Entretien n° 3. Monsieur et Madame DUCRET : « ça y est, avec l’agrément… j’avais passé le rite initiatique »

• Assistant Social : pourquoi avez-vous fait une demande d'agrément adoption ?
• Mme : on a deux raisons différentes et une en commun. Moi dans mon enfance, j'ai été élevée par ma grand-mère, suite à une tuberculose de ma mère quand j'étais très jeune. J'ai été prise en charge par ma grand-mère en France et à partir de là, j'ai vraiment vécu la collectivité proprement dite, parce que ma grand-mère a onze enfants. Donc, j'ai vécu avec beaucoup de personnes autour de moi qui avaient un vécu d’adoption, des amis, des parents qui avaient fait la démarche d'adoption. Donc, j'ai baigné là-dedans. Pour moi l'adoption était un acquis.
• AS : vous vous considérez comme ayant été adoptée ?
• Mme : oui, il y a eu un papier, une kafala. Ma grand-mère est devenue ma deuxième mère. C'est une notion qui ne m’est pas inconnue dès l’enfance. Au moment où j'ai réellement commencé à penser à l'adoption, ça ne m'a vraiment pas posé de question, il m'a fallu que je réfléchisse plus profondément sur l'acte d'adoption, de manière pratique, mais c’était intégré, d'autant que dans notre culture on a tendance à s'occuper des neveux, des nièces.
• J'ai connu Alain à l'âge de 14 ans, mais on n'avait pas trop l'occasion d'en discuter.
• La deuxième raison est que je suis devenue professionnelle du social donc que j'ai été très sensibilisée aux problèmes d'abandon avec des enfants qui sont abandonnés ou des parents qui ne sont pas présents réellement ; et c’est quelque chose qui m'a touchée, énormément touchée.
• AS : avez-vous le sentiment d'avoir été abandonnée ?
• Mme : pas du tout, j'ai gardé le lien avec ma mère, on se voyait régulièrement ; ma mère restait ma mère, ma première mère ; par contre ça été un peu plus... j'ai eu une deuxième mère. J'ai peut-être plus vécu l'abandon du père.
• AS : donc vous vous connaissez depuis que vous avez quatorze ans et pour vous ce qui vous a conduit à l'adoption ?
• Monsieur : moi, c'est un peu l’histoire de ma famille,
• M : avant de nous marier, elle m'a dit : « 'aimerais adopter» et moi je ne suis pas contre.
• Mme c'est quelque chose qui nous est commun dès le départ.
• M : ça a été un projet.
• Mme : on a une troisième raison, qui est très importante - c'est la difficulté de procréation qu'on a eue par la suite. On a décidé avant notre mariage, c'était une des conditions, peut-on adopter un enfant.
• AS : si vous n'aviez pas eu de difficulté à avoir un enfant, vous auriez adopté quand même ?
• Mr : oui. Le fait de ne pas avoir d'enfant, ça a accéléré le processus. Le projet existait.
• AS : ce qui a accéléré le processus et qui a enclenché la demande peut-être ?
• Mme : pas sûr. Actuellement on a absolument plus de problèmes, alors... donc, de stérilité, ce n'est même pas de la stérilité, c’est une hypo-fertilité.
• AS : donc c’est plus de votre côté à vous ?
• Mme : oui et toutes ces choses-là ont été réglées - donc ça a pu accélérer le processus, mais c'était vraiment présent et avant qu'on découvre ces difficultés, les familles étaient déjà au courant et préparées à cela ; ils savaient très bien qu'adolescente j'avais ce projet là.
• AS : vous avez passé des examens médicaux dans quelles années ?
• Mme : 96-97. On a fait une demande d'adoption en octobre 1996, on a fait un courrier pour demander des renseignements pratiques à la DIPAS ; on a rencontré l'assistant social, on vous a rencontrés avec les futures familles adoptantes et après ça on s'est donné un temps de réflexion, cherché de la documentation, à lire, à revoir nos amis dans la région qui avaient adopté, adoption internationale...
• AS : vous en connaissez beaucoup ?
• M. : oui, c'est ce qui m'a fait anticiper la chose, j'ai toujours vécu avec des cousins qui ont été adoptés, on s’est toujours très bien entendu... et même si maintenant j'avais des enfants, j'aimerais en adopter deux ou trois. C'est un projet, c'est une fixation même que je me fais.
• AS : les premiers adoptants que vous avez rencontrés, vous diriez que c’est qui ?
• Mme : pour moi c’est vieux.
• M : les premiers adoptants pour moi c'est ma tante.
• AS : donc c'est dans votre famille qui avait adopté un petit cousin ?
• Mme : moi c'est Patrick le frère d'Isabelle quand j'étais à l'école au collège ou en primaire, et lui a été adopté, il est d'origine congolaise et il a été adopté à l'âge de huit ans. J'ai des expériences de l’adoption autour de moi avec beaucoup de difficultés de papier : voilà ce que je retiens d'assez lourd au niveau de l'adoption. Par contre l'intégration dans la famille... tout ça...
• Monsieur : on n'a pas mal d'amis qui ont adopté.
• AS : et vous diriez que ces rencontres avec les parents adoptants avaient peut-être fait accélérer un peu les choses ?
• M : oui, mais nous c'était l'envie d'adopter donc c'était déjà dans la tête. C'est comme quand on a envie de faire un enfant, dans ma tête c'était "on adopte". C'est quelque chose de naturel. C'est pas un truc où il fallait penser, il fallait réfléchir, pour moi adopter c'était une priorité.
• AS : quand le projet d'adoption a été un peu plus élaboré dans votre couple, vous souhaitiez accueillir quel enfant ?
• M : n'importe quel enfant. C'est vrai que moi au début avec tous les orphelins, moi j'avais voulu faire une adoption internationale et on adopte là-bas parce qu'il y a tellement de malheureux là-bas que je voulais à tout prix... parce que, avec le système ici en France, ça prenait beaucoup plus de temps et finalement quand on a rencontré la personne à la DIPAS, elle nous a dit qu'il fallait être patient.
• AS : et vous aviez des souhaits particuliers concernant l’âge de l'enfant ?
• Mme : oui, on n'était pas bien d'accord.
• M : deux ans - pour un jeune couple c'était l’idéal.
• Mme : là, nos avis divergeaient – Cela a été une longue discussion : moi je n'avais pas mis une borne au niveau de l'âge ; la base que je m'étais fixée c'était la différence entre nous et l'enfant ; c'est-à-dire au moins 25 ans, de manière à avoir la maturité. Mais ce qui m'importait c'était le vécu de l'enfant, son traumatisme et je me disais que ce soit de, quatre ou cinq ans, c'était pas important. Et cela dès le début. Alain c'était différent, il voulait s'occuper de l'enfant petit.
• M : si j'avais un âge plus avancé, j'aurais pris cinq aussi ; je voulais que l'enfant grandisse avec des parents jeunes.
• Mme : la deuxième chose qu'on fixait, c’était la fratrie. Tout au départ, on ne se sentait pas, si j'allais être capable de donner de l'affection à deux enfants d’un coup. Déjà on se pose la question pour un enfant parce qu'on n'a pas l'expérience d'avoir été maman ou papa, il y a quatre cinq ans. Maintenant je réviserai mon jugement.
• AS : et entre 1995 et 1996 et le moment où vous a eu l'agrément, votre attente a-t-elle été modifiée ?
• M : non.
• Mme : si, on a changé d'avis puisqu'on indique finalement qu’ il ne fallait pas fixer un âge. Alain il est beaucoup plus dans la religion, en disant «mektoub» et il faut accueillir l’âge qui viendra, l’enfant qui viendra - moi je reste toujours dans mon avis.
• AS : mais avec un souhait d’accueillir un enfant qui ne soit pas trop grand ?
• M : oui.
• AS : donc accueillir un enfant qui serait donné par Dieu ?
• Mme : c'est ça, oui.
• M : donné par Dieu dans quel sens ?
• AS : c'est celui qui arrive, celui que le destin envoie.
• M : oui c’est ça.
• Mme : mektoub
• AS : et qu'est-ce qui a fait qu'il y a des éléments qui ont changé, qui ont bougé ?
• M : et bien le temps, le temps, quatre ans, on prend de l’âge.
• Mme : je crois qu'on réfléchit différemment, on prend de l’âge, on mûrit, il y a des choses qui nous font moins peur, on se sent plus rassuré, on est plus à l'aise, il y a des caps qu'on passe -moi j'ai passé le cap des trente ans - donc on se sent plus fort et on se dit : on peut. Il y a des choses comme ça à l'intérieur de nous... à partir du moment où se pose la question, ça nous travaille. Puisqu'on a posé le problème, il n'est pas résolu, il est là encore, mais…
• AS : et comment des souhaits, des attentes qui ne sont pas les mêmes au départ arrivent néanmoins à se rencontrer ?
• M : on voit l'entourage, on voit les adoptants, comment l’enfant grandit avec, donc on se dit que finalement trois, quatre ou cinq ans, ce n'est pas aussi mal.
• Mme : il faut dire que je t’ai quand même beaucoup poussé.
• AS : qu'est-ce qui a fait qu’en 1996 vous avez fait cette première demande ?
• Mr : pour moi, le fait de savoir qu'elle avait des fibromes, que ça allait prendre du temps, donc on se dit : le temps que ça va prendre, on sait que c’est long donc et il vaut mieux s’y prendre tôt - si on veut adopter dans trois, quatre ans, il faut faire la démarche. C'est anticiper l'action.
• Mme : moi, ça ne me paraît pas la raison principale. Non je pense que c’est parce que je ne t’ai pas senti à fond dedans ; il était parti prenante, mais je sentais qu'il n'était pas vraiment acteur de l'adoption ; c'était encore quelque chose de très flou et j'avais conscience des conséquences derrière…
• AS : c'est quand vous avez senti dans votre couple que les choses étaient bien établies, bien fondées, que vous avez repris de manière plus active la démarche de l'adoption ?
• Mme : oui, on s’est marié en 1993.
• AS : quelles sont les personnes qui ont eu, qui ont une importance pour votre projet d'adoption ?
• Mme : c'est-à-dire une importance pour un enfant qui va arriver ?
• AS : de manière plus générale.
• Mme : un peu dans tous les sens ? Moi je crois que c’est les mères, nos mères.
• M : c'est la famille
• Mme : nos mères - nos trois mères - pour moi mes deux mères - ma grand-mère et ma mère. Pour Alain sa maman. Ceux qui ont accepté notre projet, mais en tout cas elles m’ont donné envie d'être mère. Toutes les personnes qui ont adopté des enfants - Michel, Alain, Gisèle…
• AS : en quoi ces personnes sont-elles importantes ?
• Mme : elles ont toutes adopté des enfants. Et j'ai toujours été proche d’elles. J'ai toujours gardé des liens - et j'ai vécu l'expérience qu'elles ont eue. C'est-à-dire toute la démarche administrative j'ai vu des enfants évoluer - il y en a un qui a 26 ans et ce sont toutes des expériences très positives.
• AS : en quoi le fait de rencontrer des parents adoptants est important ?
• M : moi ce n'est pas le fait de rencontrer des parents qui est important parce que je connais des parents adoptants depuis mon plus jeune âge, ma tante, tout ça. Pour moi c'est un projet qui m’est personnel ; à travers eux, je vois comment ça se passe aussi, j'ai une petite idée, sinon c'est un projet qui m'est propre, qui m’est très cher, donc je n'ai aucune influence en regardant des parents qui ont adopté. Au contraire, je regarde, j’observe, je vois que ça se passe bien et je me dis... mais c'est un projet qui m'est propre à moi.
• AS : combien y a-t-il de personnes qui sont au courant de votre projet ?
• M et Mme : tous
• M : une quarantaine.
• Mme : la quarantaine pour chez toi. Chez moi tout le monde et ils sont tous au courant
• M : surtout un projet comme ça, ça ne se cache pas, c'est un truc... Tout le monde est au courant y compris le monde professionnel.
• AS : quelle différence il y aurait entre le fait d'être parents et être parents adoptants ?
• M : aucune différence.
• Mme : aucune. Parce qu'on avait discuté de la grossesse et la différence c’est le fait de porter l'enfant et pour moi on le porte d'une autre manière. Vous, vous avez mis en place l'agrément, une attente de neuf mois, moi je pense que c'est une grossesse d'éléphant, on attend cinq ou six ans donc de double éléphant.
• M : du moment où on a décidé d'adopter, on le porte déjà, on est déjà parents - sinon on n’a pas le projet d'adopter, on se considère en tant que parents.
• AS : vous avez vécu comment la procédure agrément ?
• M : un peu long - l'attente, de voir un peu les lois, de voir comment ça fait.
• Mme : on a rencontré l'assistant social, le psychologue, le médecin... moi je m’y attendais, on s'était bien renseigné sur l'agrément, je savais et je n'ai pas été trop étonnée des questions.
• AS : vous avez compris l'agrément comme …? Il se passe quoi pendant l'agrément ?
• M : c'est de l'attente. Tout simplement on attend - on attend.
• Mme : on attend le permis. Moi je ne l'ai pas vécu comme ça. D'un côté très bien parce que ça nous permet de nous poser des questions qu'on ne se pose pas forcément : l’âge, toutes ces choses-là - il a fallu réfléchir, ça nous a maturé notre volonté, notre désir, ça aurait très bien pu nous arrêter. Parce que je trouve qu'il y a beaucoup d'inquisition dans notre vie privée ; on met à nu notre vie d’enfant, de couple, mais on l'a bien voulu donc il n'y a pas de problème mais c'est un peu pervers parce qu'on se dit : si on ne dit pas, on risque de ne pas avoir notre permis - le visa et ça c'est une épée de Damoclès qui ne nous permet pas forcément de poser toutes les choses. On a posé les trois-quarts des choses mais je crois qu'il faut un espace pour...
• AS : vous ne l'avez pas vécu pareil ?
• M : non - l'agrément pour moi c'était une possibilité de me préparer à être parents.
• AS : on peut se préparer à être parents ?
• M : non, on ne se prépare pas c'est-à-dire on est dans l'attente - on est pressé d'être papa simplement. On ne peut pas se préparer en changeant de comportement.
• AS : peut-on se préparer à être parents adoptants ?
• M : oui, comme on peut se préparer à être parents d'un enfant. On est déjà motivé, on a le sens de la responsabilité, on cherche un emploi plus stable...
• Mme : moi, je ne crois pas, on l’est comme quand on devient mère.
• M : ça c'est une fibre, quand on l’est, c’est inné
• AS : pour une fille, c’est inné ?
• M : non c’est inné pour moi, c'est-à-dire moi je me prépare du côté matériel. Ce qui est le fait d'être parents, c'est en moi, c'est-à-dire du jour au lendemain on peut se retrouver père.
• Mme : pour nous il n'y a pas réellement de différence entre adoptants et parents. Ce qui est important, c'est devenir parents, s'imaginer parents. Et nous c'est cette démarche qu'on a faite, cette démarche qui n'était pas assez... quand on se marie, avant de se marier, la première chose qu'on dit : on veut avoir des enfants. C'est la première chose qu'on fait. Mais ce n'était pas encore mûri, pour moi c'était acquis, mais concrètement quand on sait que ça va devenir réel, dans la démarche d’agrément, faire des papiers, on peut se dire ça peut arriver demain - on fait une démarche, on dit oui - on vous donne dans deux semaines l’agrément et dans trois semaines vous êtes papa et maman - c'est cette idée là qu'on appréhende, c'est : est-on capable ?
• Assistant social : donc, l'agrément vient sanctionner une capacité ou une non capacité à être parents ?
• Mme : tout à fait
• Assistant social : et parents adoptants ?
• Mme : tout à fait. Et maintenant on se sent parent grâce à l'agrément, grâce aux inquisitions.
• Assistant social : l'agrément représente quoi ?
• M : la possibilité d'adopter, d'avoir un enfant.
• Mme : ça y est, on peut. On est capable de devenir parents, aux yeux de la société.
• M : nous, on était prêt. C’est vis-à-vis de la société puisqu'un agrément, on doit passer par la DIPAS. Nous, on était prêt à être parents.
• Mme : moi, voilà c’était concret, j'avais passé le rite initiatique.
• Assistant Social : est-ce que le fait que la société porte un regard positif avec l'agrément vient changer quelque chose ?
• Mme : tout à fait
• M : moi, ça ne change pas grand-chose pour moi.
• Mme : moi, je savais au fond de moi mais on a toujours des doutes. Donc de devenir parents.
• M : moi j’ai pris ça comme une formalité. C'est un projet inné.
• Assistant social : quand vous dites «projet inné» ça veut dire quoi ?
• M : c'est-à-dire c'est depuis mon jeune âge, depuis quinze ans, j'ai vu mon cousin, j'avais ce projet d'adopter. Dans notre famille ça se fait naturellement.
• Mme : dans la culture, ça se fait naturellement.
• Assistant social : actuellement, vous n'avez plus de problème de fécondité et vous avez néanmoins pris la décision d'adopter un enfant avant d'avoir un enfant né de votre couple ?
• M : oui parce que c'est un projet, je l'aurai jusqu'à la fin de mes jours, puisque c'est un truc que j'ai déjà décidé.
• Mme : ce qu'on ne peut pas décider c'est d'avoir notre enfant confié, c’est quelque chose qu'on ne maîtrise pas. À moins qu'on fasse une adoption internationale, qu'on mette le paquet. Et dans les six mois qui viennent, l’enfant arrive. On n'a pas fait ce choix-là, pour différentes raisons, parce que la patience est un acte très très important, on apprend beaucoup en patientant. Il y a plus de piment après.
• M : après les arnaques qu'on a vues à la télé. Tout ça, ça dissuade.
• Assistant social : aujourd'hui vous en êtes où ?
• Mme : on attend avec impatience qu'un enfant arrive. On appelle régulièrement la secrétaire, tous les trois quatre mois, on pose des questions sur notre situation, sur notre position. La réponse n'est pas forcément satisfaisante.
• Assistant social : vous attendez un pupille de l'état ?
• Mme : oui
• Assistant social : et l’adoption internationale ?
• Mme : l'adoption internationale, c'est une décision qu'on a déjà prise. Et ça se situait sur le Maroc. C'est notre pays d'origine. Là, on s'est dit : il faut adopter, il faut qu'on adopte au Maroc. L'assistant social nous a dit que la kafala n’était plus acceptée en France. Donc ça nous a effleurés et je me suis renseignée sur différents pays. La Pologne, j'ai des adresses. Mais on n'est pas dans cette démarche.
• Assistant social : pourquoi ?
• M : parce qu'il y a un blocage au niveau du Maroc ; nous, on a pensé à l'adoption d'un asiatique, ça peut se faire plus facilement, plus rapidement. Il y a tellement d'enfant là-bas, il n'y avait pas de problème pour adopter, simplement le problème il se posait en France pour le scolariser, il y a tout son avenir en jeu.
• Assistant social : pourquoi vous ne vous tournez pas vers d'autres pays ?
• M : le Maroc, c'est le seul pays qu'on connaît.
• Mme : c'est une opportunité.
• M : moi je connais des amis qui ont adopté. À l'étranger c’est un truc risqué, les enfants ont pu être enlevés.
• Mme : pas de partout Alain.
• M : oui. On peut adopter en Amérique latine. Mais les risques sont beaucoup plus importants.
• Mme : pour l'instant, on ne cherche pas ailleurs. On réfléchit. Pour l'instant, depuis le départ, c'est un enfant pupille de l'État ; ensuite il y a eu le Maroc, l’adoption internationale ça ne nous touche pas pour l'instant. C'est sûr que si ça dure dix ans, et qu'on n’a toujours pas d'enfant à 44 ans et 40 ans, on adopte international, peut être avant, on sera plus actif, on bouge.
• Assistant social : est-ce que vous attendez quelque chose de quelqu'un pour réaliser cet accueil ? Mise à part l’attente de l'enfant, avez-vous d'autres attentes ?
• Mme : non pour l’instant, c’est vos services ; c'est pour ça qu'on appelle régulièrement, c'est vos services qui sont à même de nous donner un jour un coup de téléphone, en disant : «bonjour, on a un enfant à vous proposer» et puis voilà. On attend ce moment-là comme un accouchement. Mais on n'a pas du tout fait d'autres démarches, mais peut-être que d'ici quelques temps on fera une démarche auprès d'une association.
• Assistant social : qu'est-ce qui ferait qu'à un moment donné vous iriez trouver une association ?
• Mme : le ras-le-bol. La perte de patience ; mais là on se prépare au deuxième agrément ; il faut qu'on se prépare à la deuxième démarche administrative aussi. Nous, on ne lâchera pas ce projet.
• Assistant social : il y a quelque chose de paradoxal dans votre positionnement : vous avez un projet d'adoption très ancien, très partagé, un désir d'enfant fort, et en même temps une possibilité de patience qui est également très forte ?
• M : on est patient. Dès les premiers entretiens vous aviez averti que ça allait prendre du temps. On a appris à vivre avec ça, on apprend à patienter.
• Assistant social : vous craignez l'adoption internationale.
• Mme : non. Alain peut-être un peu plus.
• M : pas d'acharnement d'adopter jusqu'au point d'aller marchander un enfant, ou de l'enlever à sa propre mère.
• Assistant social : aujourd'hui souhaitez-vous avoir des conseils, des informations, de personnes à qui vous pourriez vous adresser ?
• Mme : oui, c'est-à-dire à des gens qui ont des expériences positives d'adoption, qui sont récentes, qui nous redonnent un petit peu cette dynamique ; «vous voyez ça arrive, patientez encore un petit peu». Tout ce qui est affectif, pas palpable finalement, pas concret, administratif, démarches, toutes ces choses là, c'est important qu'on puisse avoir des contacts. «Voilà l'expérience qu'on a eue, voilà l'enfant, il est là» et puis... moi j'ai encore une petite appréhension : comment je vais faire le premier contact quand je vais voir cet enfant, qu'est-ce que je vais lui dire, je me pose ces questions, je vais le prendre dans mes bras et lui dire : «je suis ta maman, ta mauvaise maman, ta deuxième maman» ; toutes ces choses là, ça me percute. Je pense à sa chambre ; toutes ces choses qu’une femme qui a adopté un enfant, elle s'est déjà posé ces questions, je vais peut-être réagir complètement différemment, mais ça va m’aider, ça va me donner un appui. Toi en tant que futur père, c'est la même chose. ?
• M : moi je serai assuré plutôt naturellement. Selon l’âge de l'enfant. Et plus l'âge de l'enfant est avancé, plus on a besoin de conseils.
• Assistant social : vous partagez le point de vue de votre épouse sur ce que peuvent apporter les autres parents adoptants ?
• M : oui, j’irai demander autour de moi, avec les amis que j'ai, qu'on a en commun ; j’irai les chercher juste avant l'arrivée de l'enfant pour savoir comment je dois me positionner.
• Assistant social : actuellement avez-vous une demande particulière envers quelqu'un.
• Mme : actuellement, il y a des personnes au Maroc qui ont adopté, mais c'est pas dans la même dynamique, donc elles m'apporteraient peut-être dans le sentiment, comment elle a vécu l'arrivée de cette petite-fille... concrètement en France, si on me dit aujourd'hui : «tiens, il y a une famille qui est à côté, qui est d'accord pour vous accueillir» je ferais la démarche de les contracter.
• Assistant social : vous la feriez à quel moment cette démarche ?
• Mme : je la ferais maintenant, mais je n'en ferais pas toutes les semaines parce que l'enfant est encore imaginaire. Et le jour où ça va se concrétiser, je vais avoir des tonnes de questions.
• Assistant social : donc, au fur et à mesure que le projet se préciserait, le besoin d'échanges...
• M : plus l'enfant est jeune : 6 ou 7 mois, on se tourne plus vers les bouquins des bébés ; si l'enfant à quatre ou cinq ans : c'est comment s'y prendre avec l'enfant.
• Mme : on se pose des fois tellement de questions qu'on arrive à des situations abracadabra. Alain m'a beaucoup aidé notamment au niveau de la patience mais je voulais pratiquement tout, tout de suite. Et comme ça, on a un sentiment de maîtrise, on se dit : on fait la démarche, ça va arriver. Je savais, on avait dit, il faut attendre, malgré tout, il y avait un désir plus fort que l'aspect professionnel, bonne distance et je voulais cet enfant rapidement. Et au fur et à mesure, Alain m'a dit : c'est comme ça, tu prendras deux fois plus de plaisir quand il sera là. Et du coup ça m'a permis de différer.
• Monsieur : c'est-à-dire être naturel. Ne pas se poser trop de question. Dès que l'enfant arrive, je lui parle comme un père parle à son enfant, naturellement.
• Assistant social : quand vous parlez de l'adoption vous parlez de quoi ?
• Monsieur : on parle beaucoup plus de l'enfant
• Mme : de l'attente de l'enfant.
• Monsieur : on se dit : quand est-ce que ça arrive ? On espère aussi.
• Mme : de quelle origine il va être - comment il va être - est-ce qu'il va être beau - quel âge il va avoir - s’il a plus de trois ans : à quelle école on va l’inscrire ?
• Assistant social : avez-vous rencontré des personnes qui précisément ont été l'inverse, un contre modèle pour vous ?
• Mme : oui, des personnes qui ne voulaient jamais adopter.
• Monsieur : on ne partage pas les mêmes idées tout simplement... donc moi, les gens qui ne partagent pas mes idées...
• Assistant social : aujourd'hui quelle est la difficulté que vous avez à gérer ?
• Monsieur : la plus dure c'est l'attente.
• Mme : on n'a pas de difficulté.
• Monsieur : on a patienté trois quatre ans, on patiente encore.
• Assistant social : vous êtes sûrs qu'un enfant pupille de l'État vous sera confié ? Est-ce que c’est ça qui maintient l'espoir ?
• M : on n'est pas sûr mais on espère.
• Mme : oui c’est vrai.
• Assistant social : la DIPAS représente quoi ?
• M : l'assurance pour moi.
• Mme : c'est un service de professionnels, qui a un lien avec des enfants et un lien avec des familles qui deviendraient parents.
• Assistant social : quand vous dites assurance ?
• M : c'est-à-dire seul organisme choisi à qui je m'adresserais.
• Mme : c'est le premier organisme, organisme étatique. Deuxièmement : une référence sûre - avec des réponses claires - ça c'est très très important concernant la loi. Il y a d'autres questions que je me pose : le jour où on a un enfant que se passe-t-il ? Par grossesse. Est-ce que notre projet d'adoption sera maintenu au sein de la DIPAS et du conseil de famille ? Est-ce qu’on sera en priorité ?
• Assistant social : vous avez des réponses ?
• Mme : on a des réponses qui ne nous conviennent pas.
• Assistant social : quand vous dites «assurance » c'est-à-dire «assurance que vous aurez un enfant » ?
• M : oui, que j'aurai un enfant et pas n’importe quel enfant. Si je m'étais adressé à un organisme comme ça, à l'étranger, je ne sais pas sur qui je serais tombé.
• Assistant social : qui choisit les parents pour les pupilles de l’État ?
• Monsieur : le conseil de famille.
• Assistant social : quand vous dites assurance, la DIPAS représente qui ?
• Mme : le lien. La DIPAS représente le lien entre les différents interlocuteurs : les enfants, les futurs parents et le conseil de famille. C'est quand même les professionnels de la DIPAS qui amènent tous les éléments nécessaires à une bonne analyse donc vous avez un rôle prépondérant.
• Assistant social : qu'est-ce que vous attendez des professionnels de la DIPAS ?
• Mme : aujourd'hui ? Un coup de téléphone.
• Assistant social : pour vous, a-t-il été important de savoir que les professionnels étaient parents ou pas ?
• M : oui j'ai pensé à toute personne qui peut-être parent.
• Mme : non je ne me suis pas posée la question - non - on vous a considérés vraiment comme des professionnels, qui aviez à faire un travail. Il n'y a pas eu de dimension affective. Je ne me suis pas projetée en vous, je ne me suis jamais posé la question de savoir si vous étiez mariés, si vous aviez des enfants. Je me pose la question : est-ce qu'ils font bien leur boulot et qu'ils ne nous oublient pas, on a l'impression qu'on a un numéro - et on ne sait pas ce qui se passe derrière, on ne sait pas si vous parlez de nous ; si Monsieur et Mme ressortent dans des projets d'adoption, si vous allez en discuter 10 fois dans l'année ou jamais, nous...
• Assistant social : que pensez-vous qu'il se passe à la DIPAS ?
• Mme : j'espère qu'il y a des projets d'adoption et que, si on est le candidat, la famille idéale pour un enfant, vous discutez... et que, de temps en temps, ça resurgisse.
• M : qu'ils soient plus professionnels. Parce que la décision dépend d’eux. Donc, cette une lourde responsabilité que vous portez et moi je respecte leur décision. Pour le bien de l'enfant. Plus compétents, plus professionnels.
• Assistant social : être bon professionnel, ça veut dire quoi ?
• Monsieur : c'est-à-dire bien faire son travail, correctement. Ne pas prendre de décision à la légère, voir les familles, consulter les familles, parler avec elles, discuter afin que l'enfant se retrouve dans une famille où il sera convenablement reçu.
• Assistant social : c'est-à-dire connaître suffisamment les futurs parents pour que la décision soit la meilleure possible pour l'enfant ?
• Monsieur et Mme : exactement.
• Assistant social : on va parler un peu des adoptants. Y a-t-il des parents ou familles adoptantes qui ont été importants pour vous ? Au début et actuellement ?
• Monsieur : non
• Mme : oui ceux dont je vous ai parlé, de notre entourage mais on ne discute pas de l'adoption à longueur de journées ; le projet d'adoption, il nous appartient. C’est quelque chose qui est en nous - et les personnes qui sont autour, soit dans mon enfance et elles ont suscité cette envie d'adoption ; maintenant ce n'est plus du tout cela - soit j’ai des questions à poser concernant l'adoption et j'appelle ces personnes là, soit je n'ai pas de question comme maintenant et j'attends patiemment.
• Monsieur : on ne discute pas de l'adoption, on voit les enfants, on discute de leurs enfants... si j'ai des questions si ça va bien, c'est à l'intérieur.
• Mme : ils n'ont pas une place importante parce qu'ils sont parents adoptants, mais parce que ce sont des amis.
• Monsieur : ce sont des parents. Moi je les considère comme des parents ou pas adoptants mais c'est des parents. Quand je vois l'enfant, je ne vois pas l'enfant adopté je vois leur enfant, l'enfant normal, naturellement.
• Assistant social : mais vous disiez que vous pourriez aller chercher quelque chose chez les parents adoptants quand le projet d'adoption serait concret.
• Mme : tout à fait.
• Monsieur : oui ils peuvent nous aider dans certaines...
• Assistant social : actuellement vous n'avez pas d’attente.
• Mme : je vous ai dit : si
• Monsieur : on a déjà parlé de ça, on a parlé d'adoption, dès que le projet s'est mis… ils nous ont parlé avant de leur expérience, comment ça s'est passé bien avant quand on s’est rencontré, comment ils ont mené leur projet à bout, mais après il ne faut pas que ça devienne une conversation à chaque fois qu'on se rencontre.
• Assistant social : ce sont des personnes qui ont adopté des enfants en adoption internationale ?
• Mme : Oui, au fait, tous. Oui exactement on n'a pas de pupille de l'État.
• Assistant social : pourquoi finalement n'attendez-vous que un pupille de l'État ?
• Mme : au lieu d'une adoption internationale ou d'une grossesse ou autre ?
• M : c'était le moyen le plus proche de nous ? .
• Mme : je crois que c'est surtout lié à mes expériences personnelles et professionnelles. Si je perds patience, on envisagera... mais on n'a pas parlé de l'aspect financier de l'adoption internationale ; nous, ça nous a bloqués parce qu'il y a une démarche d'argent qui me pose beaucoup de questions. Ce n'est pas la possibilité… parce qu'on a la possibilité financière de mettre 35.000 francs. Mais le fait de savoir, même si c'est pour des démarches administratives, d'avocat, pour aller payer.
• M : moi je ne suis pas d'accord.
• Mme : un orphelinat ça me pose question et ça me gêne.
• M : moi ça me gêne, je peux donner tout l’or du monde mais jamais payer pour avoir un enfant.
• Mme : c'est toi qui décide.
• M. c'est-à-dire ça devient du commerce. Faire un don à un orphelinat il n'y a pas de problème.
• Assistant social : mais l'expérience de vos amis, ça ne vous a pas dit qu'il pouvait y avoir adoption internationale sans trafic d'argent ?
• Mme : attention, nous n'avons pas le même avis. Pour moi, le cas de trafic, c’est des cas exceptionnels. Pour moi l'adoption internationale est tout à fait légale, possible ; pour l’instant on n'est pas du tout dans cette démarche là. Mais il y a des associations qui passent par la DIPAS, vous nous avez donné une liste, et ça s'est fait rapidement.
• Assistant social : donc vous avez des exemples qui vous disent que c’est possible sans trafic.
• Mme : tout à fait
• Monsieur : certains pays, mais moi je n'ai pas encore fait la démarche de chercher.
• Mme : nous ne sommes pas dans l'urgence. J'aurais bien pu prendre trois ou quatre mois de congé sans solde : mais, moi, je fais vraiment confiance aux professionnels de la DIPAS et je me dis qu'il y a des pupilles de l'État en France, français, puisqu'ils naissent sur le territoire français. Là je me pose la question à l'envers, pourquoi nous ne deviendrions pas parents d'un enfant né en France ?
• Assistant social : êtes-vous adhérents à une association de parents adoptants ?
• Mme : non pour l'instant non. On a été satisfait des réponses qu'on a eues. Affectivement parlant ? le jour où l'enfant va arriver, à ce moment-là, il y a peut-être des questions qui vont venir.
• Assistant social : êtes-vous adhérents à d'autres associations ?
• M : non
• Mme : à une vingtaine d'associations sportives et culturelles. Je suis conseillère municipale et je suis sensibilisée à ce qui se passe chez moi, dans mon quartier, dans mon village, dans la ville. Actuellement je soutiens une association qui présente des films d'Afrique.
• Assistant social : le fait de parler de l'adoption, ça sert à quoi ?
• Mme : ça nous concrétise notre projet.
• M : ça parle - ça nous permet de savoir ce que les autres en pensent, s'ils peuvent nous aider.
• Mme : ça me rappelle que le projet est toujours là, ou qu'on est dans une période d'attente longue - se dire : j'ai vraiment ce projet. Ce qui me le renvoie en fait, quand j'en parle aux autres, en disant j'attends avec impatience, ça me remonte le moral. Quand on attend et quand on a une date inconnue, il faut qu’on se concrétise la parentalité, le fait de devenir parents et en même temps ce n'est pas réel, ce n'est pas palpable. Vous n'allez pas dire : ça y est dans six mois l'enfant sera là. On n'a rien dans notre esprit, on n'a que notre imaginaire et ce qu'on va se projeter de cet enfant. Le fait d'en discuter avec d'autres, ça veut dire que notre projet il est bien réel, ce n'est pas simplement un agrément maintenant, un permis d'adopter c'est : «oh oui, vous avez un projet d'adoption » et moi ça me rappelle que je vais bientôt devenir maman, cet enfant va arriver. Ça me renvoie, ça me rassure.
• Assistant social : quelles sont les personnes qui ont été ou qui sont les plus importantes pour vous ?
• M. : tout le monde.
• Mme : vous, c'est les professionnels qui ont le plus de liens avec nous, c'est vous les personnes clés en tant que professionnels, c'est vous parce que c'est vous qui allez nous donner le coup de téléphone ou qui allez nous dire : «on arrête ou on continue », nous rassurer ou nous arrêter. Le conseil de famille à la rigueur pour moi ce n'est pas palpable. Le conseil de famille c'est vous - bien que je sache que c’est le conseil de famille qui décide.
• Assistant social : la DIPAS aurait-elle quelque chose à mettre en place, pour accompagner les futurs parents adoptants ?
• Mme : je ne sais pas. Je ne peux pas vous en parler, je ne sais pas concrètement ce dont j'aurais besoin. C'est quand l'enfant va arriver et on vous dit merci de nous avoir accompagnés dans ce projet là.
• Assistant social : ça veut dire quoi pour vous «accompagner » ?
• Mme : c'est d'avoir fait toute cette démarche que nous, on ne connaît pas forcément, et de nous avoir permis d'avoir un agrément.
• M : aider administrativement.
• Mme : accompagner dans la démarche de l'agrément, en nous donnant des réponses concrètes, sur le plan administratif, légal, de nous avoir rassurés, parce que j'ai posé des questions à l'assistant social qui était plus de l'ordre affectif, rassurer d'être une future maman et un futur papa.
• Assistant social : là nous dépassons le strict cadre professionnel ?
• Mme : tout à fait. Ah non, pas du tout. Vous ne dépassez pas du tout le cadre professionnel parce qu'il y a de l'affectif là-dedans, la dimension, quand on devient parents, qu'on ne maîtrise pas, affective.
• Assistant social : tout à l'heure, vous disiez «on veut que vous soyez de bons professionnels ».
• M : pour l'enfant.
• Assistant social : là vous dites, on attend un petit peu autre chose.
• Mme : là c’est vrai - exact - moi oui...
• M : non, mis à part une aide psychologique, assurance.
• Mme : vous serez de bons parents, ne vous inquiétez pas je crois qu'il y a cette inquiétude.
• M : le fait de nous renseigner, voilà, il ne faut pas désespérer...
• Mme : il n'y a pas que cela. Quand on a des doutes sur... quand l'assistant social m'a dit : «vous vous posez beaucoup de questions, mais le fait de devenir mère, ce n'est pas mère adoptante »... c'est de l'ordre affectif, elle m'a rassurée, c'est-à-dire j'avais besoin qu'on me dise : « voilà ne t’ inquiète pas, je pense que en tant que professionnel, tu rentres tout à fait dans la capacité à devenir maman ». Et ça c'est affectif. Le fait de rassurer, il n'y a rien de concret. On ne peut pas dire... et ça, ça m'a renforcée dans l'idée d'avoir un enfant. Donc oui, ça dépasse le cadre professionnel.
• Assistant social : vous avez comme votre épouse le besoin, pas le besoin, mais le fait d'être rassuré sur votre capacité à être père ?
• M : ça fait toujours plaisir (rire) oui bien sûr tout le monde aime bien entendre ça. Mais ça rassure. Quand on n'est jamais sûr de soi-même.
• Mme : il ne s'est pas posé les questions que je me suis posées. Lui, c'est naturellement.
• Assistant social : être accompagné ?
• M : par une personne de la DIPAS ?
• Assistant social : oui ou quelqu'un d'autre ?
• M : moi, être accompagné par un professionnel, l'appeler plus souvent, lui dire où on en est, à quel stade on avance, c'est plus pour lui poser des questions sur l'arrivée de l'enfant. C'est ça l'accompagnement pour moi.
• Assistant social : donc ce sont les professionnels prioritairement à qui vous feriez appel ?
• M : oui.
• Assistant social : et les parents adoptants ?
• M : je sais ce que c'est les parents adoptants, si je leur pose des questions, ce serait plus sur l'adoption internationale, sur les formalités.
• Assistant social : quand vous parliez d'accompagnement, c'est vous qui faisiez la démarche ; est-ce que vous attendez que ce soit la DIPAS qui fasse une démarche vers vous ?
• M : ça fait toujours plaisir d'avoir des nouvelles de la DIPAS, «voilà, vous êtes là, il ne faut pas perdre espoir ».
• Mme : c'est vrai, si on recevait un appel de temps en temps et on me dit : «ça avance, ça avance ». Un petit truc comme ça qui nous fait du bien, on s'approche, on ne sait pas de quoi on s'approche. Et si c'est vous qui faîtes la démarche en disant : «votre projet il est toujours là », je vous ai dis que nous on ne savait pas ce vous faisiez derrière, non, que votre projet il est toujours là, on discute ; et bien ça nous ferait du bien.
• M : ça a son côté positif et négatif. En appelant, on peut avoir aussi de faux espoirs, du moment qu'il nous a appelé, on espère - c'est comme votre venue. il est venu... peut-être que... après on réveille, on se réveille...
• Mme : l'assistant social, l'autre fois m'a dit quelque chose qui m'a fait beaucoup de bien, tous les deux, on en a discuté plus de deux heures, c'est : «vous êtes la famille idéale entre guillemets », on correspond à la famille adoptante des services... et bien moi je suis ressortie bien dans mes baskets, Alain pareil en disant : tiens, ce n'est pas le rapport social - c'est pas la même chose -- ça m'a relancée.
• Assistant social : s'il y avait des réunions de futurs parents, vous viendriez à ces réunions et pour parler de quoi ?
• M : parler maintenant oui je suis prêt toujours à écouter.
• Mme : oui, je serais prête parce que quand on échange avec ces familles là, ça apporte plein de choses.
• Assistant social : et qu'est-ce qui vous intéresserait ?
• M : de parler de tout, on ne peut pas se faire une fixation sur l'adoption, on peut parler de nos attentes.
• Mme : il y a des questions qui pour moi ne sont pas assez développées que je poserais à la famille qui a adopté ; là vous parlez de personnes qui n'ont pas encore l'expérience de l’adoption... et bien oui, je partagerais mes sentiments de crainte, d'attente... ce que l'on pourrait apporter, c'est l'expérience avant l'agrément, pendant et de nos années... à mon avis, je me sentirais de rencontrer des familles comme ça qui ont déjà adopté, on n'est plus dans l'attente de quelque chose que apporter quelque chose.
• Je me sens tout à fait capable après mon expérience, de me mettre de l'autre côté de la barrière, c'est-à-dire en tant que maman adoptante, d'apporter de l’information, de parler de mon vécu. Voyez, c'est vraiment la période intermédiaire : avant on avait plein de questions, maintenant on attend, on s'imagine, après coup, il y aura des questions, quand l’ enfant sera là, et moi j'aurais besoin de ces familles. En échange, je pense qu'on pourra apporter.