Annexe n° 8. Les 26 entretiens.

Nous nous efforcerons de retranscrire le plus fidèlement possible le discours parlé.

Entretien n° 1.Monsieur et Madame PERRET : « L’agrément : je l’ai savouré »

  • Assistant Social : pourquoi avez-vous fait une demande d'agrément adoption ?
  • Madame : moi, je ne peux pas avoir d'enfant naturellement donc, pour nous, le choix de l'adoption s’est vite imposé après un échec de procréation médicalement assistée, on s’est tourné vers l'adoption et pour l'instant, ça se passe bien. Et puis on ne regrette pas du tout notre choix et on poursuit dans cette voie.
  • AS : donc vous n'avez pas d'enfant et c’est ce souhait d'avoir un enfant que vous ne pouvez pas avoir qui vous a conduits à l'adoption ? Cette absence d'enfant est due à une infécondité ou à une stérilité ?
  • Mme : à une stérilité et de ma part.
  • AS : à une stérilité qui a été diagnostiquée ?
  • Mme : oui, elle est effective
  • AS : et de quelle nature ?
  • Mme : j'ai un dysfonctionnement génétique et je suis ménopausée.
  • AS : votre souhait concernant l'enfant que vous souhaitez accueillir ?
  • Mme : justement, on n’a pas mis de critère, on n’a pas mis de barrière, parce qu'on n’a pas fait le choix d'un garçon ou d'une fille, on n’a pas fait le choix d'un bébé ou d'un petit enfant. On est prêt à accueillir un enfant, on a dit jusqu'à six ans.
  • AS : donc, vous avez un agrément jusqu'à 6 ans, donc pas d'obstacles comme vous dites par rapport au sexe de l'enfant ni par rapport à son âge ?
  • Mme : ni par rapport à sa couleur. La seule chose, on a dit qu'il soit en bonne santé. Au moins pour le premier enfant, qu'il soit en bonne santé.
  • AS : et cette disponibilité à cet enfant, c'est quelque chose qui vous est venue d'emblée, comme ça, ou bien si vous avez eu l'impression que dans le parcours, le cheminement qui a été le vôtre, il y a des éléments qui se sont modifiés ?
  • Mme : moi, ma belle-sœur a été adoptée à l’âge de sept ans, et c'est vrai qu'elle m'a raconté un petit peu son parcours. Et elle m'a dit qu’une enfant déjà de cet âge-là, c'est vrai qu'elle a un énorme vécu avant, mais pour elle c'était une deuxième naissance et elle a été très très heureuse d'être adoptée.
  • AS : Donc, c'est quelqu'un de votre famille ?
  • Mme : c'est la femme de mon frère aîné. Donc on s'est dit après tout un nourrisson, d'accord c'est bien, mais on n'avait jamais pensé spécialement à adopter un nourrisson.
  • M : on n'avait pas donné de critère d'âge du tout
  • Mme : moi l'enfant dans ma tête, l'enfant que l'on va adopter, ce n'est pas un nourrisson je ne le vois pas bébé.
  • AS : et vous ne l'avez jamais vu bébé ?
  • Mme : non un enfant de deux trois ans
  • AS : et pour vous ?
  • M : non ce n'est pas une image qui m'est venue.
  • AS : et comment avez-vous décidé de demander un agrément ? Qu’est-ce qui a fait qu'à un moment donné, vous vous êtes dit : on fait une demande d'agrément ?
  • M : le fait qu’au départ, on voulait le faire en même temps que la procréation. On nous avait dit que les deux ensemble, c'était très délicat, qu'il fallait d'abord faire l’un, et puis l’autre, que les deux ne pouvaient pas se faire. Mais on avait d'ores et déjà même au départ... l'adoption au même moment que la procréation.
  • AS : vous en parliez déjà ?
  • Mme M : on en parlait avant
  • Mr : et ensuite l'échec...
  • AS : vous parliez de votre belle-sœur, vous pensez que c'est une rencontre qui est importante pour vous ?
  • Mme : oui
  • AS : et est-ce qu'il y en a eu d'autres ?
  • Mme : à vrai dire c'est vrai qu'on ne connaît pas tellement de personnes qui ont adopté ou qui ont été adoptées. J'ai une amie qui a été adoptée et à part ces personnes, non
  • AS : vous, Monsieur vous en connaissez précisément ?
  • M : non
  • AS : et votre belle-sœur, il y a combien de temps ?
  • Mme : ça fait quatre ou cinq ans. Mais je ne savais pas qu'elle était adoptée quand je l'ai rencontrée. Elle ne m’en a pas parlé. Et quand on lui a parlé un petit peu de notre désir de demander un agrément, elle m'en a parlé. Ça nous a soutenus aussi, son histoire a fait partie de notre cheminement.
  • AS : comment l'agrément s'est-il passé pour vous ?
  • M : et bien, quand déjà on a fait la procréation, le cheminement est déjà très très long et pareil,
  • Mme : c'est... l'agrément en fin de compte pour nous c'était…
  • M : j'ai trouvé ça rapide par rapport à.... c'est vrai que M. a passé énormément de temps entre les hôpitaux, la recherche de ce qu'elle avait... plus après les démarches, l’attente... l'agrément pour nous a été très très vite, ultra rapide.
  • AS :vous avez eu l'impression au cours des entretiens qu'il se passait quoi ?
  • Mme : ça nous a fait réfléchir sur la réalité de notre demande, sur les questions qui sont posées par rapport au psychologue.
  • M : oui et les réunions… on est allé à quelques réunions il y avait des... comme la deuxième réunion...
  • Mme : oui à l’UDAF. Là, on a rencontré des gens dans les mêmes positions que nous. Mais quand on fait les démarches c'est encore tout à fait abstrait. Mais une fois qu'on commence à rencontrer des personnes, qui vont décider de oui ou non, de dire si on a l’agrément ou pas. Avec les questions qui sont posées, mais je me suis remise en question, c'est vrai qu'on a fait ça assez rapidement après la procréation, on nous a dit : «  réfléchissez, remettez-vous aussi en question. Est-ce que vous avez bien fait le deuil de l'enfant naturel ? ». C'est vrai qu'on y a pensé après. Et puis en fin de compte, je pense que ça nous a fait du bien de creuser ça … après on a fait la rencontre avec la psychologue, qui s’est bien passée et après c’est l’attente. Un petit peu d'angoisse.
  • AS : et pour vous, ça a été une période où vous vous êtes senti jugés - vous avez reçu des conseils - on vous a donné de l'information ?
  • Mr : c'est plus information, conseils. Juger non, juger, je ne pense pas que ce soit...
  • Mme : non, moi je l'ai fait dans ma tête. C'est dans ma tête que ça s’est passé. On va te passer au crible, non mais en fin de compte, ce n'était pas aussi inquisitoire que je pensais. Je pense que j'avais une fausse idée - je me suis dit «ils vont t’éplucher, ils vont demander à nos familles, ils vont... » non, je ne pense pas que ce se soit passé comme ça : je m'étais fait une fausse idée.
  • AS : quelle différence, pour vous, il y aurait entre le fait de devenir parents et le fait de devenir parents adoptants ?

Silence

  • Mme : je pense que la différence... mais tout ça se base aussi par rapport à l’ âge de l'enfant. Si c'est un enfant qui a déjà un vécu avant... c'est vrai qu'il faut aussi se faire accepter et puis il faut plus de diplomatie et puis on ne va pas être des parents exemplaires, parce que je ne sais pas s'il y en a beaucoup. On sera ses parents, c'est tout, même si on a des défauts, on a des qualités.
  • AS : c'est vrai ? Rire
  • Mme : oui on a des défauts - rire - mais je pense qu'il faut se faire accepter et il faut aussi accepter...
  • AS : vous pensez qu'on peut se préparer à devenir parents adoptants ? Ou est-ce qu'on peut se préparer à devenir parents ?
  • M : je ne sais pas si ça se prépare.
  • AS : est-ce que ça se prépare ?
  • M : moi je ne pense pas.
  • Mme : mais quand on devient parents - c'est vrai qu'il y a les neuf mois de la grossesse pour se faire à l'idée qu'on va être parents et...
  • M : là, on a trois ans.
  • Mme : là ça nous laisse plus de temps peut-être -- mais je ne sais pas si ça vous prépare.
  • M : il y aura des situations auxquelles on n’aura pas réfléchi avant si longtemps, qui vont se passer certainement.
  • AS : bien. Vous avez un agrément et vous faites quoi ?
  • Mr : on a décidé de passer par une association, on a fait la liste des associations, on a demandé les pays et puis on a réfléchi un peu vers quel pays on allait s'orienter, de demander des dossiers par rapport aux pays. Maintenant on a quelques dossiers - donc on attend d'avoir un peu plus de dossiers réellement pour choisir réellement quel pays, quelle association avec qui on va partir réellement.
  • AS : vous avez plusieurs réponses positives ?
  • Mme : oui pour l'instant, on a choisi trois ou quatre pays vers lesquels on veut s'orienter. Et puis j'ai pris des associations - on a envoyé du courrier, on a reçu des demandes de renseignements, maintenant, on est dans les contacts un peu plus sérieux ; on a un rendez-vous avec une association pour la Colombie. Et donc on attend d’avoir un rendez-vous pour savoir la suite qu'on va donner aux autres demandes.
  • AS : le choix de passer par une œuvre, c'est un choix délibéré ?
  • Mme : oui.
  • AS : vous ne souhaitez pas aller en adoption directe ?
  • Mme : on ne s’est pas senti capables d'y aller seuls. On se sentait trop perdus et puis les gens qui font seuls, ils partent quand même pour plusieurs mois et donc on ne se sentait pas capables de tout laisser pendant plusieurs mois.
  • M. : c'est vrai que quelquefois, c'est certainement plus rapide, c'est vrai qu'arrêter le travail trois mois ou quatre mois, pour moi, il faut une entreprise qui veuille bien laisser... qu'il y ait les moyens de pouvoir le faire.
  • Mme : c'est vrai que ça a l’air extrêmement compliqué... quand on passe par une association, on voit toutes les démarches qu’ils ont à faire, c'est énorme... alors moi, imaginer le faire seule...
  • AS : et le choix de l'association, vous l'avez fait parce que c'est la première qui a répondu ?
  • M. : non
  • Mme : non - non il y en a eu plusieurs.
  • AS : et pourquoi avez-vous choisi celle-là ?
  • M : parce que déjà par rapport aux pays - on avait fait une liste de pays.
  • Mme : on avait mis trois quatre pays je ne sais plus et on en a deux qui nous plaisaient plus particulièrement l'Inde et la Colombie. Donc... c'est vrai qu'on avait rencontré une jeune femme à la réunion à l’UDAF qui faisait partie de cette association et qui nous disait qu'ils étaient très sympathiques et qu'ils étaient toujours là si on avait besoin de poser une question et c'est vrai qu’elle nous a un peu encouragés.
  • AS : si vous aviez un conseil, une aide ou quelque chose à demander aujourd'hui, vous le demanderiez à qui ?

Silence

  • Mme : c'est vrai qu'à ce niveau là...
  • M. : par rapport à ?
  • AS: soit par rapport à l'adoption, soit par rapport à quelles démarches faire. En qui auriez vous le plus confiance ?
  • Mme : moi, la première personne qui me viendrait d'appeler c'est le service adoption parce que c'est avec eux qu'on a eu le premier contact - on pense que c’est les mieux placés pour nous renseigner - nous aiguiller dans la bonne direction justement -- parce que si on demande à une association, on n'est pas toujours sûr de la réponse.
  • M : on n'est pas toujours bien accueilli
  • AS : est-ce qu'il y a des questions, des questionnements que vous ne demanderiez qu’aux adoptants et d’autres qu'à la DIPAS ? Est-ce qu'il y a une différence pour vous entre ce que vous attendez et dans ce que vous demanderiez. ?
  • Mme : peut-être que c’est plus facile de demander à des adoptants les questions qui ont directement trait à l'enfant, comment s’est passée la première rencontre, comment ça s’est passé quand ils ont commencé à aller à l'école, toute sa vie en fin de compte une fois qu'il est arrivé dans la famille ; ça c'est peut-être plus facile de demander aux adoptants qui le vivent au jour le jour. C’est plus facile pour répondre. Mais toutes les questions d'ordre administratif, juridique, c'est vrai que la DIPAS...
  • AS : avec qui avez-vous, le plus facilement et le plus, parler de votre projet d’adoption ?
  • Mme : moi, c'est avec ma maman ( rire)
  • M. : on en parle ensemble, moi c'est avec toi.
  • Mme : on en parle ensemble, mais c'est vrai que notre famille est loin et on a tendance à se rapprocher de nos amis, et en ce moment, c’est plus avec nos amis plutôt qu'avec la famille.
  • AS : quand vous parlez de l'adoption, vous parlez de quoi ?
  • Mme : de tout - de notre démarche, pourquoi, vers quel pays on veut s'orienter, pourquoi, est-ce qu'on est prêt à adopter un enfant de couleur plutôt que de faire la démarche pour adopter un enfant pupille de l’État. On aborde tout, il n’y a aucun problème, tous les sujets… 
  • AS : dans vos rencontres avec EFA, vous avez rencontré des personnes qui avaient adopté, elles vous ont apporté quoi ?
  • Mme : on a eu une réunion à l’UDAF, on a beaucoup écouté, c'était avant qu'on lance nos démarches au niveau des associations. On était complètement perdu.
  • AS : là vous aviez un agrément ?
  • Mme : oui.
  • AS: vous n'aviez pas pris de contact avant / non / donc avant d'avoir un agrément, vous n'aviez pas de contact avec d'autres adoptants /non/ non mis à part /oui / votre belle-sœur (rires).
  • Mme : non, on ne connaissait pas et après l’agrément, on a eu cette réunion et il y a des moments, on a été assez surpris de ce qui se disait - et choqué même, moi j'ai été choquée parfois de la réaction de certains parents ou futurs parents... par leurs termes... par exemple il y avait un couple à côté de nous qui parlait à un Monsieur qui venait d'aller au Cambodge et qui lui demandait si au Cambodge, il y avait moyen d'avoir des petits handicapés, ou des petits qui ont sauté sur des mines, c'est plus rapide, mais ils en parlaient d'une manière tellement bizarre et presque de la marchandise et ça m’a énormément choquée. J'ai évité d'écouter, on a écouté les autres couples.
  • M. : c'est vrai qu'on n’aurait peut-être pas fait la même chose...
  • Mme : on aurait peut-être pu tomber dans le piège.
  • M. : c'est vrai, et ils se sont grillés auprès de toutes les associations en faisant des demandes par téléphone au lieu d'envoyer une lettre avec motivation. Ils ont été refusés partout. On serait peut-être tombé dans le piège, suite à l'agrément...
  • AS : en tout cas, cette première rencontre avec des parents adoptants ne vous a pas marqués de manière très positive ?
  • Mme : si, moi, j'ai été marquée par une dame qui disait qu'elle avait été au Vietnam pour chercher une petite fille et elle disait que ça avait été extrêmement compliqué - c'était dur financièrement, moralement parce qu’elle était seule, dans tous les sens du terme. Et quand elle a ramené cette petite fille, tout a été oublié. Et on se dit, même s’il y a un parcours extrêmement compliqué, on a la joie de...
  • M. : il y a énormément de choses en même temps comme dans ce genre de réunions, il y a des trucs à prendre et des trucs à laisser.
  • AS : ce qui est à prendre ?
  • M. : tout ce qui était sur les démarches, sur les erreurs à ne pas faire quand on est là-bas ou si on va directement chercher des enfants, ce que M. a entendu, c’est de l'ironie au noir. C'était intéressant quand même.
  • Mme : il y avait des couples qui avaient des enfants naturels, d'autres qui avaient des enfants adoptés et d'autres pas d'enfants du tout, comme nous : ce mélange était assez intéressant parce que vous voyez aussi des comportements.
  • M. : il y avait des partisans de certains pays, d'autres pays, d'autres aussi la religion.
  • AS : est-ce que vous avez vu une différence entre ceux qui avaient des enfants et ceux qui n'en avaient pas ? Est-ce que c'était important pour vous de savoir qu'il y avait là des gens qui avaient déjà adopté ?
  • Mme : je pense que c'est important, ils nous apportent aussi leur point de vue de parents adoptants ayant adopté et ils nous ont expliqué ce qu'ils avaient fait, les démarches, leur aboutissement. Et puis nous on écoutait... mais j'ai eu l’impression d'être jetée sans repère. J'avais aucune idée de ce qui allait se passer après.
  • M. : on a un agrément, c’est bien / mais ce n'est pas la fin / on savait qu'il y avait grossièrement le choix entre les associations.
  • Mme : mais on a mis un certain temps avant d'entamer les démarches après notre agrément, donc... on a pris notre temps, on réfléchit vers quel pays on voulait s'orienter.
  • AS : réfléchir pour vous, c'est en parler ensemble, en parler avec votre maman ?
  • Mme : surtout ensemble, maman, elle ne juge pas donc (rires) elle ne se permettrait pas...
  • M. : elle s'informe de là où on en est.
  • Mme : c'est entre nous, c'est complètement entre nous.
  • AS : qu’est-ce qui fait que vous choisissez tel pays et pas tel autre ?
  • Mme : on a écouté un couple qui avait adopté un petit enfant africain et pour lequel ça ne s'était pas très bien passé, l'enfant avait eu d'énormes difficultés au niveau de l'intégration. Pour un enfant adopté, ça doit déjà être extrêmement difficile à vivre et on se dit qu'on ne voulait pas imposer ça en plus.
  • AS : cette rencontre vous a permis de vous repositionner ?
  • M. : de cibler.
  • AS : finalement, ça vous a fait modifier la disponibilité qui était initialement la vôtre ?
  • M : c'est un peu pour ça qu'on y avait été, parce qu'on avait très peu de renseignements, il y avait les associations, les pays…
  • Mme : c'était abstrait
  • M.: on en avait parlé aussi, mais il fallait aller voir aussi des parents adoptants, éventuellement aller prendre des rendez-vous. On ne s'en n'était pas trop occupé.
  • AS : vous ne le souhaitiez pas trop ?
  • Mme : pas pour l'instant
  • AS : c'est pas quelque chose qui vous est nécessaire ?
  • Mme : pas pour l'instant. Cela le deviendra sûrement quand on sera plus fixé, quand on sera accepté au niveau d'une association ; on ira voir un couple qui a déjà adopté dans ce pays.
  • AS : et vous iriez demander quoi ?
  • Mme : je ne sais pas. Comment ça s'est passé, comment ça se passe, pour l'instant, c’est abstrait. On ne s’est pas posé de question.
  • M. : pour l'instant, on voit globalement. On y va petit à petit.
  • AS : et comment allez-vous choisir telle association et pas telle autre ?
  • Mme : je ne sais pas.
  • M. : certainement Lyon : c'est la proximité par rapport à Marseille.
  • Mme : ça dépendra du pays vers lequel... si on est accepté pour la Colombie et pour un autre pays peut-être vers la Colombie puisque c'était notre choix de départ.
  • M. : on fait tout progressivement
  • AS : qu’est-ce qu’a représenté pour vous la rencontre avec des parents adoptants dans le cadre de E. F. A. ?
  • Mme : ça m'a redonné un coup de fouet, j'étais un peu démobilisée et j’ai repris un peu espoir - je me suis dit : ça va être long on est prévenu ça va être long - mais au bout - le bonheur d'avoir fondé une famille. Et on se dit qu'on aura la chance peut-être de connaître la même joie. Même si on a entendu des sons de cloches différents, au niveau des comportements, pas au niveau des adoptions.
  • AS : qu'est-ce qu’a représenté pour vous le fait d 'avoir un agrément ?
  • Mme : quand on a reçu la lettre, je n'ai pas voulu l'ouvrir - on l'a ouverte tous les deux. J'ai été... j'ai sauté au plafond. J'étais heureuse et je me suis dit que ça nous donnait une deuxième chance de fonder une famille.
  • M. : moi j'étais sûr de l'avoir - je suis optimiste - ça n'a pas été une surprise.
  • Mme : alors, j'étais contente pour deux.
  • : c’est vrai que, avec les fécondations, c’était... alors que là... mais non j'étais confiant.
  • Mme : avant d'avoir un agrément, vu mon parcours, pour moi, être maman c'était quasiment plus possible - donc là ça me redonne une chance.
  • AS: pourquoi n'avez-vous pas contacté d'autres parents adoptants ?
  • Mme : la réserve, la timidité.
  • M. : une réunion c’est plus impersonnel... le fait de téléphoner à quelqu’un.
  • Mme : c'est peut-être parce que justement, on n'avait pas fait assez de cheminement, on pensait qu'on n’avait peut-être pas assez approfondi le sujet - pas de l'adoption - mais où on allait s'orienter - on ne savait pas du tout ce qu'on allait faire donc...
  • M. : c'est notre nature - on n’allait pas appeler pour...
  • Mme : on est assez discret. Mais on a rencontré une jeune femme qui est en cours d'adoption avec la Colombie, avec l’association, donc j'ai son numéro de téléphone. Je vais sûrement l'appeler pour savoir où elle en est. Ils habitent à B. et ils ont notre âge, donc, c'est un peu différent parce que quand ils ont fait les démarches ils ont été adoptés… heu... ils ont été acceptés au niveau de l'association ; elle est tombée enceinte... ça ne me gênerait pas de la contacter mais j'ai peur de m’imposer et de les déranger.
  • AS: c'est maintenant que ça vous semble être le bon moment pour prendre contact avec eux ?
  • M. : oui, pas avant
  • AS : quelles sont la ou les personnes qui pour votre projet d'adoption ont le plus d'importance ?

Silence

  • Mme : c'est compliqué.
  • Monsieur : je ne sais pas si c'est plusieurs ou si c’est nous.
  • Mme : c'est compliqué.
  • AS : pourquoi ?
  • M : parce que personne nous a dit, nous a déjà parlé de l'adoption quand on faisait les fécondations.
  • Mme : parce que ce n'était pas... on en n’avait pas parlé
  • Mr : même après.
  • Mme : moi ma belle-sœur a été très importante pour moi, parce que j'ai eu besoin un moment d'avoir un repère et elle me l’a donné - autrement - personne... tout le monde a été important dans le sens où ils ont tous apporté leur soutien quand on en a eu besoin et puis ils ne se sont pas permis de juger ce qu'on avait décidé.
  • AS : elle représente qui cette belle-sœur ? Quand vous pensez à elle, vous pensez à qui ?
  • Mme : à mon enfant futur (pleurs)
  • AS : même si elle est de votre âge ? Mais vous la voyez comme petite et qu’est-ce qui dans cette évocation vous remue ?
  • Mme : je n’avais jamais pensé comme ça.
  • AS : et vous vous dites : «les personnes les plus importantes c’est nous» // «oui»
  • AS : comment vous qualifieriez les relations que vous avez eues avec les professionnels assistant social, psychologue, et la réunion d'information ? Et ça vous avez apporté quelque chose ?
  • Mme : on était arrivé en retard. On n’avait tellement pas osé se montrer - on s’est fait petit.
  • M : on attendait - on était persuadé que c'était 9 h 30. Ça ne nous a pas marqués...
  • Mme : je n'ai pas tellement de souvenirs de cette réunion.
  • AS : avec les professionnels de la DIPAS ?
  • Mme : oui mais dans l'ensemble ça s'est bien passé - je dois avouer que jusqu'à ce qu'on obtienne l’agrément, je n’étais pas du tout certaine. Je me suis dit «ça s'est mal passé» : je n'avais pas confiance. Je savais qu'il fallait qu'on dise tout ; pourtant je ne me suis pas sentie particulièrement jugée... mais je n'étais pas confiante. Non, mais ça s'est bien passé.
  • AS : Comment vous pourriez qualifier ces relations ?
  • M : c'était assez facile de parler, de dévoiler notre parcours sans que...
  • Mme : justement parce qu’on ne se sentait pas jugé.
  • AS : c'est étonnant parce que précisément l'évaluation...
  • Mme : les gens étaient d'un abord facile. Justement on s'est senti en confiance. Derrière il y avait bien un jugement mais on ne l’a pas du tout ressenti.
  • M : il y a le courant qui passe et le courant qui ne passe pas suivant les personnes.
  • AS : et une fois l'agrément obtenu, est-ce que vous avez attendu ou attendez quelque chose des professionnels de la DIPAS ?
  • Mme : en cas de problèmes si on a quelqu'un à qui s'adresser : c’est la DIPAS. Et puis après c'est eux qui font le suivi de l'adoption donc il y a toujours un lien qui reste.
  • AS : et ces professionnels, vous les voyez comment ?

Silence

  • Mme : c'est le lien avec l'administration. Quand on entame ce genre de projet, c'est la démarche administrative, c'est le lien, un lien.
  • AS: un lien que vous pouvez utiliser si besoin est...
  • M : oui
  • AS : le fait de savoir ou ne pas savoir que ceux que vous avez rencontrés étaient parents ou pas parents, est-ce que c'est une question qui vous est venue à l'esprit ?
  • M et Mme : non
  • AS : c'était par contre important à la réunion avec EFA de savoir que les personnes avaient adopté et avaient un enfant ?
  • Mme : quand on y est allé, on ne savait pas, c'était pas pour ça qu’on y est allé.
  • AS : et vous y êtes allés pourquoi ?
  • Mme : c'était une réunion d'information sur l'adoption internationale donc c'était la démarche qu'on voulait faire pour avoir des renseignements, et c'était très bien qu'il y ait des parents qui avaient adopté - des parents d’enfants naturels... ce mélange c'était vraiment bien. Ça fait partager plein de points de vue.
  • AS : concrètement qu'est-ce que vous demanderiez aux professionnels de la DIPAS actuellement ? Ou juste après l'agrément ?
  • Mme : on s'est senti... justement on a sûrement été bête de ne pas appeler la DIPAS mais on s'est senti un peu perdu parce qu'on savait qu'il y avait la mission de l'adoption internationale mais…
  • AS : et pourquoi n’avez-vous pas téléphoné ?
  • Mme : je ne sais pas du tout : notre bêtise sûrement…
  • M. : on se dit, on a le temps. On a l'agrément après on a mis un moment avant de…
  • Mme : oui je l'ai savouré.
  • M : avant de continuer le parcours. Entre-temps il y a eu la réunion… c'était… le temps s’est écoulé. Et du coup, suite à la réunion, après, ça a débouché sur le fait qu'on choisisse les pays. C'est peut-être dans notre nature le fait de ne pas aller chercher, de ne pas chercher...
  • Mme : il nous a fallu quelques mois pour savoir vers quel pays on voulait s'orienter - et que c'était important de ne pas se lancer non plus à l’aveuglette. C'est le temps qu'il nous a fallu à nous en tout cas. Moi, ce qui m’aurait bien plu après l'agrément, c'est avoir une réunion spécifique sur l'adoption internationale ou sur l'adoption d'un enfant pupille de l'État. J'ai ressenti un petit manque à ce niveau là et on aurait dû appeler la DIPAS pour savoir si ce genre de réunion existait.
  • AS : vous n'aviez pas une demande explicite, mais une forme d'attente, où vous auriez reçu de l'information ?
  • M. oui
  • Mme : savoir où on allait mettre les pieds parce que quand on est lâché...
  • AS : attendre, c'est attendre de l'information ?
  • M et Mme : oui
  • AS : aviez-vous d'autres attentes ou interrogations ?
  • Mme : un soutien ou si vraiment, on se trouve devant un obstacle, un soutien.
  • AS : de quelle nature ?
  • Mme : c'est assez abstrait pour l'instant. J'ai du mal à me projeter si loin. Soutien technique si jamais il y avait un gros problème au niveau de l'association, ou de notre dossier - soutien, pas moral, quoique ça rentre en ligne de compte - psychologique si ça se passait mal.
  • AS : et auprès des parents adoptants ? Quelles attentes ?
  • Mme : plus amical, comme ils sont déjà passés par-là ; vous évitez des écueils qu'ils ont rencontrés - nous donner des petits trucs pour nous faciliter la tâche.
  • AS : vous êtes adhérents à EFA.
  • Mme : non. Peut-être quand on prendra des rendez-vous avec d'autres parents adoptants, peut-être qu'on sera adhérent....
  • AS : vous êtes adhérents à d'autres associations ?
  • Mme : non
  • AS : combien de personnes sont au courant de votre projet ?
  • Mme : beaucoup, on ne l'a pas caché. Les employeurs...
  • AS : si vous aviez un nombre à donner ?
  • Mme : une cinquantaine
  • Mr : une centaine
  • Mme : je ne compte pas la famille mais la famille il y a du monde, les parents, grands-parents, frères et sœurs.
  • AS : avez-vous un investissement associatif ?
  • Mme : moi je fais partie du relais des assistantes maternelles
  • AS : vous en parlez ?
  • Mme : oui
  • AS : c'est vous qui en parlez le plus ?
  • Mme : oui
  • AS : et vous avez l'impression que ça a quel effet d’en parler ?
  • Mme : ça me soulage. J'angoisse déjà normalement, naturellement. Non, ça m’aide, du soutien. Les gens m'apportent du soutien. Ça évite d'avoir des réflexions du genre : « tu vas nous faire un petit dans l'année ». Non, ce ne sera pas dans l'année, mais ça viendra. Et puis d'abord je ne vois pas pourquoi je le cacherais, il n'y a rien de honteux...
  • AS : une fois que vous avez eu l'agrément, avez-vous ressenti le besoin où le souhait d'être accompagnés ?
  • Mr : ça revient à la question de tout à l’heure.
  • Mme : quand on a eu l'agrément - j'ai appelé ma maman, la belle maman et puis c'est vrai qu'il fallait que je leur dise - c'était plus fort que moi. Maintenant on a plutôt tendance à faire le chemin tous les deux :
  • Mr : c'est eux qui nous posent des questions.
  • Mme : on attend leur question.
  • Mr : on s'en occupe mais on ne pense pas systématiquement à leur en parler.
  • Mme : non et puis moi maintenant j'ai pas envie de leur en parler. Pour l'instant, c'est entre nous que ça se passe. On a aussi le droit d'en profiter tous les deux.
  • AS : si vous aviez une demande à faire, vous la feriez à qui ? Qui soit en liaison avec l'accompagnement que vous souhaiteriez avoir ?
  • Mme : c’est dur à dire parce que pour l'instant, on ne ressent pas le besoin d'être accompagné. On veut faire un peu de chemin tout seul parce que quand un couple a un enfant, ils ne font pas le chemin avec tout le monde autour, tout le temps.
  • AS : ça veut dire quoi pour vous être accompagnés ?
  • Mme : avoir un suivi, une aide,
  • M. : quelqu'un qui nous pousse, qui nous dirige
  • Mme : qui nous dirige, peut-être (rires), est-ce qu'on a besoin d'être dirigé ? (rires) une seule personne ne peut pas nous accompagner de toutes les manières, on a besoin de..., comme moi en tout cas j'ai besoin d'un accompagnement affectif aussi. Quelqu'un qui va me dire «continue, tu es dans la bonne voie », quelqu'un avec qui je puisse parler
  • AS : et qui serait pour vous ?
  • Mme : oui
  • AS : c'est ça…
  • Mme : oui
  • AS : c'est votre mari ?
  • Mme : oui - non - non - non en dehors de Marc. Parce que c'est vrai, en ce moment c’est tous les deux et quand j'ai besoin d'en parler à d'autres que Marc, c'est ma maman.
  • AS : et pour vous ?
  • M : moi, c'est ma femme.
  • Mme : oui parce que tu es moins expansif avec ta mère.
  • AS : donc pour vous l'accompagnement se fait mutuellement ?
  • Mr : oui
  • AS : pour vous s'y ajoute votre maman ?
  • Mme : quand j'ai besoin, oui.
  • AS : et en tout cas, c'est d'abord à l'intérieur de votre famille que vous iriez en chercher et prioritairement à l'intérieur de votre couple ?
  • Mme : oui. Au départ oui, on s'épaule. En tout cas, actuellement c'est à ce point qu'on en est.
  • AS : autre chose pendant cette phase après l'agrément ?
  • Mme : c'est la phase de mûrissement, je ne sais pas si c'est joli, c'est là qu'on met les pieds dans le concret. Quand on met un pied dans une association, on n'a plus de chance de voir aboutir notre projet, on peut déjà commencer à imaginer.
  • Mr : au début on y pense … mais jusqu'à l'agrément c'est une petite partie du long cheminement.
  • AS: qu'est-ce qui aurait encore à mûrir ?
  • M. : ça dépend des personnes. Jusqu'à l'agrément, ça a été très court - neuf mois - donc neuf mois ce n'est pas... malgré qu'on y pense. Une fois qu'on a l'agrément, on se lance dans le concret.
  • Mme : moi je me donne plus le droit d’imaginer l'enfant.
  • AS : ce que vous ne vous permettiez pas avant l'agrément ?
  • Mme : non
  • AS : s'imaginer ça veut dire «être avec». Ce qui est étonnant, c'est que bien que n'ayant pas encore d'enfant, vous soyez disponibles à accueillir un enfant qui pourrait être déjà un plus grand ?
  • M : oui, mais il y a le fait que tu gardes des enfants. D'avoir un petit garçon de trois ans, de cinq ans, elle les a eus bébés et elle va avoir une sœur bébé. Le fait d'avoir déjà pouponné, d'avoir déjà eu tout le cheminement. Au départ on n’avait pas du tout donné de barrière, on a réduit quand même, c'est le psychologue...
  • Mme : je ne sais pas si on s’y est bien préparé parce qu’on ne peut pas se préparer au vécu d'un enfant, à son passé, on ne connaît pas.
  • AS : OK. Je vous remercie de cet entretien