Pour approcher cela, nous proposons d’analyser plus clairement ce que nous avons déjà rencontré au fil de notre travail : les figures de l’accompagnant. Nous entendons par ‘’figures’’ l’image familiale que représentent le travailleur social et les anciens adoptants pour les futurs adoptants. Ces différentes figures nous intéressent surtout dans la manière dont elles se conjuguent les unes les autres.
Nous savons que l’agrément est une évaluation qui demande au professionnel une posture particulière référée au cogito ; topologiquement il est derrière le sujet. Nous avons vu également que cette même posture pouvait être interprétée comme accompagnement ; l’intervenant social est alors ‘’à côté’’, empathique et déjà dans l’action. Figure paternelle de celui qui autorise, il est également quelqu’un d’autre pendant cette marge ; l’empathie fait écho au creux de la passivité de P. RICOEUR et donc à une figure maternelle, qui accueille et reçoit. Les adoptants trouvent une figure paternelle et peuvent en créer d’autres qui, nous ont-ils expliqué, les aideront à obtenir l’agrément ; cette création de l’autre est une sorte de transfert. Qu’est le transfert sinon le processus qui permet de prendre quelqu’un pour quelqu’un d’autre ? Le père qui autorise est aussi la mère qui aide à obtenir l’autorisation. Ces figures parentales deviennent plus nettes et explicites dans la période de marge post-agrément. Monsieur et Madame MARTIN 655 parlent du travailleur social comme « grand-mère du petit », cette place de grand-parent met donc ce travailleur social en place généalogique de parents des adoptants. C’est à cette place parentale de « grand-oncle de l’enfant » qu’est assigné le travailleur social par Monsieur et Madame GIROUD 656 . Pour Monsieur et Madame MARECHAL, le travailleur social devient le « parrain de l’enfant », nous aurions là une posture du travailleur social qui, comme un second père, serait référé non aux adoptants mais à l’enfant. Mais le travailleur social devient aussi « tuteur et parrain » de Monsieur et Madame CHAPUIS. Cette posture paternelle rejoint celle des anciens adoptants « parrains » et donc pères des futurs. L’accompagnement est bien de l’ordre d’une paternité, il dit une idée de « filiation et d’engendrement » 657 ; cette figure paternelle peut elle-même se transfigurer en figure fraternelle du pair qui est alors frère aîné à la croisée, symboliquement, des positions générationnelles. Cette fraternité des compagnons du compagnonnage, qui peut aller jusqu’à l’universel, n’exclut pas la transmission de maître à disciple.
Nous avons de plus, à ces figures paternelles données par les adoptants, à rappeler la nécessité de fonctions paternelles repérées précédemment. Nous faisons en cela référence au cadre institutionnel dans lequel serait conduit l’accompagnement par les professionnels. Ce cadre, dans son contenant, aurait également à rappeler ce que nous avons nommé l’intérêt supérieur de l’enfant et le déontologique, fonction « garantissant » (et donc protégeant autant que faire ce peut) la recherche de l’équilibre recherché.
Cette figure de père se conjugue avec celle de mère. Le travailleur social apparaît tout d’abord comme mère toute-puissante quand un enfant pupille de l’État est attendu par son intermédiaire ; dans la représentation d’une mère archaïque, généreuse, totalement bonne , cet intermédiaire devient « la mère-Noël ».Cette mère infiniment bonne est celle aussi qui ‘’adoptera les adoptants’’ comme l’a si joliment énoncé Madame PERRET. Pour que les adoptants adoptent, il faut qu’ils soient adoptés par ceux qui leur confieront un enfant. Cette fonction maternelle des intermédiaires est première. Elle nous semble aussi être active dans la relation même d’accompagnement par les professionnels, y compris quand ceux-ci ne seront pas directement les intermédiaires. Le projet d’adoption se soutient de la problématique de l’abandon. Nous rejoignons alors G. LE BOUEDEC quand il écrit : « accompagner… sorte de fonction maternelle permettant à l’autre de lâcher prise, de se laisser porter et peut-être de vivre d’ultimes et de nouvelles expériences fondatrices » 658 .
Ainsi, le travailleur social nous semble être placé institutionnellement dans une place qui porte en soi une fonction changeante selon la mission demandée et nous semble être interprété par les adoptants comme ayant une autre place et une autre fonction. Le travailleur social navigue entre les différentes images familiales de la famille élargie, puisque comme le dit Madame GIROUD 659 « il ne fait pas partie de la famille mais… ».
Nous voudrions alors noter ces différents espaces, repérés au fil de notre travail, ces ‘’entre deux’’ dans lesquels le travailleur social adoption serait topologiquement positionné.
E 6, p. 125.
E 15, 12,13,6,1.
G. LE BOUEDEC . Accompagnement en éducation et formation. Op. Cité. p. 171.
G. LE BOUEDEC. Diriger, suivre, accompagner : esquisse d’une topique de quelques postures éducatives. Op. Cité.
E 15 , p. 243.