-1.1.1- Le désir comme fondement éthique.

Aristote fait donc du bonheur la finalité supérieure et dernière de l’homme. Ce bonheur est ce à quoi aspirent les adoptants et ils le définissent précisément par ce qui leur manque : un enfant. L’absence de l’enfant désiré est manque, incomplétude. Chaque futur adoptant définit son bonheur futur comme le bien vivre avec un enfant. Le désir est reconnu comme fondateur de la vie bonne et est intégré comme tel à une visée éthique.J. RUSS 488 rappelle les deux conceptions philosophiques du désir.

  • Celle de PLATON dans le Banquet, pour qui le désir est le rapport au manque, à l’incomplétude. Le désir, dans cette tradition reprise par le christianisme et par Freud «témoigne du vide de l’être au sein de la réalité humaine et se révèle insatisfaction et détresse, errance et vacuité ». Cette vision est celle donnée par G. SÉVERIN 489 qui compare, nous l’avons souligné précédemment, le désir au manque, à la case vide qui permet de jouer au jeu de pousse-pousse. Cette conception freudienne conduira à rechercher dans l’aide apportée, un dispositif en creux, non pour combler le manque, mais au contraire «qui le reçoit, de sorte que le sujet lui-même puisse avoir à le traiter » 490 . Cette conception ne peut pour J. RUSS édifier une éthique.
  • Celle inaugurée par Spinoza pour qui «le désir est production, création radicale et sagesse ». J. RUSS conclut : « Pour édifier une éthique, il faut d’abord concevoir le désir sans le manque et y saisir une plénitude...... le désir, et non point le plaisir 491 , nous signale l’apparition de l’éthique. comme la saisie de notre vraie essence qui est désir créateur ».

Nous proposons de retenir ces deux dimensions de la conception du désir :

  • nous plaçant dans une problématique du désir comme rapport à l’incomplétude, nous retrouvons la dimension narcissique de la filiation dans la tradition freudienne : l’accueil de l’enfant adopté vient combler le manque.
  • comprenant le désir comme plénitude, nous en retenons la force créatrice : « Désirer, c’est faire affleurer des flux nouveaux et des valeurs inédites, c’est créer des valeurs nouvelles » 492 .

Nous avons longuement cheminé avec le désir d’enfant des adoptants dans notre seconde partie, nous ne nous attarderons donc pas plus sur ce fondement de l’éthique, pour nous tourner vers ce qui pourrait être la mesure de ce bonheur d’être parent.

Notes
488.

J. RUSS. La pensée éthique contemporaine. Paris, PUF, 1994, p. 42.

489.

G. SEVERIN. Préface de L’évangile au risque de la psychanalyse. Tome 2, Paris, Seuil, 1982, pp. 7-8.

490.

P. FUSTIER. Les corridors du quotidien : la relation d’accompagnement dans les établissements spécialisés pour enfants. Lyon, PUL, 1993, p. 39.

491.

J. RUSS ajoute: « le désir ne se ramène ni à la loi ni aux fêtes du plaisir: si ce dernier est agréable et même indispensable, il se contente d’interrompre le processus du désir: il signifie donc l’arrêt des forces créatrices, du flux vital, de la volonté de puissance édifiant des solutions inédites ». Ibidem. P. 42.

492.

J. RUSS. Op. Cité. p. 42.