-1.2.2- Le respect de la personne.

La deuxième maxime que nous retiendrons est celle-là. Nous savons que la bonne volonté ne peut agir selon une fin subjective qui est elle-même guidée par la sensibilité et donc ne peut être de ce fait universalisée. Une fin objective en soi doit être trouvée, ayant valeur universelle. Or nous dit KANT, il n’existe dans la nature qu’une fin en soi : l’Homme. D’où le second principe : « Agis de telle sorte que tu traites l’humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une fin et jamais simplement comme un moyen » 528 .L’autre, c’est l’enfant adopté et ses parents d’origine. Rappelons que cette loi rejoint un des principes de droit vu précédemment selon lequel l’enfant est sujet et non objet de droit. Ce principe interdit donc d’utiliser l’enfant pour satisfaire ses penchants (un enfant ne peut être vendu ou acheté ou troqué). Il nous semble possible de prendre ce principe comme universel en adoption. La question qui surgit alors est de savoir ce qui pour chaque adoptant, sinon sa bonne volonté, son intention pure, peut assurer que l’enfant soit considéré comme fin en soi. La même action peut prendre un sens différent selon l’intention de son auteur. Ainsi, juger de la qualité morale selon l’intention pure relève de l’impossible. « Qui aurait la possibilité de dire sans erreur l’intention première ? » s’interroge C. PEYRON–BONJAN 529 . Seul chacun peut dire si son action est morale puisque cela est invérifiable par un tiers : c’est la dimension très individuelle, non de la moralité, mais de la preuve de son authenticité. L’universalité ne pourrait donc être authentifiée que par la singularité. De plus, la question financière peut mener à des situations où le respect dû à l’enfant compris comme fin en soi, conduit à ne pas respecter cette loi apparemment universelle. Prenons un exemple : un enfant est abandonné depuis trois ans dans un orphelinat, il est juridiquement adoptable. Est-il plus moral de refuser de payer la somme demandée par un intermédiaire douteux qui prendra une commission indue ? Ou est-il plus moral de verser la somme demandée afin d’offrir une famille à cet enfant ? E. KANT dirait peut-être, au nom de la loi universelle, qu’un enfant ne peut être acheté, et cela au risque que l’enfant reste sans parents. Ce que nous avons décrit comme étant l’intérêt de l’enfant ordonnerait au contraire de se soumettre à cette réalité et de payer à l’intermédiaire la somme demandée. Mais KANT pourrait tout autant affirmer : puisque l’intention des adoptants est pure (mise en œuvre du droit de l’enfant à avoir des parents), donc leur acte d’adopter est moral. Dans ce cas, toutes les actions seraient morales, faisant l’hypothèse que tous les adoptants ont cette «bonne volonté » et cette «intention pure ».

Nous voyons donc que cette loi (l’homme est une fin en soi) est parfaitement adaptée à l’acte d’adopter, mais qu’elle peut également trouver ses limites dans la réalité singulière. Dans l’exemple donné, l’intention pure supposée des adoptants ne suffirait pas pour définir leur action comme morale : la dimension financière ne dé-moralise -t-elle pas l’intention bonne des adoptants ? Et paradoxalement, serait-il absolument amoral ou anti-moral de verser de l’argent si cela est le seul moyen imposé pour qu’il soit adopté ? Il nous faudra alors trouver des lois régissant l’apparentement qui ne conduisent ni à l’aporie du subjectivisme axiologique ni à celui de l’universalisme.

Et pourtant KANTfait de cette «bonne volonté » le troisième principe de la moralité :

Notes
528.

KANT. Op. Cité. p. 150-151.

529.

C. PEYRON-BONJAN. Op. Cité. p. 64.