-1.2- La dimension narcissique : du même…

Nous tenterons d’approcher la dimension narcissique de la filiation. Nous verrons ensuite comment œuvre le narcissisme. Cela nous permettra d’aborder la notion de «relation d’objet » et de «choix d’objet ». Cette dimension fondamentale sera replacée alors sur la toile de fond de ce qui humanise, c’est-à-dire le symbolique à partir duquel Jean GUYOTAT construit la dimension qu’il appelle «instituée » de la filiation. Ainsi, dorénavant, nous utiliserons le terme de narcissisme pour désigner l’axe ‘’affectif’’ ; et celui de symbolique ou institué pour désigner le ‘’social’’.

« Par référence au mythe de Narcisse, le narcissisme est l’amour porté à l’image de soi-même » 96 . L’amour au sens psychanalytique peut être compris comme l’équivalent des pulsions dont la libido est l’énergie. Selon J. LAPLANCHE et JB. PONTALIS 97 , «le narcissisme primaire désigne un état précoce où l’enfant investit toute sa libido sur lui-même », sur son corps pris en tant qu’objet. Le narcissisme secondaire désigne «un retournement sur le moi de la libido, retirée de ses investissements objectaux » 98 . Il y a donc un mouvement qui soit porte l’amour directement à l’image de soi-même, soit un mouvement qui porte cet amour à un objet (qui investit un objet) et qui le fait revenir à soi-même. Le narcissisme dirige, donne sens, direction à la vie pulsionnelle, à l’amour de soi à soi. Le narcissisme rentre également dans ce que J. LACAN nomme l’imaginaire 99 , comme «relation à l’image du semblable », avec deux dimensions à comprendre à ce terme d’image. Tout d’abord, l’image comme représentation, et «à l’image de » comme relation au semblable. Nous retrouvons ici le rapport du sujet à son moi, et le rapport du sujet à l’autre comme image de soi-même. Cela nous permet d’entrevoir la relation entre soi et l’autre ; c’est-à-dire à ce que l’autre renvoie au soi comme semblable à lui et différent de lui. En effet, les désignations latines (alter et alius) de ‘’l’autre ‘’ ouvrent un espace signifiant. ‘’Alius ‘’ dénomme l’autre parmi plusieurs et par extension implique une notion de différence entre l’autre et soi-même. ‘’ Alter ‘’ désigne l’autre en parlant de deux et renvoie à autrui l’autre moi-même dans sa ressemblance d’alter ego.

Cette acception nous fait approcher le sens que donne J. GUYOTAT au narcissisme comme «mythe d’une référence originaire dont tout procède par redoublement, par reproduction du double » 100 . Et précisément dans la filiation, l’enjeu véritable est là : la reconnaissance de soi dans l’autre, et la reconnaissance de l’autre comme différent de soi, comme séparé de soi. Cette relation du même et du différent implique et conditionne en même temps non pas la reproduction du même mais la reproduction du semblable, c’est-à-dire ressemblant et différent en même temps.

Notes
96.

J. LAPLANCHE et JB. PONTALIS. Vocabulaire de la Psychanalyse. Paris, PUF, 1967, p. 261.

97.

J. LAPLANCHE et JB. PONTALIS. Ibidem p. 263.

98.

LAPLANCHE et JB. PONTALIS. Ibidem p. 263.

99.

Anika LEMAIRE. Jacques LACAN. Bruxelles, Mardaga, 1977, p. 10. 

100.

J. GUYOTAT.  Mort, Naissance et Filiation. Paris, Masson, 1980, p. 36.