-3.2.5- Adopter par l’intermédiaire d’un Organisme Agréé pour l’Adoption.

Anciennes œuvres de charité, recueillant les enfants orphelins (c’est-à-dire non chargés de ‘’péchés’’), les œuvres privées ont été à l’initiative de l’adoption en France et pendant plus d’un siècle, inspireront plus confiance que les services administratifs de l’État ; les œuvres accueillent les enfants abandonnés et quand elles le peuvent les font adopter. Peu à peu l’autorité publique cadre leurs activités (loi du 24 juillet 1889), pour les contrôler plus directement (décret du 10 mai 1963), mais également pour leur reconnaître par la loi du 11 juillet 1986 l’exclusivité partagée avec l’Aide Sociale à l’Enfance de pouvoir recueillir les enfants de moins de deux ans. Rappelons que ce passage obligé de l’enfant de moins de deux ans, par les services d’Aide à l’Enfance ou par l’intermédiaire d’une œuvre d’adoption a pour objectif de faire cesser tout commerce d’enfant. Aujourd’hui encore, cette condition à l’adoption des enfants de moins de deux ans et ayant plus de sept degrés de parenté entre l’adopté et l’adoptant, est maintenue.

Au fil des décennies, l’Aide Sociale à l’Enfance remplissant mieux sa fonction aux yeux du public, les activités des œuvres d’adoption baissèrent en France 42 . Aujourd’hui, ces œuvres ne confient que très peu d’enfants français ou nés sur le territoire national. Néanmoins, certaines se sont spécialisées dans les adoptions d’enfants ayant un handicap. Ces œuvres fonctionnent d’ailleurs comme relais et partenaires des services départementaux d’Aide Sociale à l’Enfance. Aujourd’hui, la principale activité de ces œuvres d’adoption devenues Organisme Agréé pour l’Adoption 43 (OAA), est celle d’intermédiaire pour l’adoption internationale. Au regard des principes qui les fondent et des pratiques mises en œuvre, ces OAA inscrivent leur action dans une dynamique qui part de la demande des autorités des pays d’origine, recherchant des parents pour des enfants qui n’en ont pas.

Les OAA ne peuvent retenir pour un apparentement futur que les couples ou personnes ayant obtenu un agrément pour l’adoption, délivré par le Président du Conseil Général de leur département. Le Ministère des Affaires Sociales 44 en donne la définition suivante : « Le fait d’intervenir dans les procédures à l’étranger, dans le choix des familles adoptantes pour proposer l’adoption d’un enfant ou pour la prononcer est caractéristique de l’activité d’intermédiaire ». Le décret du 11 septembre 1998 45 , dans son article 11, en fixe le cadre : « Un organisme agréé (association loi 1901) doit poursuivre uniquement des buts non lucratifs…. , être dirigé et géré par des personnes qualifiées par leur intégrité morale et leur formation ou leur expérience…. , être soumis à la surveillance des autorités compétentes ». Le décret du 18 avril 2002 «relatif aux organismes autorisés et habilités pour l’adoption » précise les «activités que les OAA doivent être en mesure d’exercer » :

Notons simplement qu’au regard de ces activités, le décret semble tout entier centré, avant l’accueil de l’enfant sur un niveau opérationnel de réalisation du projet, après l’accueil de l’enfant. sur un niveau d’accompagnement.

Chaque organisme doit être d’une part agréé 46 par le Président du Conseil Général de chaque département où il confiera des enfants, et d’autre part doit être habilité par le Ministère des Affaires Étrangères (Mission de l’Adoption Internationale). Cette habilitation est donnée pour chacun des pays avec lesquels l’OAA envisage de travailler «compte tenu de la situation propre du pays concerné, des garanties assurées aux enfants, à leurs parents et aux futurs adoptants, de la qualité du projet présenté, de la connaissance du pays concerné, notamment des institutions locales chargées de l’adoption. » 47 . En effet les institutions et autorités étrangères déterminent également les conditions d’intervention des organismes avec lesquels ils envisagent de coopérer. Ainsi, un OAA pourra se voir attribuer par un État (la Thaïlande par exemple) un statut privilégié (ou exclusif) pour servir d’intermédiaire dans l’adoption par des français d’enfants thaïs ; un OAA pourra être en relation directe avec un orphelinat ou une crèche pour faire adopter des enfants, sous le contrôle et avec l’accord des autorités administratives et judiciaires de ce pays.

Aujourd’hui, en 2002, trente six organismes sont habilités pour l’adoption. Parmi eux, treize ont un agrément national leur donnant la possibilité de confier des enfants à des personnes habitant dans l’un des départements du territoire national 48   ; les autres OAA ont un agrément donné, individuellement, par chacun des départements qu’ils ont sollicités. Certains OAA ont un agrément dans quelques départements seulement. (deux ou trois départements pour certains). Rappelons que les OAA doivent assurer le suivi des enfants placés par leur intermédiaire, ce qui nécessite soit d’avoir un réseau suffisamment dense de personnes disponibles pour l’assurer, soit le recours à des professionnels qui seront alors rémunérés. Au regard des habilitations, certains OAA ont une habilitation pour un seul pays ; d’autres une habilitation pour dix ou onze pays 49 .

Cette diversité des agréments et des habilitations des OAA est en lien avec leur structure et mode de fonctionnement et en lien avec leurs activités. Certains OAA ne fonctionnent qu’avec des bénévoles ; l’ensemble de l’activité (réception des demandes et sélection des candidats ; relations avec le pays d’origine ; construction de l’apparentement ; suivi de l’adoption) est assuré par des personnes qui ne reçoivent aucune rémunération. D’autres ont des structures avec des salariés assurant l’ensemble des activités, soit directement (secrétariat, direction), soit en vacations (travailleurs sociaux assurant le suivi ; médecins et psychologues assurant la sélection). D’autres enfin ont des salariés et un réseau de parents ayant adopté par leur intermédiaire, parents qui maintiennent des relations avec les postulants, faisant un premier ‘’tri’’ des demandeurs, et qui continueront ce travail d’accompagnement après l’arrivée de l’enfant.

Ces OAA ont un volume d’activités représentant en moyenne 30% des adoptions internationales. C’est la même proportion que nous retrouvons dans les adoptions réalisées dans le département de l’Ain. Les activités de ces OAA sont très inégales au regard des adoptions réalisées. Six d’entre eux 50 réalisent 60% des adoptions par OAA. Quinze ont fait adopter moins de dix enfants en 2000. Donnons également quelques chiffres disant la disparité des OAA dans le coût prévisionnel annoncé aux postulants.

Retenons simplement, au regard des possibles chemins de l’adoption, ceci : la construction de l’apparentement se réalise, pour l’adoption d’un pupille de l’État et pour l’adoption internationale avec OAA, dans une triangulation où un tiers fait fonction d’intermédiaire entre les parents d’origine et les parents adoptants et entre les adoptants et l’enfant. Cette fonction apparaît plus confuse dans les adoptions réalisées directement, ‘’en individuel’’, adoptions qui correspondent à 70% des adoptions internationales. Si effectivement dans ce cas, les adoptants ont bien un correspondant, sorte de relais local, dans le pays d’origine de l’enfant, il n’est pas certain que la dynamique enclenchée le soit toujours à partir des besoins de l’enfant. Ces réflexions nous conduisent à nous interroger sur la fonction d’intermédiaire : qu’est ce qu’un intermédiaire ? Quelle place peut-il avoir dans le processus d’apparentement ? Que peut-il mettre au travail tant du côté des futurs parents que du côté de l’enfant qui n’a plus de parents ?

Rappelant l’ensemble des procédures d’adoptions, nous avons également donné quelques chiffres sur le nombre d’enfants adoptés en France et dans l’Ain. Notre méthodologie de recherche s’appuiera sur cette réalité. Dans l’Ain, nous irons à la rencontre des couples qui ont obtenu un agrément ; en France à la rencontre des OAA.

Notes
42.

MP. MARMIER.  Op. cité. pp : 125 et 224. Pour l’auteur, ce renversement s’opère dans les années de 1960.

43.

Cette nouvelle appellation est introduite par la loi de 1996.

44.

Circulaire n° 312 du 1° mars 1989 de la Direction de l’Action Sociale.

45.

Décret « portant publication de la convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, faite à La Haye le 29 mai 93 ».

46.

Loi du 5 juillet 1996. Article 100-1.

47.

Article 21 du décret du 18 avril 2002.

48.

Cette autorisation nationale n’équivaut cependant pas à une activité sur chaque département ; ces OAA ne travaillent que dans les départements où ils ont des relais locaux départementaux.

49.

Un pays peut donner son accord pour que plusieurs OAA soient habilités à travailler avec lui.

50.

Il s’agit des Amis des Enfants du Monde (112 enfants adoptés en 2000) ; Enfants du Monde (120 enfants) ; Médecin du Monde (211 enfants) ; Le Rayon de Soleil de l’Enfant étranger ( 164) ; Accueil et Partage (63 enfants) ; Enfance et Avenir (57 enfants).

51.

Cette différence peut être dans un rapport de un à trois. (source http./www.diplomatie.fr/MAI/).