-2.3.1- Cristallisation et plasticité des représentations.

JC. ABRIC souligne ²³⁸ : « Toute représentation est organisée autour d’un noyau central. Ce noyau central est l’élément fondamental de la représentation. Il en détermine la signification et l’organisation ... Une représentation peut se transformer superficiellement par un changement de sens ou de nature de ses éléments périphériques... Elle ne se transforme radicalement que par changement (ou rupture) du noyau central. Il peut cependant y avoir changement progressif du noyau central par changement des schèmes ²³⁹ périphériques ». Il nous importe donc dans chacune des représentations des adoptants de saisir ce qui en constitue le noyau central et les éléments périphériques.

L’étude quantitative ²⁴⁰ de vingt-six dossiers nous donne les résultats suivants : douze candidats disent avoir changé de représentations pendant la procédure d’agrément. Ces changements concernent prioritairement l’âge de l’enfant qui semble être, dans le noyau central de la représentation, l’élément le plus susceptible de subir des modifications. La question de l’origine de l’enfant reste inchangée, sauf pour un couple qui semble avoir élargi son attente. Ces modifications, quand elles apparaissent, sont surtout le fait des couples ayant des enfants biologiques ou de couples inféconds. En effet, parmi les dix couples stériles ou vivant comme telle leur infécondité, seule une modification de l’âge de l’enfant (de un à trois ans) apparaît chez deux d’entre eux. Pour cinq autres, aucune modification n’est constatée ; enfin pour trois, la modification intervient dans le sens d’un resserrement du noyau central de la représentation. Pour ceux là, imaginant initialement adopter un enfant qui pourrait avoir jusqu’à trois ans, ils attendent, au moment de l’entretien, un enfant de moins de un an.

Nous pouvons alors avancer l’hypothèse selon laquelle  :

• Chez les futurs parents adoptants, le noyau central de leur représentation se structure autour de la santé et de l’origine de l’enfant ; cette construction est peu susceptible de changement.
• Un élément périphérique lié à l’âge est, lui, susceptible de changement et cela principalement pour les couples ayant déjà des enfants ou pour les couples inféconds.
• Ces deux éléments (âge et origine) doivent s’articuler avec la question du temps : ‘’être pressé’’, ‘’être patient’’.
• Enfin, pour les couples stériles, non seulement ce noyau central reste stable, mais il peut, sous l’influence de différents facteurs ²⁴¹ , se concentrer, se cristalliser.

Voyons alors ce qui peut être facteur de changement.Ces changements ²⁴² , quand ils se produisent, sont essentiellement le fait de la prise en compte de la réalité de l’adoption dans sa réalisation possible.(et pour un couple, de l’arrivée d’un enfant né). Les rencontres avec les professionnels de l’adoption qui ont charge de l’évaluation ont un effet limité (pour deux couples), si l’on excepte les trois situations où il y a eu changement dans le sens d’une réduction du noyau central. Enfin, les rencontres avec des couples ayant déjà adopté ne modifient que peu également ces attentes. Cela viendrait alors confirmer la thèse de C. FLAMENT ²⁴³ qui démontre que « ce sont les pratiques sociales qui déclenchent les transformations profondes des représentations ». Au niveau du noyau central, c’est la réalité vécue et la pratique et non le discours qui font bouger les représentations. Pour que ce changement puisse avoir lieu, il est nécessaire qu’il y ait dissonance cognitive ou contradiction entre la représentation et son inscription dans la réalité, à moins qu’une autre stratégie de réalisation soit choisie qui permette d’adapter cette réalité à la représentation. Nous voyons en cela une limite aux effets possibles de la dialectique des dimensions narcissique et instituée.