-2.2.3.- Accompagner : permettre à l’autre de trouver un contenu.

Si le pouvoir dit l’emprise, la possession et le contrôle, l’autorité dit l’autorisation donnée à l’autre de pouvoir lui-même. Cela ne signifie pas cependant que cet autre soit autorisé à tout faire.

L’itinéraire de Monsieur et Madame TISSERAND nous dit toute la complexité du cheminement du couple pour cette adoption à laquelle Madame, contrairement à son mari, reste très fortement attachée. Ce couple montre finalement sa difficulté à faire, si l’on peut dire, une forme de deuil de cet accueil, et s’en remettant complètement à un tiers, Madame attend « la vérité, qu’on me dise ‘’c’est fini, ce n’est pas la peine d’insister’’, ce sera dur mais au moins je saurai… qu’on me dise si ça va être possible, qu’on m’aide pour y voir plus clair ». Au-delà de la dynamique même de l’entretien et du cheminement de leur couple, Monsieur et Madame TISSERAND nous invitent à comprendre l’accompagnement qu’ils attendent comme une « mise en face de la réalité et de leur réalité ». Cette dimension de l’accompagnement permet à l’autre d’intégrer cette réalité et de quitter les chemins de l’illusion. Accompagner n’est pas illusionner, mais au contraire permettre à l’autre de construire un projet réalisable, à sa mesure, permettre à l’autre de quitter les rives narcissiques de l’illusion pour ancrer son projet dans la réalité.

Ainsi, cette proximité des deux acteurs que nous avons décrite dans un face à face spéculaire matérialisé par l’échange du miroir, ne peut être qu’un instant de la rencontre, sous peine de voir accompagnants et accompagnés se noyer mutuellement dans leurs images. L’accompagnement nous semble, au contraire, devoir se vivre, dans un double mouvement, dans un jeu d’éloignement et de rapprochement, permettant à l’accompagnant de « tenir debout » avec ses savoirs techniques, ses références, ses valeurs et ses normes liées également à l’institution. C’est ce « tenir debout » de l’accompagnant qui aidera l’accompagné à « tenir lui aussi debout ». Finalement, toute rencontre vraie bouscule, altère ; chacun se met en jeu et n’en ressort pas indemne. Toute rencontre est un risque. La métaphore du tuteur dans l’accompagnement donne bien cette idée de quelqu’un restant droit et qui, dans les frottements provoqués par les vents de la vie, permet à l’autre de se tenir droit également ‘’contre vents et marées’’.

Il y a dans l’accompagnement frottement, confrontation même, si besoin est, laissant à l’autre le dernier mot et la responsabilité des décisions qu’il prendra. Loin d’un acquiescement sans conditions, si accompagner dicte la nécessité de la reconnaissance de l’autre, il dicte aussi la nécessité d’une différenciation, de la reconnaissance des places de chacun, évitant ainsi la fusion et donc la confusion.