-3.1.4- La sélection des OAA : un deuxième seuil illégitime ?

Comprenant l’obtention d’agrément comme test positif de grossesse, les futurs parents jugent illégitime de devoir passer de nouveaux tests qui, une fois encore, leur annonceraient le début de grossesse qu’ils savent déjà et dont ils se sont si grandement réjouis. Ce sentiment est largement partagé par les postulants et rejoint les résultats de notre questionnaire auprès des OAA.

Les expériences 338 que les détenteurs d’agrément rapportent de leurs contacts avec les OAA semblent, à l’exception d’une situation, toutes aller dans le même sens : « ils nous font passer un deuxième agrément ». Madame FOURNIER : « Ils nous font tout refaire, tout le parcours alors qu’on a déjà l’agrément ». Madame MOREL dit son « intolérance… j’ai l’impression de recommencer à zéro quand on fait les démarches auprès des associations. On nous pose les mêmes questions, les papiers qu’on nous demande, c’est pareil ». Une autre ‘’avoue’’ ne pas se rappeler qu’» avec les organismes, il fallait repasser les tests psychologiques ». Pour un autre couple, il s’agit de « refaire un agrément… ils nous demandaient de tout reprendre avec eux, toute la procédure ». Mais surtout, retenons la contradiction que relève Monsieur PASQUAL quand il analyse les rapports que les OAA entretiennent avec l’État qui délivre un agrément aux futurs adoptants et agrée également les OAA en qualité d’intermédiaire: « … on tourne en rond. C’est que si les associations disent ‘’vous avez reçu un agrément de l’État, mais nous ne le considérons pas vraiment comme valable et on veut le vérifier’’, ça revient à dire qu’une association privée qui demande un mandat à l’État a le droit de remettre en cause les conclusions de l’État… ».

Cette lecture des entretiens confirme les réponses des OAA. Majoritairement (17 OAA sur 31) disent faire une deuxième évaluation 339 . Citons pour exemples quelques réponses reçues : « Dans le cas d’un premier contact positif, trois entretiens successifs pendant environ trois heures chacun seront effectués par trois membres de l’association, d’abord ensemble, puis mari et femme séparés… un entretien des deux candidats avec un psychiatre pourra être exigé pour compléter le dossier ». Un autre OAA précise ainsi les modalités de leur sélection : « les candidats titulaires de l’agrément rencontrent les travailleurs sociaux et le psychologue. Au fil des entretiens, notre association tente d’évaluer les motivations des candidats ». Donnons encore un dernier exemple : « nous faisons trois entretiens : une enquête sur les motivations, un entretien psychologique et un troisième pour ajuster les deux premiers : re-précisions sur les motivations… ». Cette pratique des OAA peut être mise en lien avec les personnels qui y travaillent, en tant que salarié ou bénévole. Ainsi, notre étude tendrait à prouver ceci : quand un professionnel (assistant social, éducateur, psychologue ou médecin psychiatre) participe aux rencontres demandées par les OAA, il y a une nouvelle évaluation. Nous le constatons dans 16 OAA sur les 18 qui emploient des professionnels, soit 90% des situations. Quand ce sont des adoptants qui rencontrent les postulants, cette nouvelle évaluation ne se rencontre que dans 1 OAA sur 13. Nous avons donc un rapport exactement inverse.

Nous reprendrons cette dimension de l’intervention des OAA ultérieurement quand nous étudierons quelles fonctions peuvent avoir les intermédiaires auprès des futurs adoptants dans la construction de l’apparentement.

Ce nouvel agrément demandé par certains OAA semble d’autant plus illégitime que la dimension symbolique de l’obtention d’agrément est forte ; c’est ce que nous souhaitons développer.

Notes
338.

E 5, 2,12,15,18.

339.

Annexe n° 15, p. 426. « OAA : lecture des résultats ».