-2.1- Le contexte historique et juridique national.

A travers l’évolution du Droit français, nous allons peu à peu percevoir l’émergence et la conjugaison des intérêts de l’adoptant et de l’adopté. Nous nous intéressons donc au prononcé du jugement d’adoption,c’est-à-dire à la décision de Droit qui juridiquement institue l’adoption.

-2.1.1- L’adoption disparaît jusqu’en 1789.

Supprimant le culte des ancêtres, supprimant le caractère très domestique de l’adoption romaine centrée autour du foyer dont l’adoption assure la pérennité, le christianisme en sape le fondement primordial, c'est-à-dire religieux ; l'adoption disparaît presque de la vie sociale. A travers l’institution du baptême, l’église catholique donne une ‘’famille’’ aux enfants, y compris aux enfants abandonnés ; ainsi l’adoption ne se trouve plus justifiée. A. FINE écrit 24  : « …parenté par le sang… parenté adoptive ; la première est entachée de la honte attachée à la sexualité, acte ‘’naturel’’ désocialisant, la seconde est valorisée comme acte social par excellence… (cette hiérarchie) … rappelle avec force celle qui opposait dans l’Europe chrétienne médiévale, la parenté spirituelle créée par le baptême, à la parenté charnelle… ce rapprochement montre… que cette représentation à la fois populaire et cléricale des deux parentés est une des formes d’expression de l’opposition universelle nature/culture ». 

Dans le même temps, la place de l'enfant ne change guère, il reste ce "presque humain" sur lequel l'autre a droit de vie et de mort. Au Moyen Age, le taux de mortalité infantile est très élevé. L'enfant est ce quelque chose de vivant, qui passé le cap des maladies et de la mort accède à l'humanité des hommes adultes pour travailler. Ph. ARIES 25 parle pour cette époque du «sentiment superficiel de l’enfant, appelé ‘’mignotage’’... quand l’enfant était une petite chose drôle. » 26 . De plus, à ce handicap d’être enfant, vient s’ajouter pour certains, un autre handicap : celui d'être bâtard, naturel, (c'est-à-dire fruit du péché de l'homme). A l'exclusion viendra s'ajouter une autre exclusion : l'abandon. JJ. Rousseau (1712 – 1778), abandonné par son père, n’ayant pas connu sa mère, abandonnera lui-même cinq de ses enfants. Ces enfants abandonnés ne verront leur situation évoluer que très lentement. Les enfants, sans filiation, ne sont même pas admis dans les Hôtels-Dieu, et il faudra attendre 1765 pour qu'ils soient traités au moins comme les enfants légitimes. Entre temps, Saint-Vincent de Paul est venu bousculer la conscience de la bourgeoisie et forcer le Roi à intervenir. Malgré cela, le rapport de la société à l'enfance ne change pas beaucoup et ce rapport se mesure à celui de la place que la société fait aux enfants abandonnés. Dans ce contexte, l'adoption n'est pas envisagée et paraît tout à fait impensable.

Ainsi, l’adoption décline au Moyen Age pour quasi disparaître aux XV° et XVI° siècles. Seules subsistèrent les ‘’adoptions’’ faisant de l’héritier, non pas un héritier légitime mais un simple successeur de biens, sans lien de puissance paternelle entre l’adoptant et l’adopté.

Notes
24.

A. FINE. Op. cité. p.6 et 7.

25.

Ph. ARIES. L’enfant et la vie familiale sous l’ancien régime. Paris, Seuil, 1973, p. 6.

26.

Cette thèse est d’ailleurs contestée par C. ROLLET. qui écrit : «En fait, plus qu’on ne l’a cru et contrairement à ce qu’a écrit Philippe ARIÈS, la société médiévale a développé vis-à-vis de l’enfance un ensemble de pratiques et d’attitudes qui témoignent d’une réelle sollicitude à l’égard des petits ». In Les représentations de l’enfant d’hier à aujourd’hui. In  Echanges  n° 95-96. Paris, La documentation française, Septembre-décembre 1999.