La question, à ce point de notre travail, est alors la suivante : dans le cadre du contenu de l’accompagnement tel que nous l’avons précédemment défini, comment les professionnels départementaux peuvent-ils accompagner les adoptants dans la réalisation de leur projet ? Nous avons cerné les dimensions juridique et administrative, sociologique, psychologique et éducative de ce projet ; nous avons dans notre troisième partie tenté de comprendre les places respectives des ‘’anciens adoptants’’, des intermédiaires et des professionnels dans l’accompagnement éducatif . Nous souhaitons aborder alors une autre dimension de ce projet d’adoption, la dimension philosophique dans son éthique et sa morale. Nous étudierons si, comment et en quoi, les professionnels peuvent y avoir une place. Nous avons, dans cette dimension, une des clefs de voûte de notre problématique : c’est en effet dans la construction de l’apparentement et dans son effectivité que l’équilibre entre les deux finalités sera construit.
Cette place des professionnels du travail social dans l’accompagnement nous aidera à poser la question du sens de ce travail social. Nous serons alors au cœur d’une perspective éducative, recherchant les ‘’conditions pour… ‘’. Comme nous l’avons noté précédemment, au regard du projet, adoptants et professionnels sont dans une praxis ; et, pensons-nous, celle de l’un n’est pas indépendante de celle de l’autre. Nous nous permettons alors d’opérer une forme de renversement des propositions : l’accompagnement du sens vs le sens de l’accompagnement. Au-delà du plaisir du jeu de renversement, écoutons E. MORIN : « Ce n’est pas seulement l’auteur mais les mots qui jouent avec eux-mêmes…. Le prédicat se retrouve sujet, le sujet prédicat » 487 . Nous avons vu que le temps de l’accompagnement pouvait être l’accompagnement du temps, il nous semble que le sens donné et trouvé par les adoptants dans l’accompagnement par les professionnels a «quelque chose à voir » précisément avec le sens de cette profession. Il en va de même avec l’accompagnement des futurs par les anciens adoptants : le sens de leur accompagnement a ‘’quelque chose à voir’’ avec le sens qu’ils donnent à la parentalité adoptive. Quel est donc le sens du travail social et en quoi l’approche du sens de ce travail peut-il aider à l’approche de la notion d’accompagnement ? Nous questionnerons donc la notion même de sens : nous y avons largement fait référence au cours de ce travail pour prendre enfin le temps d’y apporter quelques éléments de réponse. Nous ne pouvions le faire avant : ce que nous avancerons ne sera pas de l’ordre du postulat mais plutôt de celui de la déduction étayée par notre travail. Cela nous conduira à rechercher dans nos pratiques professionnelles et dispositifs institutionnels les conditions qui nous paraissent les plus appropriées, permettant aux adoptants de construire un équilibre entre les deux finalités de l’adoption : une famille pour un enfant et un enfant pour une famille. Ces pratiques et dispositifs auront alors à intégrer les différentes composantes de l’accompagnement, au regard de la relation elle-même, au regard des souhaits et demandes des accompagnés, et au regard des accompagnants qu’ils soient anciens adoptants, intermédiaires et/ou professionnels du travail social.
Reprenons notre questionnement : quels sont les repères que peuvent avoir les futurs adoptants pour construire l’apparentement ? Nous avons repéré déjà bien sûr le bonheur entrevu d’être un jour parent, le désir d’enfant, leurs représentations, le témoignage des anciens…. ; nous avons également rappelé le cadre juridique des Conventions Internationales, du droit national et international. Comment tout cela peut-il s’articuler ? Trouverait-on ces points de repères déjà construits et lesquels ? Quelles références pourraient être actives permettant aux futurs parents d’avoir la sérénité nécessaire à l’évocation de l’adoption vécue ? Cela, sans encore parler de normes, a une valeur morale très utilitariste : chaque parent adoptant aura aussi à répondre de l’adoption réalisée devant son enfant. Cette recherche mariant singulier et pluriel, singularité et universalité, est celle conjuguant le juste et le bon.
E. MORIN. Op. Cité . p. 154-155.