-1.1.2- L’agrément comme garantie d’une disponibilité des futurs parents.

Cette garantie donnée à l’intérêt supérieur de l’enfant nous semble rejoindre la disponibilité des futurs adoptants : c’est au nom de cette disponibilité évaluée que l’agrément est accordé. Reprenant ce que nous avons dit des éléments centraux et périphériques des représentations, il nous semble que l’évaluation ne consiste pas d’abord et seulement à recueillir le «désir d’enfant » des postulants, mais à repérer dans leurs représentations ce qui apparaît comme creuset de leur disponibilité. Ainsi, au-delà de l’avis favorable donné, il importe de repérer, dans l’image figurative de leurs représentations, les éléments centraux structurants et peu susceptibles de modification et les éléments périphériques plus souples et permettant les adaptations. La question est alors de savoir si nous pouvons séparer aussi nettement ce qui serait de l’ordre du désir et ce qui serait de l’ordre de la disponibilité. Si le désir d’enfant est évidemment la condition sine qua non à tout projet d’adoption et donc à l’obtention d’un agrément, il n’en est pas la condition suffisante. Nous avons vu que, référé à l’absolu, à la totalité, à l’absolument plein, le désir est aussi référé au manque dans ce que la réponse apportée à la demande pour le combler restera, elle-même, incomplétude. La disponibilité nous paraît être alors le rapport que les adoptants ont eux-mêmes à cet écart, à cette perte. P. RICOEUR 262 la définit comme «promesse qui engage une invariabilité de soi… c’est un engagement… une promesse faite à l’autre ». A cette dimension de permanence de l’engagement pris, nous souhaitons ajouter cette autre dimension qui est ‘’passivité’’ de soi à l’autre, véritable attestation d’altérité ; il s’agit du ‘’creux’’ en soi-même, où le soi n’agit plus, ne maîtrise plus, ne se défend plus ; le soi devient passif, creuset accueillant l’autre, passivité du soi où l’autre peut se nider. Il s’agit alors pour les évaluateurs d’une part de vérifier que le désir d’enfant est là comme moteur ‘’pulsionnant’’ la demande, et d’autre part de prendre la mesure du creuset des représentations où l’enfant lui-même pourra se nicher. Dans ce sens, les pratiques professionnelles qui tendraient à légitimer la stratégie d’apparentement des adoptants comme réalisation de leur désir nous semble en décalage avec cette notion de disponibilité. Prenons pour cela deux exemples. Écoutons Monsieur et Madame MERLE 263  :

Inversement, nous pouvons entendre la disponibilité de Madame RODET 265  : «Je demande un enfant, je ne sais pas comment il sera, il y aura un problème, il n’y aura pas de problème et moi, je disais oui au gamin qui allait arriver et puis après j’assume s’il y a quelque chose ».

Cette disponibilité, creuset des représentations de l’enfant et de son image figurative, semble pouvoir être appréhendée sous ses deux aspects : au regard de la représentation de l’enfant et au regard des représentations qu’ont les postulants de la filiation adoptive.

Notes
262.

P. RICOEUR.  Soi-même comme un autre. Paris, Seuil, 1990, p. 311.

263.

E 17, p. 271. 

264.

E 9, p.163.

265.

E 21, p. 317.