Comme nous l’avons vu précédemment, l’adoption était initialement à Rome et à Athènes, une affaire privée, contractuelle ; elle est devenue affaire publique, marquée du pouvoir d’une décision judiciaire qui aujourd’hui seule peut instituer le lien de filiation adoptive. Il s’agit bien d’une ‘’institution’’, dont nous verrons la valeur symbolique ultérieurement. Le prononcé du jugement d’adoption simple ou plénière est de la compétence du Tribunal de Grande Instance saisi par le Procureur qui instruit la requête en adoption sur demande des adoptants. Ce prononcé, en audience publique, est conditionné par des éléments relatifs aux adoptants et aux adoptés, il est conditionné d’abord à l’intérêt de l’enfant rappelé dans les attendus du jugement. J.RUBELLIN-DEVICHI 27 qualifie le pouvoir judiciaire d’ «exceptionnel » en matière d’adoption, reprenant la formule de Bonaparte pour qui ce jugement avait valeur de «sacrement civil ».
Pour la définition de ce contexte juridique, nous nous placerons dans une perspective générale, considérant l’ensemble du dispositif actuellement en vigueur, en Europe et en France, pour nous centrer progressivement sur les enfants pupilles de l’État et les enfants nés à l’étranger. En effet, la compétence des services départementaux de l’Aide Sociale à l’Enfance est généralement requise pour ces seules catégories d’enfants adoptables, d’autres jugements d’adoptions pouvant être prononcés pour des situations sans intervention en amont de l’autorité administrative.
Les différents pays européens ont connu, en matière d’adoption, une évolution semblable à celle que nous avons rappelée : les institutions mises en place, faisant écho à la place de l’enfant, à ses représentations sociales et à ses fonctions dans la famille, restent référées à l’adoption romaine. Certains pays ont gardé les deux filiations, simple et plénière : ce sont les pays latins (Espagne, Italie, Portugal), l’Allemagne, la Belgique et la France. D’autres (les Pays Bas, la Suisse, l’Autriche et le Royaume Uni) ne connaissent que l’adoption plénière, les Pays-Bas et le Royaume-Uni ne permettant que l’adoption de mineurs. Chacun de ces pays a prévu un placement pré-adoptif, permettant de vérifier la réalité du lien adoptif ; le jugement d’adoption institue un lien déjà construit affectivement et socialement ; la durée de ce placement varie de six mois pour la France à deux ans pour la Suisse.
Voyons maintenant les conditions et les effets de l’adoption en France.
J. RUBELLIN-DEVICHY. Réflexions pour d’indispensables réformes en matière d’adoption. Droit de l’enfance et de la famille en matière d’adoption. 1991.