Nous retiendrons cinq postures possibles. Les trois premières sont explicitées par G. LE BOUEDEC 653 . Le travailleur social peut être derrière le sujet, il le suit ; il peut être devant, il le dirige ; il peut être à côté, il l’accompagne. Ajoutons qu’il peut être dessous, il le porte. Enfin, une cinquième posture est possible, celle construite par J. CADIERE 654 : la posture de l’opérateur : il est là, c’est-à-dire ? Dessus ? Ailleurs ? Partout et nulle part ?
La question est alors de savoir ce que ces postures topologiques disent, métaphoriquement, de la relation au sujet, et en quoi elles peuvent avoir un effet sur le sens du travail social et, pourrait-on dire, sur le travail du sens pour les adoptants.
Le suivi connote un travail d’observation, d’évaluation, (phase d’agrément) de contrôle de celui qui est devant (le sujet) par celui qui est derrière (l’intervenant social). Le sujet est seul à définir lui-même le chemin à parcourir, et donc la direction à prendre. Ce suivi peut être aussi assurance non plus d’être sur-veillé, mais l’assurance que quelqu’un veille sur soi. Cette posture semble pouvoir être lue partiellement comme topique de la raison, de l’observation et de l’évaluation. L’intervenant laisse faire, observe et cette observation peut également valoir assurance.
La direction dit la place “ devant ” de l’intervenant, lui-même suivi du sujet. Le travailleur social semble alors signifier à l’autre l’injonction de le suivre. “ Suis-moi, sois moi ”, avons-nous dit. Cette direction est tenue par le directeur qui fixe la direction. Cette place dit donc une fonction porteuse de valeurs. Cette autorité peut être aliénation incompatible avec l’autonomie du sujet, elle peut être aussi condition de cette autonomie dans le rappel d’une extériorité, supériorité et antériorité. L’intervenant montre le chemin et celui qu’il faut prendre. Il est celui également qui autorise comme nous l’avons vu avec l’agrément adoption. Nous sommes du côté de l’institution mais aussi de ses représentants dont le travailleur social. Donnant un avis, l’évaluateur porte lui aussi une partie de cette autorité, non dans « le dire » mais dans « ses dires ».
La prise en charge est aujourd’hui largement disqualifiée, elle serait contraire au projet d’autonomie des sujets, projet fondateur de la démarche éducative. Doit-elle pour autant complètement disparaître dans certaines situations ? Si le sujet est porté, c’est qu’il ne se porte plus lui-même, il ne tient plus debout. L’autre marche à sa place. Le professionnel fait à la place de l’autre. Et cela peut avoir un sens pour aller dans une direction où le sujet est em-porté. Passer d’une rive à l’autre d’un fleuve nécessite parfois d’y être trans-porté, à défaut de ne pouvoir-savoir-vouloir le faire en nageant. Cette posture, si elle ne peut pas, évidemment, être retenue dans les pratiques de l’adoption, ne semble à priori pas à écarter pour certaines phases de mise en route du projet : aller chercher de l’information à la place de… , faire une démarche à la place de… . Les adoptants n’ont pas tous les mêmes capitaux.
Dans l’accompagnement, l’intervenant se positionne à côté du sujet, fait avec... Le chemin à suivre, le trajet, le projet sont construits avec lui. Centré sur le sujet, à bonne distance de lui (ni trop près, ni trop loin), l’accompagnant rencontre l’accompagné, et, ensemble, ils vont dans un sens. Cet accompagnement est lien, écoute, clarification, proposition, aide à la décision ; il est confiance en l’autre et en sa capacité d’action ; il est mise en route de l’autre par la mise en route de soi. Il est questionnement, discernement et engagement. Cet accompagnement inscrit les deux compagnons dans un projet qui est construit en même temps qu’il construit. Le sens comme direction prise est construit ensemble. L’accompagnant navigue entre le contenant et le contenu. C’est ce que nous avons développé dans notre quatrième partie.
L’opérationalité se situe à un autre niveau. Il met le sujet en situation d’agir en le mettant en relation, en réseaux, en partenariat. Ce faire qu’il met en mouvement peut être celui du suivi, de la direction, de la prise en charge et de l’accompagnement, c’est-à-dire qu’il offre les conditions de production de sens Nous serions peut-être alors dans la production d’un contexte qui, en soi, n’a pas d’autre sens que celui de les permettre tous. Cette posture de l’éducateur le met au carrefour comme stratège du système : le travail éducatif consiste alors à mettre les adoptants en lien avec les autres adoptants, avec les OAA, avec les sources de l’information.
Nous faisons alors l’hypothèse que la place de l’accompagnant ne serait pas seulement « à côté de » l’accompagné, mais qu’elle conjuguerait également les différentes topiques et plus spécialement les espaces intermédiaires entre elles. Ce serait là une condition pour que les adoptants puissent construire du sens à leur projet.
Guy le BOUEDEC. Diriger, suivre, accompagner : esquisse d’une topique de quelques postures éducatives. In Cahiers Binet Simon n° 655, Toulouse, Erès, 1998, pp. 53-64.
J. CADIERE : Approche compréhensive et essai de formalisation des représentations des travailleurs sociaux .