4.1- Le concept opératoire de représentation.

Afin de mieux comprendre ces futurs adoptants quand ils nous parlent de l’enfant qu’ils veulent adopter, nous devons faire un petit détour théorique et rappeler, autant que de besoin, le concept de représentation.

C’est à partir de l’image figurative donnée de l’enfant que nous mènerons une étude de leurs dossiers. Ce concept nous entraîne également à chercher les référents de leurs représentations. Ces référents qui, faisons-nous l’hypothèse, déterminent l’élaboration de l’image figurative et déterminent aussi la stratégie d’apparentement. Nous donnerons les principales théories de ce concept opératoire et nous l’appliquerons à notre recherche.

Le concept de représentation repose sur une double métaphore : la métaphore théâtrale qui est la mise en scène d’une personne, d’un objet, d’une action, ce sont des acteurs qui donnent une représentation et qui sont donc bien présents sur la scène du théâtre ; métaphore diplomatique qui est la  présence indirecte, médiatisée par la représentation, d’une réalité qui n’appartient pas au champ de l’appréhension directe. Il y a donc dans toute représentationprésence et absence. Celui qui est présent re-présente celui qui est absent mais qui devient présent par la représentation.

Ainsi, nous pouvons dire que dans toute représentation, il y a trois pôles :

  • Le sujet qui se représente : l’adoptant qui se représente un enfant, ou se représente être parent d’un enfant qu’il n’a pas conçu.
  • La représentation elle-même : c’est-à-dire le processus de représentation arrivant à la construction d’une image figurative de l’enfant.
  • Les référents à partir desquels le sujet construit sa représentation. Ce référent peut être un objet réel ou imaginaire.

La question est alors celle des relations entre ces trois pôles. Le débat philosophique est de savoir qui, du sujet ou de l’objet réel-référent, domine dans les processus cognitifs et dans la construction de la représentation. Les matérialistes-réalistes soutiendront que l’objet s’impose au sujet dans la construction de l’image de sa représentation ; les idéalistes soutiendront au contraire que c’est le sujet, avec toute sa subjectivité, qui crée sa représentation. Ce débat est dépassé en psychosociologie. S. MOSCOVICI écrit 53  : «Dans les représentations, sujet et objet ne sont pas foncièrement distincts... Il y a entre eux interaction », et encore S. MOSCOVICI 54 , «une représentation est toujours une représentation de quelque chose et de quelqu’un ».

Le terme représentation a donc deux sens : il concerne le processus lui-même de la représentation, c’est-à-dire le comment se construit une représentation ; et il concerne aussi le résultat, le contenu de ce processus (ce résultat étant la vision, reconstruction du monde, la croyance, la connaissance, l’idéologie...) Nous allons donc étudier les représentations selon leurs processus de construction, selon leurs contenus et selon leurs fonctions. Nous verrons enfin comment les représentations s’articulent avec le social.

Notes
53.

S. MOSCOVICI. Préface p. 9, de Santé et Maladie : analyse d’une représentation (Cl. HERZLICH), Paris, EHESS, 1984.

54.

S. MOSCOVICI.  La psychanalyse, son image, son public. Vendôme, PUF, 1976, p. 55.