica, Dondo (Sofala)
-DOMINGO, Raul, Dessinateur ; Né à Mutarara (Tete) ;
-FRANCISCO, Chico, Hidrogéologue, -Né à Marromeu (Sofala) ;
-GUMBAZA, Augusto, Chef traditionnel-commerçant, -Né à Maropanhe, Machanga (Sofala) ;

-INACIO, Luis, Commerçant, -Né à Buzi (Sofala) ;
-JOAO, Domingos, Administrateur, -Né à Luabo, Chinde (Zambézie) ;
-DA MAIA, Manuel, Artiste –Né à Pinda,
Morrumbala (Zambézie) ;
-MACHAMBISSE, Francisco, Teneur des livres, né à Geonda, Buzi (Sofala) ;
-MANUEL, Luis, Contabiliste, -Né à Mamunge, Buzi (Sofala) ;
-MAZUANA, José, Enseignant, -Né à Tica, Dondo (Sofala) ;
-PEREIRA, Manuel, Administrateur, -Né à Vila Fonte, Caia (Sofala) ;
-DOS SANTOS, Lerina, Auxilieir de l’Administration, -Née à Beira (Sofala) ;
-SOARES, Cristovao, Technicien de médecine, -Né à Gorongosa (Sofala) ;
-DE SOUSA, Rui, Etudiant, -Né à Beira (Sofala) ;
-VASCO, Alexandre, Agriculteur-commerçant, -Né à Sena, caia (Sofala) ;
Tete Renamo 15 9

-AUGUSTO, Joaquim, mécanicien – Né à Beira (Sofala) ;
-BANDA, António, Enseignant, Né à Cazula, Macanga (Tete) ;
-BENTO, - Né à Nhandoa, Moatize ;
-CANCONDO, José, agent comptable, -Né à Fíngoe, Maravia (Tete) ;
-GUMBI, Virgílio, Electriciste, Né à Moatize (Tete)
-FAITE, Alexandre, Fonctionnaire, - Né à Chiuta (Tete) ;
-RAPOSO, Félix, commerçant-agriculteur, -Né à Udrasse, Mutarara (Tete) ;
-SIMANGO, Samuel, Administrateur, -Né à Chiteve, Chibabava (Sofala).

A l’instar du Frelimo, les candidats de la RENAMO à la représentativité politique forment un réseau, dont les membres se trouvent reliés par des relations, de projet et de continuité. Ce réseau prend corps tout en reliant des identifiés à plusieurs registres et qui traduisent des positions d’appartenances multiples et entrecroisées. On notera par ces différents registres l’itinéraire de ceux qui, s’étant scindés du Frelimo du fait de leur marginalité dans le système à l’heure du parti-Etat, leur filiation dans la RENAMO leur a ouvert l’accès à la centralité et à l’appareil du mouvement ; le registre de ceux qui, étant ancrés dans des espaces respectifs, s’avèrent d’autant plus influents qu’ils sont des relayeurs des gens à la base ; le registre de ceux reliés par parenté des activités professionnelles et militantes, dans le passé, dans le présent ou encore par l’affinité culturelle des espaces de l’origine.

On remarque la répétition du même phénomène dans ce système : la tâche de relayeurs de relayeurs revient aux individus dont l’itinéraire leurs a apporté des ressources pour faire autorité dans l’appareil partisan. Dans la circonscription de Sofala, DOMINGOS, R. apparaît dans une position de centralité dans la coordination de la campagne électorale, ce qui a à voir avec les ressources personnelles204. L’espace l’objet de la campagne électoral étant le territoire des ethnies ndau et sena, on identifie autour du coordinateur des gens nés dans de différents lieux. Parmi ceux-ci, on retient la figure de SOARES, Cristóvão, élu député à la circonscription de Sofala. Il est lié à l’espace des senas du point de vue de naissance et ses ressources personnelles et symboliques sont indissociables de ses activités professionnelles205. L’élection de SOARES, Cristovao découle sans aucun doute de sa capacité de relayeur des influents à la base et, ainsi, de sa capacité d’agent de mobilisation politique.

GUMBAZA, Augusto est l’un des ceux qui se sont qualifiés à la représentativité politique, grâce aux réseaux relationnels. L’entrée aux instances du pouvoir de l’Etat moderne (démocratique) se présente comme la réussite dans l’effort de préservation du patrimoine de la famille. Né en 1951, à Maropanhe, Machanga – l’un des espaces de l’ethnie ndau -(Sofala) – GUMBAZA, A. hérita le poste de chef traditionnel de son père, GUMBAZA, Janeiro, le 19 octobre 1969, dans le cadre de l’alliance entre les pouvoirs traditionnels et l’Etat colonial (v. chap. II, 2.2.3.2). Suite au déclenchement de la révolution en 1975, GUMBAZA, A. fut, à l’instar de tous les chefs traditionnels au Mozambique, interdit de ses fonctions. Le pouvoir de l’influence de ce chef s’est, dans les années 80, placé derrière l’Eglise de la Commnunauté Chrétienne Saint Antonio de Maropanhe, dont il devient l’un des instructeurs religieux. De plus, la crise du régime du parti-Etat ayant rendu inéluctable la libéralisation économique, GUMBAZA s’est essayé dans le domaine d’entreprise, à Maropanhe : il créa un établissement commercial, « Casa comercial GUMBAZA », et une entreprise de transports fluviaux et maritmes. La logique de la conflictualité entre le Frelimo et les chefs traditionnels a poussé GUMBAZA, A. à s’affilier dans la RENAMO. Dans le contexte démocratique, instructeur religieux, entrepreneur et chef traditionnel, mobilisa ses réseaux relationnels pour se faire élire. Par le biais de la dimension stratégique du travail relationnel, d’autres candidats, tant du côté du Frelimo que de la RENAMO, ont pu réussir à entrer dans le cercle de la représentativité politique, à la suite des élections de 1994206.

Par ces exemples, on souhaiterait remarquer un fait bien précis : la compléxité des rapports sociaux et des rationalités poussant les membres de l’élite à se battre pour le pouvoir. La démocratie, entendue comme système de représentations et discours politique, est certes intégré comme une technique de légitimation du pouvoir dans le contexte entre la tradition et la modernité. Mais la rationalité limitée de cette pratique, mise en place dans une logique de légitimation de l’Etat en tant que société globale, multicommunautaire et multiethnique, rend inélutable la déconcentration politique. Elle s’avère comme une ressource de communication politique et d’inscription du pouvoir dans la multiplicité des espaces qui forment la société globale.

Notes
1.

81 BURDEAU, Georges, « ETAT »,in Encyclopaedia Universalis, Paris, 1989, pp. 844-847.

1.

82Voir Chap. 6., la note n° 141. D’après la loi législative mozambicaine, les partis n’ayant pas atteint le seuil de 5% des suffrages n’ont pas l’accès à l’Assemblée nationale. Voir AWEPA, Moçambique. Constituiçao, Lei Eleitoral e Legislaçao Complementar, Vol.4,Lisboa, ed. 70, 1994, 246p

1.

83 Cf. Comissão national de Elections/1994.

1.

84 BURDEAU, Georges, art. Cit., p. 846

1.

85Idem.

1.

86 BRITO, L., « O comportamento eleitoral nas primeiras eleições multipartidárias em Moçambique”, in BRAZAO MAZULA (Direcção), Moçambique, Eleições, Democracia e Desenvolvimento,….. art. cit., p. 494.

1.

87 Je m’inspire ici de l’ouvrage d’ABELES, M., Jours tranquilles en 89. Ethnologie d’un département français….op. cité ; LACAM, Jean, « Le politicien investisseur : um modèle de l’interprétation de la gestion des ressources politiques », …..art. cit.

1.

88 Un groupe implique des processus entre deux ou plusieurs personnes. Il est extensible à la fois dans l’espace, pouvant être plus ou moins peuplé, et dans le temps puisqu’il peut durer plus ou moins longtemps. Il se reconnaît cependant toujours à deux critères complémentaires, l’un interne ou de centration (thématique) et l’autre externe ou de délimitation (pratique). Ces deux critères s’expriment structuralement par des signes, surtout de nature conversationnelle au centre, surtout de nature comportementale en périphérie. Un groupe est donc un ensemble social de nature symbolique. Il fonctionne essentiellement en termes de personnes : il est à la personne comme l’intersubjectif est au sujet . Le caractère subjectif des groupes explique d’ailleurs leurs limites (externes) et leurs structuration (internes), toujours relativement floues et indéfinies. Leur unité tient à l’inténsité des processus symboliques de participation, au degré de communautarisation des mêmes valeurs et des mêmes normes. Ce sont les processus communicationnels également qui assurent aux groupes les ajustements aux dynamiques événementiels, voir DELOBELLE, A., « Le don et l’achat : les deux formes de l’échange économique », Recherches sociologiques, 1995, n°3, pp. 33-60, pp. 49-50.

1.

89 BOUDON, Raymond, « Action », in BOUDON, R. – BOURRICAUD, F., Dictionnaire critique de la sociologie, ….op. cit., p. 183-189.

1.

90 BALOI, Obede – HECKEN, Guido (editores), Quem é quem na Assembleia da República, Maputo,

AWEPA, 1996,250p

1.

91 Voir le Tableau XIX

1.

92Idem.

1.

93Idem.

1.

94Idem.

1.

95 Voir Chap. III, Frelimo : Du mouvement de libération au parti marxiste-léniniste, note 210.

1.

96 Voir BALOI, Obede – HECKEN, Guido (editores), Quem é quem na Assembleia da República, …op. cit., p. 132.

1.

97 Ibidem., p. 35.

1.

98 Voir à ce propos, dans une perspective comparative, le cas de MBACKE, E.H. Falilou, (Chef de la puissante confrérie mouride ) au Sénégal, qui a fait l’objet d’étude de COULON, C., Le Marabout et le Prince. Islam et pouvoir au Sénégal….op. cit., pp. 221-223. Nous nous sommes référés à ce phénomène au Chap. IV., 4.2.2. Pouvoir « populaire » et stratégie légimatrice : camarades, clients et appareil politique.

1.

99 Voir BALOI, Obede – HECKEN, Guido (editores), Quem é quem na Assembleia da República, …op. cit., p. 169

2.

00 Voir le Tableau XIX.

2.

01 Voir le Tableau XIX.

2.

02 Voir Voir le Chap. III, 3.3., « Frelimo, parti marxiste-léniniste : réseau et appareil politique », note n°208. En outre, il fut ministre du Travail pendant le gouvernement de transition (1974-1975), ministre de l’intérieur (1977-1980), ministre résidant à Sofala (1982-1983), ministre de sûreté (1983-1984), ministre-dirigeant de la province de Niassa (1984-1985), ministre de sureté (1986) . Voir Voir BALOI, Obede – HECKEN, Guido (editores), Quem é quem na Assembleia da República, …op. cit., p. 123.

2.

03 Recueil fait sur la base de l’ouvrage édité par BALOI, Obede –HECKEN, Guido (editores), Ibidem.

2.

04 Combattant de la RENAMO depuis 1980 ; secrétaire du Président de la RENAMO ; Chef de l’Etat-major et de coordination pour le sud du Mozambique ; chef de l’Etat-majeur de la RENAMO ; chef du département de Relations Extérieures ; chef de l’organisation ; chef du département pour les affaires politiques ; membre du conseil national de la RENAMO et de la comission politique de la RENAMO. Voir BALOI, Obede –HECKEN, Guido (editores), Ibidem., p. 6.

2.

05 Diplôme d’études lycéennes à l’époque coloniale ; Diplôme d’infirmier à l’Ecole Téchnique de Santé, à Beira, à l’époque coloniale ; Diplôme de Technicien de médecine (1975) ; enseignant à l’école primaire du « Cristo Rei de Gorongosa (Sofala) ; enseignant et médecin assistent ; membre de la RENAMO et chef du département de la santé et affaires sociales de la RENAMO, depuis 1981, Ibidem., p. 199.

2.

06 Voir à ce propos le recueil fait par BALOI, Obede –HECKEN, Guido (editores), Quem é quem na Assembleia da Republica…op. cit.