Qu’est ce que le langage ? Nous le comprenons comme relatif non seulement à la langue, mais également à la parole «partie purement individuelle du langage, acte individuel de sélection et d’actualisation grâce auquel le sujet parlant peut utiliser le code de la langue en vue d’exprimer sa pensée personnelle » 157 . Mais, pour autant que soit personnelle cette pensée, cette manière de l’exprimer, le code de la langue devra passer par la signification.
La signification est une représentation comprise dans un rapport signifiant-signifié 158 où le signe linguistique n’indique finalement qu’une distinction et une séparation. « Leurs plus exactes caractéristiques (aux signes linguistiques) est d’être ce que les autres ne sont pas » 159 . En effet, le rapport de signification (rapport du signe et de son référent) précise d’abord ce qu’il n’est pas : le signifié ‘’table’’ ne dit rien de ce qu’est une table, mais dit simplement que ce n’est ni une chaise, ni un lit. « Faisceau indéfini de renvois interminables à autre chose…. Ce quelque chose pour autre chose » 160 , la signification, comme représentation linguistique, est elle-même construite et instituée, comme un code nécessaire à l’échange. La signification est alors unique ; elle est l’unique sens du signe, le sens unique du signe, car en soi, le signe «unit non une chose et un nom, mais un concept et une image acoustique » 161 . La signification est une institution ; elle est «immotivée… nécessaire et non arbitraire » 162 et cette institutionnalisation de la signification (langage, symboles, normes, valeurs) est un des chemins pour sortir de la toute puissance. Alors, nous comprenons que l’accès au symbolique 163 passe par la signification ; cette «mise en signification » des pensées, des émotions, des sentiments, des désirs, est symbolisation, dans les deux sens du terme :
La signification, étant l’unique sens du signe, inscrit le sujet qui l’emploie dans un code et donc dans un ordre symbolique transporté par le langage 164 . Ainsi, par la nomination, parole qui nomme l’enfant, l’ infans (celui qui ne parle pas) est inscrit dans la filiation langagière ; cette inscription ouvre l’accès au symbolique, elle en est aussi l’instrument et l’intermédiaire 165 . La filiation non-langagière relèverait du ‘’symbolisme social’’, c’est-à-dire de «tout ce qui fait qu’un enfant est désigné par le groupe comme étant en relation de filiation avec tel père ou mère » 166 . Cette dimension non-langagière se retrouve dans les institutions, surtout juridiques qui définissent les règles d’appartenance de X par rapport à Y. Ce sont aussi les usages, les lois, les rites, les mythes, les tabous qui organisent et transportent en eux l’interdit de l’inceste et la linéarité des générations. ( à travers l’organisation des transmissions de noms, de biens...). Ce concept de filiation avec sa dimension instituée nous permet de reprendre celui de représentation : pour nous, la représentation de l’enfant est la «re-présentation » du désir dont l’objet est l’enfant ; ce désir d’enfant est Tout et Manque. Dans sa re-présentation langagière, verbale, écrite… il se dit, s’institue en signification, se symbolise.
J. COSNIER. Op. cité. p. 92.
Le signifiant est le support matériel du discours (la lettre, le son, le mot); le signifié étant ce dont on est en train de parler, c’est-à-dire l’objet, l’expérience...
F. SAUSSURE (DE) : Cours de linguistique générale in Dictionnaire des Sciences du langage, Paris, Seuil, 1972, p. 317.
C. CASTORIADIS. L’institution imaginaire de la société. Paris, Seuil, 1975, p. 290 et suiv.
F. SAUSSURE (DE). Ibidem.
C. CASTORIADIS: Ibidem, p. 359 et suiv.
Nous faisons volontairement ici l’économie des autres modes de symbolisation que sont les expressions (artistiques…) sous leurs différentes formes.
Nous reprendrons cela dans notre 5° partie quand nous étudierons les différentes significations du sens.
G. ROSOLATO. Op. cité, p. 75. « Le nom est la pièce de transmission du système. Le nom propre se confond avec la permanence de la loi et relie cette loi à la lignée »
J. GUYOTAT. Mort, Naissance et Filiation. Paris, Masson, 1980, p. 89.