Dans son «Essai sur le don » 18 , M. MAUSS dit que le don «oblige », au double sens du terme ; il oblige à rendre et fait du récipiendaire l’obligé, et donc en situation de dette. Donner, recevoir et rendre sont inséparables ; ces actes sont publics, sociaux et présentent des dimensions économiques, politiques et religieuses, liant les individus entre eux, les liant à leurs groupes sociaux et liant leurs groupes sociaux entre eux. De plus, nous dit M. MAUSS, l’objet donné n’est pas n’importe quel objet, il est porteur d’une ‘’âme’’, porteur de quelque chose du donateur qui devient propriété du donataire.
C. LEVI-STRAUSS 19 récuse cette approche où l’esprit (l’âme) de l’objet donné ne saurait expliquer les mécanismes du don et contre-don ; pour lui, le dispositif plus universel est celui de l’échange sous le primat de la réciprocité. Si l’ensemble des différences repérées dans la circulation des enfants semble s’articuler dans les mécanismes du don et/ou de l’échange, la question se pose des mécanismes prévalant dans notre mode occidental de circulation des enfants qu’est l’adoption. Deux questions surviennent alors : comment se traduit le contre-don au don d’enfants par les géniteurs ? Comment peut s’établir la réciprocité, dans la perspective de l’échange ?
En effet, l’adoption occidentale est marquée de l’inégalité et de la dissymétrie de l’échange, de la rupture des liens ; tout cela semble dire l’impossible don qui ne pourrait l’être véritablement que si un contre-don pouvait être fait. L’adoption occidentale est également marquée de l’empreinte de notre mode de filiation donnant la primauté aux liens biologiques ; bien qu’instituée, l’adoption se veut ‘’copie’’ de la filiation naturelle. Dans la Grèce Antique, les deux dimensions sont nécessaires pour ‘’fabriquer’’ de l’adoption.
M. MAUSS. Essai sur le don. Paris, PUF, 1989.
C. LEVI-STRAUSS. Les structures élémentaires de la parenté.Paris, Mouton, 1949.