Entretien n° 2. Monsieur et Madame MOREL : «…au sein de notre couple… »

  • AS: la première question tourne autour de l'agrément que vous avez obtenu : donc, quand vous avez pensé adopter un enfant, c'est-à-dire avant de demander un agrément, vous pensiez accueillir quel enfant ?
  • Monsieur : au début, l'idée c'est d'abord d'accueillir un bébé, un petit bébé, et l'idée d'accueillir un ou deux enfants… si le bébé avait un frère ou une sœur, de ne pas séparer les deux. Comme cela on était pour, même cinq ans ou six ans, sinon sur l'idée au départ c'était un bébé de trois mois six mois.
  • AS: donc le fait de ne pas séparer des frères et sœurs qui vous a conduits à être disponibles à accueillir un ou deux enfants et le fait qu'il y ait un ou deux enfants faisait automatiquement augmenter l'âge ?
  • Monsieur : c'est ça, tout à fait.
  • AS: et si par exemple on ne vous confiait qu'un seul enfant qui ait quatre ans, qu'est-ce que vous diriez ?
  • Mme : ça aurait été possible aussi, on en a déjà discuté au niveau du couple, c'est vrai qu'on était plus fixé pour un bébé parce qu'on souhaitait avoir un enfant le plus petit possible, et notre demande a été élargie au fil du temps. Tu es d'accord avec ça ?
  • Monsieur : tout à fait
  • AS: et quand vous dites «élargie au fil du temps», ça veut dire quoi ? Comment pouvez-vous passer d'un bébé à un enfant de six ans?
  • Mme : notre âge, notre réflexion, sur le fait d'avoir un enfant, par rapport à notre âge, et sur le fait d'avoir discuté par rapport à l'adoption.
  • AS: donc c'est en discutant entre vous que les choses ont été modifiées un petit peu ? Pouvez-vous me préciser en quoi le fait d'en discuter entre vous est venu modifier cela ?
  • Monsieur : au départ quand on a été décidé pour adopter un bébé, c'était l'idée du bébé et quand vraiment on a commencé à faire le dossier, quand on a commencé vraiment à s'intéresser aux problèmes, on a discuté et ça s'est avéré qu'on est venu sur ce genre de sujet, par exemple l'histoire de retrouver la famille, tout ça, et dans la discussion on est arrivé... s’il y avait un frère cela serait quand même dommage, ou une sœur avec le bébé, ce serait quand même dommage, si ces enfants ils sont déjà ensemble dans un truc spécialisé, déjà qu'ils sont séparés de leurs parents, de les re-séparer une deuxième fois. C'est là qu'on s'est dit… qu'on s'était mis d'accord : si on tombe sur un bébé avec son frère ou la sœur on est d'accord pour les prendre. Mais c'est venu parce qu'on trouvait que c'était déjà dur pour les enfants qui sont placés dans des structures d'être séparés des parents ; on ne voulait pas faire une deuxième séparation.
  • Mme: mais la question c'est entre le fait d'avoir un bébé et le fait d'en avoir un de quatre ans. Parce qu'on avait décidé que de toute façon on n'était pas prêt psychologiquement à accepter un enfant qui ait plus de six ans, sur le fait des problèmes quant à l'adolescence, sur tous les autres problèmes que ça pouvait entraîner ; là-dessus c'était clair et net au sein de notre couple, le fait du bébé c'était peut-être aussi quelque part le fait qu'on n'en a pas eu un biologiquement et qu'on souhaitait avoir un enfant en bas âge et puis après le fait d'élargir un peu plus parce que, bon, quatre ans, c'est encore petit et que ça correspond encore à nos attentes.
  • AS : pourquoi avez-vous fait une demande d'agrément adoption ?
  • Mme : parce qu'on n'avait pas d'enfant biologiquement et que pour nous c'est important d'avoir un enfant ou même plusieurs au sein de notre couple.
  • AS : vous avez des problèmes de stérilité ou d'infécondité ?
  • Mme : oui j'ai des problèmes de stérilité qui ont fait que pendant plusieurs années j'ai suivi des traitements qui se sont avérés négatifs.
  • AS : vous avez l'impression d'être stérile ou inféconde ?
  • Mme : je suis stérile par rapport au bilan et inféconde sur le fait de ne pas avoir d'enfant. Et c'est vrai que quand on s'est connu avec mon époux, on a toujours eu cette notion d'avoir des enfants au sein de la famille.
  • AS : pourriez vous me dire les personnes qui ont eu une influence sur votre projet d'adoption ?
  • Mme : je ne sais pas s'il y a eu des personnes. Au sein du couple on n'était pas très ensemble, donc on a attendu que chacun soit au même diapason ; et quand c'était clair au sein de notre couple, c’est là qu'on a parlé à l'extérieur, à notre famille, à nos amis.
  • AS: et lequel des deux en a parlé le premier à l’intérieur de votre couple ?
  • Mme : à l'intérieur du couple, un coup lui, un coup moi.
  • Monsieur : mais la décision, on l'a prise en même temps, c'était à hôpital, quand on a su vraiment les résultats. Le médecin nous a dit que c'était pratiquement impossible, qu'on pouvait essayer de refaire des traitements mais que pour lui. Alors on a pris la décision de laisser tomber médicalement et de prendre l'initiative de faire une démarche pour avoir un agrément.
  • AS : donc il y a eu un avis médical qui vous disait que ce n'était pas la peine de continuer à faire des FIV, et il vaudrait mieux vous tourner du côté de l'adoption ?
  • Mme : non, le médecin ne nous a pas dit ça. Non, on en avait déjà discuté avant ce dernier traitement, ça fait déjà quand même plusieurs années.
  • Monsieur : mais étant donné déjà que c’est lourd, on n'a pas voulu faire les deux en même temps, on voulait se concentrer carrément sur le côté médical, et après on verra. On n'a pas voulu faire les deux trucs en même temps. Il fallait déjà du temps pour les examens à l’hôpital, et pour le dossier d’adoption c’est pareil, il faut du temps. Mais nous, on ne pensait pas que ça n'allait pas pouvoir se faire médicalement parlant, parce qu'ils ne nous donnaient pas une réponse comme quoi ce n'était pas possible. Ils n'arrivaient pas à trouver trop d’où ça venait.
  • AS : et vous ne savez toujours pas ?
  • Mme : si, parce que maintenant au niveau ovocytaire la réserve est nulle. Mais c'est vrai qu’au sein de notre couple mon mari avait besoin de plus de recul pour prendre cette décision.
  • AS : et finalement qu'est ce qui vous a permis de prendre cette décision ?
  • Monsieur : je ne sais pas, peut-être un peu l’âge, au début je me suis dis «je suis encore jeune et on a le temps, il ne faut pas s'affoler».
  • AS : donc il y a l'âge…
  • Monsieur : et puis il y a le médecin, il a été assez clair. Les autres médecins ont peut-être pris des gants pour nous expliquer, mais par rapport au traitement on ne sait pas trop les problèmes : ça tournait autour d'une insuffisance, avec des traitements, ça peut passer. Et à la sortie, il nous a dit par rapport au traitement : c'est épuisé. Finalement on n'a pas trop compris. On peut toujours essayer, mais pour lui c'est pratiquement impossible.
  • AS : pourquoi faites-vous votre demande d'agrément à ce moment ?
  • Mme : on en avait discuté déjà plusieurs années auparavant, au sein du couple, et on n'était pas prêt au même moment. Donc on a attendu qu'on soit à peu près sur le même diapason et l’année dernière, avant de re-tenter ces traitements et de remettre les choses au clair on s’est dit : «on tente une dernière fois un traitement». Pour reprendre directement vers l'adoption puisque là on a avancé dans l’âge, et qu'il faut prendre une décision. On voulait que ce soit clair et qu'on ne regrette pas, qu'on ait fait le maximum pour avoir cet enfant et que ce soit suffisamment clair.
  • AS : tout ce qui était en votre pouvoir, pour ne pas avoir de regret ?
  • Monsieur : voilà. On aurait continué le côté médical, ça aurait marché, personne ne peut savoir, on se dit : on fait le dernier traitement.
  • Mme : on essaie de refaire ; parce qu'on a refait un bilan complet. On a changé de médecin. Et on s’est dit «en fonction des résultats de ces traitements, on prendrait la décision de faire le dossier d'agrément», parce qu'on ne voulait pas mener deux lièvres à la fois.
  • AS : l'agrément se passe comment pour vous ?
  • Mme : pour moi, bien.
  • Monsieur : oui, on n'a pas eu de….
  • AS : vous avez eu quelle impression ?
  • Mr : un peu peur au début dans notre tête. Nous, on travaille tous les deux, on est capable de prendre des enfants et par rapport aux réunions qu'on a eues ; on commençait honnêtement à avoir un peu peur.
  • AS : est-ce que vous en avez retiré quelque chose ?
  • Mme : dans un premier temps la procédure a été longue, on ne voyait pas l'utilité d'une procédure aussi longue, mais quelque part avec le fils du temps, les entretiens qu'on a eus ont permis d'éclaircir les choses au sein du couple.
  • Monsieur : de nous faire réfléchir des points qu'on n'avait pas l'habitude de réfléchir. C’est normal. Elle nous a fait voir des choses qu'on ne pensait pas : dans des pays, des gens prennent des enfants, il y a des trucs plus ou moins…, donc avec l'agrément il y a du sérieux.
  • AS : donc en même temps une évaluation, et en même temps des informations qui vous ont permis de vous poser des questions ?
  • Monsieur : le but était de voir notre comportement... les rendez-vous qu'on a eus nous ont finalement permis... au départ on dit : «pourquoi des questions comme ça ? », finalement ça prouve le sérieux.
  • AS : vous avez eu quelle réaction quand vous avez eu l'agrément ?
  • M : très heureux, très contents.
  • AS : et vous avez eu l’impression que les choses pour vous ont changé une fois que vous avez l'agrément ?
  • Monsieur : c'est-à-dire là, on peut dire qu'on peut commencer à vouloir adopter un enfant, parce que, sans ça, on ne peut rien faire.
  • AS : et après, vous pensez qu'il y a quelque chose qui a changé ?
  • Mme : quelque chose qui a changé, non, mais avant la démarche, enfin ? pendant la démarche de l'agrément, au niveau du couple, on est uni ; on discute suffisamment aussi au sein de notre couple, on avait abordé certains sujets, mais cette enquête nous a permis de nous sentir encore plus unis. Je trouvais que les questions étaient pertinentes. Si le couple ne se sent pas suffisamment clair dans sa tête, ça peut déstabiliser un couple. Pour moi quelque part je regrette, je reconnais qu'on a eu besoin de ce temps pour l'agrément. Mais pour faire la démarche avec les autres organismes, on a perdu du temps ; peut-être qu'on est trop pressé. Mais il a fallu presque un an et maintenant j’ai l'impression de recommencer à zéro quand on fait des démarches auprès des associations. On nous pose les mêmes questions, les papiers qu'on nous demande, c’est pareil et moi je suis un peu moins tolérante que mon mari là-dessus.
  • Monsieur : moi je pense que c’est un système administratif qu'on ne peut pas changer, mais le truc qu'on voyait d'un autre côté, étant donné qu'on a une liste d’associations, ce serait que les associations soient au courant. Par exemple : quand on fait une lettre chez eux, qu'ils se remettent directement en contact avec vous. Que les associations travaillent avec vous, à chaque fois, ils demandaient exactement la même chose.
  • AS : et quand vous avez eu l'agrément ? vous vous êtes dit quoi ?
  • Monsieur : ça y est, ça démarre, cela commence.
  • Mme : on était très heureux quand on a reçu ce papier, et on a dit : «maintenant on va téléphoner ou écrire aux associations. » On a eu la liste. Certains dossiers, on a eu des réponses tout de suite, d'autres non.
  • AS : c'est d'abord vers les associations que vous vous êtes tournés ?
  • Mme : on se tourne vers les associations, parce qu'au sein de notre couple, on souhaitait un enfant soit étranger soit qui soit du département de la Réunion.
  • Monsieur : bon, on ne peut pas trop dire… on a eu l'agrément en juillet.
  • AS : et avec qui vous discutez de votre projet d’adoption ?
  • Monsieur : avec les voisins, les amis, les parents, par téléphone.
  • Mme : les parents, les frères, les sœurs, beaux-frères, belles-sœurs.
  • AS : et ce sont des personnes qui sont parents elles-mêmes ?
  • Monsieur : ils sont tous parents.
  • Mme : même dans nos amis, tout le monde est parent.
  • Monsieur : le seul couple qui n’a pas d'enfant : c’est nous.
  • AS : quelle différence il y aurait entre le fait de devenir parents d'un enfant et le fait d'être parents adoptants ?
  • Mme : il n'y en a pas, il n'y a pas de différence…
  • Monsieur : par rapport à l'amour qu’on porte à un enfant, l'amour pour l'enfant, c’est la façon de l’élever, mais la différence qu'il peut y avoir, c’est la différence de la difficulté des papiers et le dossier et ça fait une sacrée différence. On fait un enfant biologique, c’est plus facile je pense.
  • Mme : et je pense que les gens se posent moins de questions.
  • Monsieur : ils réfléchissent pas à tout. C'est quand même assez compliqué. On en est au début.
  • Mme : pour concevoir un enfant biologique, on ne va pas poser les mêmes questions que pour adopter un enfant. La conception d'un enfant se fait dans un moment d'euphorie, de bien-être et le fait adopter c’est quand même plus réfléchi.
  • Monsieur : même prendre une décision de faire un enfant, on fait un enfant et puis voilà.
  • Mme : non parce qu'on en a discuté quand même pas mal avec des amis autour de nous et puis de la famille. On répercutait les questions qu'on a eues pendant notre demande d’agrément. Donc tous les couples de nos amis, puisqu'ils ont tous des enfants, ils ne se sont jamais posé toutes ces questions.
  • AS : donc, dans l'adoption, avec l'agrément c'est une forme de préparation à être parents adoptants ? Peut-on se préparer à être parents adoptants ?

Silence

  • Mme : peut-être pour nous, cela a été un complément, toutes les questions que vous posez étayaient un peu les questions qu'on se posait. Donc le fait de devenir parents, on s'était déjà posé des questions, avant de faire la demande agrément. C'était quelque chose de réfléchi dans notre couple. Pour nous, ça a été une confirmation, une avancée dans notre rôle de parents.
  • Monsieur : nous, on peut répondre pour l’adoption d'un enfant, on ne peut pas répondre de l'autre côté. Il faudrait un enfant biologique et un enfant adopté.
  • AS : à qui vous feriez le plus confiance pour réaliser votre projet adoption ?

Silence

  • Mme : les personnes qu'on connaît ou des associations.
  • Monsieur : on ne peut pas dire, on patine, on n'a pas démarré, alors on ne peut pas dire si on a confiance. Comme nous, si on veut partir, c'est avoir des gens sur place, ils pourraient au moins se renseigner.
  • AS : donc pour que vous puissiez faire confiance, il faut d'abord que vous ayez le contact ?
  • Monsieur : s'il y a des structures qui ont des enfants, prendre contact avec eux et voir sur place.
  • AS : plus généralement, si vous aviez un conseil à demander, vous le demanderiez à qui ?
  • Monsieur : moi personnellement je téléphonerais à l’assistant social ; sans pommade honnêtement, l’assistant social nous avait bien mis en confiance.
  • Mme : dans la démarche de l'agrément, mon mari s'est senti tout de suite à l’aise avec lui, ça s'est très bien passé. Donc il y a des choses qui ont passé pendant tout ce temps de l'agrément.
  • AS: et il y a d'autres personnes à qui vous poseriez volontiers une question et à qui ?
  • Monsieur : on a un neveu à la Réunion et il a fait sa formation d'éducateur. Il connaît un peu le problème et il travaille avec des assistantes sociales.
  • Mme : c'est vrai qu'on en parle un peu aux amis, à la famille mais comme ils n'ont jamais été confrontés au problème, ils ne peuvent pas nous répondre si on pose une question, on se sent bien sur le moment mais...
  • Monsieur : mais à la sortie, c’est eux qui posent des questions. Il faudrait trouver des gens qui ont déjà adopté pour pouvoir discuter. On apprendrait peut-être des choses. Les gens qui n'ont jamais adopté, ils trouvent que c’est pas normal qu'il faut autant de temps.
  • AS : et vous êtes en contact avec des personnes qui ont adopté ?
  • Mme : Non, on n’a pas de contact. Parce qu'il nous est difficile de téléphoner, de dire voilà : «on souhaiterait vous rencontrer». Et puis on ne sait pas du tout comment les gens réagissent. On a une liste de gens qui ont adopté, on pourrait se mettre en contact, mais il est difficile d'exposer notre vie personnelle à des gens qu'on ne connaît pas et on ne sait pas si le contact se fera. On n'a pas envie de se déstabiliser par rapport... autour de nous il y a dans le temps de travail des gens qui ont déjà adopté, de mon côté c'est pareil, quand j'ai une question particulière on la pose là.
  • AS : donc aux personnes que vous connaissez ?
  • Mme : oui, dans un cadre privé. Les autres personnes, on se voit mal poser des questions privées ce serait rentrer dans l'intimité de l'autre ; mais ça ne nous ferait pas la même chose si des gens venaient à la maison, ce serait plus clair.
  • AS : et dans le cadre professionnel avez-vous des connaissances qui sont parents adoptants ?
  • Mme : J’en connais un. Quand je lui en ai parlé au début, il y a quatre ou cinq ans il m’a dit : c'est une très bonne chose mais c’est la galère.
  • AS : et il avait adopté un enfant ?
  • Monsieur : de sept mois. Au niveau de la démarche, quand il y a eu le gamin, ça efface tout.
  • Mme : pour moi c'est pareil, au niveau travail, la personne est encore dans le service, et elle en parle régulièrement. Mais elle a adopté dans le Rhône et on n'a pas eu les mêmes attentes. Donc c'est vrai qu'on ne s'est pas adressé aux personnes concernées, on a carrément téléphoné à l'ambassade de Madagascar pour savoir les questions qu'on se posait.
  • AS : et la personne de votre connaissance ?
  • Mme : elle a adopté un enfant du Brésil et qui avait quelque mois, ils étaient ravis.
  • AS : aujourd'hui quand vous parlez de l'adoption vous parler de quoi ?
  • Mme : le fait d'avoir un enfant, un ou plusieurs. Comment on va s'organiser, qu'est-ce qu'on pense trouver, est-ce qu'il faut une nourrice : on discute de ça. C’est un peu plus poussé dans nos questions.
  • AS : c’est un peu plus concret ?
  • Mme : c’est un peu plus concret sans l’être vraiment, parce qu’en fin de compte, on ne sait pas du tout ce qu’on aura ; on a une attente par rapport à un ou deux enfants de moins de six ans, mais on ne sait pas du tout l’âge que l’enfant pourra avoir, donc on est toujours dans le vague.
  • AS : aujourd’hui pour vous, quelles sont les difficultés ?
  • Monsieur : c’est pour se mettre en contact avec les associations, c’est très difficile.
  • Mme : d’avoir quelqu’un à l’écoute.
  • Monsieur : quelqu’un à l’écoute et apparemment tout ce qu’on a comme réponse, c’est qu’il y a beaucoup d’enfants et les associations n’arrivent pas à les placer.
  • AS : et quand vous dites «quelqu’un à l’écoute» ?
  • Mme : pour moi, quand par exemple on téléphone à l’association, la façon dont la personne peut répondre, sur un ton sec. Être à l’écoute, c’est déjà entendre la demande et par écrit c’est pareil, il y a une façon de répondre, une tournure… qu’au moins ils aient lu et qu’ils entendent notre démarche.
  • AS : Est-ce que vous êtes en contact avec des adoptants ?
  • M et Mme : non
  • AS : vous avez peur de les déranger ?
  • Mme : la crainte de les déranger et puis la disponibilité au sein de notre couple, on travaille et nos horaires peuvent changer et puis les adresses qu’on a eues, les gens habitent loin. Donc, il faut prendre une journée pour aller les rencontrer.
  • AS : et au-delà des contraintes de temps et de travail ?
  • Mme : toute histoire peut paraître intéressante, mais nous souhaitons mener à bien notre vœu, et le fait de voir une autre personne, sur le fait que ce soit difficile, on est bien conscient sur le fait qu'on va rencontrer des difficultés ; mais au moment où on n’est pas très bien, on n'aura pas tellement envie d’entendre des gens qui nous racontent leur mésaventure. Au moment où l'on n'est pas très bien, on aura envie d’entendre des gens qui nous racontent : «eh bien pour nous, c’était bien». Et sur le papier, quand on a un nom, on n'a pas automatiquement ce qu’il va répondre.
  • Monsieur : honnêtement, moi personnellement, je pense à un enfant et si, à deux, si on a envie à deux, on y va.
  • AS: oui fondamentalement c’est ça ?
  • Monsieur : on y va à deux, par la suite par contre, c’est porte ouverte. Si des gens veulent poser des questions pour savoir comment on a mené, je serais là pour expliquer, mais pour l'instant…

Le rythme de l’entretien s’accélère. Monsieur et Madame parlent en même temps.

  • AS : C'est un enfant que vous faîtes à deux ?
  • Mme : oui. On est conscient qu'on va rencontrer beaucoup de difficultés, mais on a envie de réaliser. Mais par contre, si on adopte un deuxième enfant par la suite, on connaîtra la démarche, on est d'accord de rencontrer des adoptants pour discuter le chemin qu'on aura fait, comparer les chemins qu'ils ont faits. Mais là, pour la première fois ça ne les regarde pas.
  • Mme : et puis ils ont peut-être adopté il y a quelques années, suivant qu'ils ont des enfants ou qu'ils n'en ont pas. Les attentes et les questions ne sont sûrement pas les mêmes et le côté psychologique revient, mais c'est vrai, si on a en face de nous des gens qui ne sont pas suffisamment à l'écoute….
  • Monsieur : honnêtement mais simplement c’est tous les deux. Comme si, nous, au lieu de mettre neuf mois pour avoir un enfant, on va mettre plus ou moins, mais, on y fait tous les deux. Mais c’est vrai qu'on en a discuté, on téléphone, et même si on patine, on demandera, on posera des questions. Mais on a envie de faire le chemin.
  • AS : Est-ce que vous attendez quelque chose et est-ce que vous avez des demandes envers les professionnels de la DIPAS ?
  • Mme : non je ne crois pas qu'on ait... enfin pour l'instant, on n'en a pas… on n'a pas d'attente particulière.
  • Monsieur : non.
  • AS : et vous pourriez qualifier comment les relations que vous avez eues avec les professionnels de la DIPAS.
  • Monsieur : c'est bon, sans pommade.
  • Mme : on l'a exprimé tout à l'heure. Et pour en parler par rapport aux secrétaires, elles ont une intonation, une façon de répondre qui est très bien ; ça met à l’aise la personne.
  • AS : est-ce que vous êtes adhérents à des associations ?
  • Monsieur : syndicale
  • Mme : syndicale.
  • AS : et c'est une vie associative qui est riche ? .
  • Monsieur : oui, bien sûr. Le côté travail, le côté social et de l'autre côté c’est la grande famille ; en restant dans notre coin, on se rencontre.
  • AS : ce sont des endroits où vous parlez de l'adoption ?
  • Mme : non ça n'a rien à voir, c'est pour les loisirs. En plus c'est une association avec des amis qu'il a connus quant il était célibataire.
  • Monsieur : c’est plus du côté des loisirs.
  • AS : donc vous parlez de l’adoption avec la famille et également avec vos proches ?
  • Monsieur: les autres amis, ce sont des amis proches, la famille, les voisins… on en discute plus facilement parce qu'on se voit plus souvent. Et puis, depuis le départ, on a commencé à discuter avec eux ; on a exposé le truc au départ. Ils viennent voir et discutent où on en est. S'ils peuvent nous donner un coup de main, ils sont prêts à nous aider. Les amis essaient de se renseigner, s'ils connaissent des gens qui ont adopté, pour voir les démarches qu'ils ont faites et ils nous téléphonent.
  • Mme : et dans nos amis, quand on se rencontre, c’est pour faire la fête et on a envie...
  • AS : et quand vous parlez de personnes qui téléphonent, qui donnent des informations, il s'agit… ?
  • Monsieur : ce sont des amis.
  • AS : qui ne sont pas forcément des parents adoptants ?
  • Monsieur : ce sont des copains, on se téléphone, on se dépanne.
  • AS : une fois l'agrément obtenu, vous souhaiteriez être accompagnés ?
  • Mme : je pense
  • Monsieur : oui, il faudrait.
  • AS : et pour vous ça signifierait quoi ?
  • Mme : accompagné pour la tournure d'un courrier, ou trouver des personnes pour nous aider ou même pour éclaircir des choses, faire une lettre.
  • Monsieur : c’est pas évident de...
  • Mme : et puis quelqu'un avec qui on se sente à l’aise, avec qui on pourrait faire nos démarches ensemble pour nous aider dans cette démarche, parce qu’en fin de compte, quand on regarde de prêt, tous les amis qu'on a, ont des attentes particulières, chacun, c'est pas du tout la même chose qu'on réalise avec eux.
  • AS : par exemple ?
  • Mme : par exemple : pour l'adoption ce serait deux couples particulièrement en dehors de la famille, qui nous aident dans cette démarche là, et puis les autres on n'en a pas parlé dans notre famille, parce que c'est chaque fois pour faire la fête et c'était pas le moment, on avait envie de déconnecter, nous, donc...
  • AS : le terme «accompagnement» signifierait quoi pour vous ?
  • Monsieur : juste après l’agrément, c'est pour commencer la démarche.
  • Mme : voilà, vous avez votre agrément, est-ce qu’on peut se rencontrer, est-ce que vous voulez qu’on se voit ensemble, de voir avec une personne avez qui on se sent à l’aise et qui nous dise : «quelle est votre demande ? ».
  • AS : et cet accompagnement aurait été fait par qui ?
  • Mme : c'est pas pour passer de la pommade, mais comme on se sentait suffisamment à l’aise avec l’assistant social.
  • AS : et se sentir à l’aise pour vous, ça veut dire quoi ?
  • Mme : si le contact s'établit, c'est par le regard ; après, au fur et à mesure des entretiens on sent ou on ne sent pas, c’est notre façon d’être. Dans toutes les connaissances qu'on a, soit ça passe, soit …
  • Monsieur : dans la façon de parler, la façon d'être, soit ça passe, soit...
  • AS : est-ce qu'il y a des personnes qui sont pour vous des personnes à qui vous ne vous voudriez pas ressembler ? Qui seraient des contre modèles, l'inverse de ce que vous souhaiteriez ?
  • Mme : oui, sur le rôle de parents, de chacun, ça arrive fréquemment. Il y a quelquefois où on a été un peu heurté parce qu'il y avait des choses qui ne nous plaisaient pas. Et on nous disait : « vous n'êtes pas parents, on verra bien quand vous en aurez ».
  • Mme : quand je fais une remarque à un gamin et qu’on me dit : «ce n'est pas ton gamin, ça me vexe».
  • AS : donc c’est plus dans la manière dont les adultes sont parents, quelquefois ça ne correspond pas à la manière dont vous imaginez être parents.
  • Mme : c'est vrai qu'on a des amis qui nous aident dans nos démarches, qui ont des difficultés avec leurs enfants et même si on n'avait pas d'enfant on a pu en discuter, on a pu évoluer avec eux.
  • AS : et vous n'avez pas eu le projet d'aller en adoption directe, c'est-à-dire sans intermédiaire, mis à part votre demande à la Réunion ?
  • Mme : on a écrit à Madagascar parce qu'on a un cousin qui est marié avec une femme de Madagascar.
  • Monsieur : l’adoption directe, ça n’existe pas en fin de compte, il faut toujours passer par la mission de l'adoption internationale.
  • Mme : en menant tout de front de ce côté là, je ne sais pas si c’est clair, on mène de front les associations. On voulait que ce soit suffisamment clair dans notre demande et dans notre attente, qu'il n’ y ait pas de marchandages et puis on s’est aperçu que si on ne faisait pas les démarche nous-mêmes, les associations ne répondent pas à notre demande. Donc on a pris la décision, même si au début on n'était pas d'accord pour le faire directement seuls, à l'heure actuelle, d'aller sur place. Ça a changé quoi ? C'est après le fait d’être mis en contact avec les associations qui a fait que notre démarche est plus centrée sur notre démarche personnelle.
  • AS : donc actuellement vous avez un contact avec Madagascar ? Et la question de l'enfant pour vous se pose comment ?
  • Mme : nous ne sommes pas d'accord de donner de l'argent, mais par contre nous ne serions pas contre de donner de l'argent à des familles qu'on connaît.
  • Monsieur : faire un don, pas par l'achat d'un enfant. Après quand on a l'enfant, on donnerait pour aider l’association à grandir. On donnerait l'argent qu'on voudrait donner, mais que personne ne nous impose une somme pour l'enfant et si on connaît la famille qui veut donner l'enfant ou que l'enfant n'a plus de famille, eh bien, il faut faire des actes.
  • Mme : mais on ne veut pas que ce soit un enfant acheté. Dans notre tête c’est suffisamment clair.
  • Monsieur. : Un enfant ce n'est pas bagnole ou une baguette de pain.
  • Mme : mais si on va à Madagascar, on sera rassuré par le fait d'avoir une relation de famille et on ne pense pas que la personne abuse de nous. Donc c’est plus dans une relation de confiance, le fait d'aller chez eux au lieu d'aller à l'hôtel. On aura l'impression d'avoir un soutien et de ne pas partir à l'aventure, comme si on connaissait. Après, c’est sûr, la personne peut nous dire ce qu'elle veut, si on ne sait pas ce qui est marqué sur le papier…
  • AS : et donc la notion de confiance est liée à la notion de famille ?
  • Monsieur : même si ce n'était pas la famille, ce serait pareil.
  • AS : est-ce que c'est la même confiance que vous donneriez à une œuvre ou à un professionnel ?
  • Mme : tout dépend comment les contacts seront faits.
  • Monsieur. : on aurait plus confiance de faire par des associations que faire directement ; c'était comme cela au départ mais ce sont les réponses des associations qui...
  • Mme : s'ils ont quatre ou cinq enfants pour 1200 demandes.
  • Mr : on sait pertinemment qu’il y a plein d’enfants. C'est là qu'on arrive pas à comprendre, il y a un problème. Nous, on ne sait pas tout, même moi, j’aurais mieux confiance dans une association, on sait que ce sont des professionnels, des gens qui font ça, qui savent ce qu'ils font, ils ont l’habitude. Au niveau santé du gamin, ils sont quand même mieux suivis.
  • AS : après, quelle différence faites-vous entre un professionnel de la DIPAS et un responsable d’une association ?
  • Mme : nous, on a rencontré l’assistant social. Et on n'avait pas les mêmes attentes parce qu'on était dans la demande de l'agrément et pas encore sur l’adoption. Et pour nous, on pensait que dans les associations, les gens travaillaient dans le milieu social.
  • Monsieur. : vous, votre travail, vous travaillez avec les associations. Il serait bien, après l'agrément, si on s'oriente vers une association que, vous, vous nous connaissez, que vous soyez intermédiaires avec les associations, pour faire le contact avec les associations, si vous nous assistez, être avec nous quoi, parce que vous, vous nous connaissez tandis que... nous, on a l'impression de redémarrer tout à zéro.
  • AS : et dans la suite vous leur demanderiez quoi ?
  • Mme : je ne sais pas.
  • AS : pour reprendre encore la question, est-ce qu’il y a des personnes que vous jugez être importantes dans votre projet d'adoption ?
  • Mme : importantes, je pense que c’est nous. Enfin, c’est nous qui décidons d'adopter un enfant, c'est quand même à nous que revient... après il y a des démarches administratives, et qu'on a trouvé une aide d'un travailleur social ou d'une équipe sociale, mais c’est quand même nous les auteurs de notre projet, c’est quand même nous qui allons mener le projet à terme. C'est pour ça que des familles adoptantes avec qui on pourrait se mettre en contact, on éprouve pas le besoin de...
  • Monsieur : on essaye de faire le projet, on essaye d'avoir un enfant tous les deux, après c’est quand on aura l'enfant, c’est pas à chaque fois qu'on aura un petit truc, qu'on sera obligé de voir une association pour nous guider notre façon d'être. Mais on peut avoir besoin s'il y a un problème qu'on ne comprend pas, on peut poser une question à des gens qui on l'habitude, mais pas demander chaque fois.
  • Mme : et quand on devient parents biologiques, je ne pense pas que les gens demandent à leurs voisins, à des associations de parents pour faire quelque chose.
  • AS: le terme accompagnement pour vous signifie quoi ?
  • Mme : c’est trouver quelqu'un de disponible, au moment où on en a besoin. Peut-être pas sur le moment même. Et de pouvoir poser des questions et de ne pas être tout le temps obligé de raconter notre histoire, où on en est, à quel moment, parce qu’en fin de compte, même par rapport à notre famille, à des gens extérieurs, il y a des choses qu'on dit, d’autres qu'on ne dit pas, qu’on estime d'ordre privé et que... donc trouver quelqu'un qui ne nous pose pas automatiquement des questions d'ordre privé, à l'endroit où on en est, mais qui peut répondre à notre demande, qu'il soit à l'écoute de nos besoins.
  • Monsieur. : qui essaye de répondre dans la demande qu'on fait, la question qu’on pose, mais sans vouloir porter un jugement. Et même si la personne ne peut répondre, elle peut vous orienter vers autre chose, mais pas de «comment ça se fait» ; nous ne voulons plus raconter toute notre vie pour juste une question.