Entretien n° 7 Monsieur et Madame SIMON : «nous sommes un peu perdus ».

• AS : pourriez-vous me dire pour quelles raisons vous avez demandé un agrément adoption ?
• M : moi, j’ai fait cette demande, après en avoir parlé à mon épouse, c’est quelque chose que je porte depuis longtemps, c’est la volonté de faire quelque chose pour un enfant parce que depuis la fin de l’adolescence, je ressens très mal les inégalités des enfants et que souvent eux ils souffrent mais ils y sont pour rien, donc je fais des choses microscopiques sous forme de dons, mais qui ne me donnent pas satisfaction, donc j’avais ce projet dans ma vie, un jour, sans me donner de date, d’adopter au moins un enfant, et lorsque j’en ai parlé à ma femme, on s’est aperçu qu’on se rejoignait là-dessus et c’est à partir de là qu’on a abordé ce projet en couple, et j’ai envie de dire avant de savoir qu’on allait avoir des difficultés nous pour avoir un enfant. Dans mon esprit, c’était d’avoir des enfants naturels, et j’en adopterai. Voilà pour moi.
• Mme : et pour moi, cette envie a commencé depuis ma jeunesse, je suis d’origine russe et depuis que je suis jeune fille, j’avais des copines, je parlais avec mes copines de ça et naturellement j’avais envie d’avoir des enfants naturels, et d’adopter un enfant. Moi, c’est pour les mêmes raisons que mon mari, mais il y a encore une raison qui s’ajoute, c’est ce sentiment maternel très fort en moi que j’ai depuis que je suis devenue femme peut-être. Et j’ai toujours admiré les gens qui avaient des enfants.
• AS  donc des sentiments humanistes, humanitaires ?
• M : humanistes
• AS : et également les difficultés que vous rencontrées pour avoir un enfant de votre couple, cette difficulté venait plus de
• M : de moi, parce que ma femme a déjà eu un enfant ?
• AS : et cette difficulté vous la qualifiez de... ?
• M : des difficultés naturelles puisqu’elles sont parfaitement identifiées, c’est une durée de vie insuffisante des spermatozoïdes, ce qui nous ouvre tous les espoirs avec l’assistance à la procréation et ce qui n’a pas changé d’un iota notre volonté à adopter. Donc, dans l’ordre, il y a bien eu la volonté d’adopter, en même temps qu’on essaye d’avoir un enfant naturel, et comme on n’y arrivait pas on a commencé à faire des analyses qui ont dit que ma femme est parfaitement normale et que moi, j’avais ce qu’il fallait, le sperme n’est pas infecté, mais il y a une durée de vie beaucoup trop courte.
• AS : ce qui impose de faire des FIV dans un délai qui est très court.
• M : voilà. Donc, on peut trouver des spermatozoïdes de qualité.
• AS : et vous en êtes où par rapport aux procréations médicalement assistées ?
• M : donc il s’est passé plein de choses. Suite à notre démarche d’agrément, on a commencé des démarches en Russie puisque c’est notre première volonté, on est arrivé à avoir un interlocuteur très sérieux, c’est grâce à l’assistant social, qui est aujourd’hui notre interlocuteur en Russie et en même temps, nos contacts avec les médecins se sont accélérés et ils nous ont proposé d’entamer un processus. Je crois qu’au départ, on était plus sur un processus d’adoption, puis un an après l’adoption, des in vitro. Là, on nous a proposé les deux en même temps, donc on en a discuté, on ne se sentait pas à faire les choses en même temps et donc on a dit, on va privilégier les in vitro, parce qu’on n’est pas maître des propositions et on va simplement inverser les choses ; donc on a fait une première tentative qui s’est médicalement mal passée, puisque ma femme a beaucoup souffert des traitements et des piqûres et pour diverses raisons médicales on a dû interrompre le traitement. On a mal vécu ça tous les deux, voire très mal pendant quelques semaines, on est parti en vacances alors que ce n’était pas prévu et on s’est dit, on va repartir sur notre projet qui n’a pas changé d’un iota et là ma femme a trouvé du travail à temps partiel. Et là, on va décider du nouvel ordre, est-ce qu’on poursuit l’adoption ou on refait une tentative in vitro, sachant que les traitements ont évolué.
• AS : quand vous avez commencé à parler de l’adoption, vous imaginiez adopter quel enfant ?
• Mme : nous, on voulait adopter un enfant qui ait entre cinq et huit ans, mais dix ans, c’était pas exclu ; on avait dit «on ne sépare pas deux frère et sœur, ou des jumeaux ».
• AS : donc un ou deux enfants entre... ?
• Mme : cinq et dix ans. Et les derniers temps, on avait dit même, de zéro jusqu'à....
• M : c’est-à-dire que s’il y en avait deux, qu’il y en ait un plus petit. Parce qu’on a eu une proposition pour trois enfants, et le plus petit avait trois ans et on s’est pas senti capable, on peut le dire, c’est-à-dire trois plus un ça fait quatre d’un seul coup, plus parce qu’on en veut un naturel ; alors on a bien réfléchi et on s’est dit «on ne se sent pas capable ».
• Mme : franchement sans les voir déjà, moi, j’avais déjà...
• M : et puis notre fils a mal réagi en plus ; enfin c’est pas ça qui a pesé le plus lourd, mais oui, on ne s’est pas senti capable.
• AS : est-ce que vous connaissez des personnes qui ont adopté et quels sont les premiers adoptants que vous avez rencontrés ?
• M : oui, c’est un contact que nous a donné l’assistant social, des gens qui revenaient de Russie avec une petite fille de cinq ans et qu’on est allé voir chez eux
• AS : donc ce sont les premiers adoptants que vous avez rencontrés, ou bien dans vos souvenirs, vous avez fait des rencontres qui pour vous étaient la première rencontre avec l’adoption ?
• Mme : pour moi, personnellement, j’ai une cousine qui est mariée et elle a adopté un petit garçon de dix mois et elle avait trois enfants naturels en plus ; et ça se passait très bien
• M : pour ma part, c’est une connaissance de travail il y a cinq ou six ans, c’est un couple qui avait deux enfants, les enfants avaient une douzaine d’années et qui a décidé d’adopter un enfant en Russie et quand ils sont arrivés sur place il y en avait deux au lieu d’un et ils ont décidé sur place de prendre les deux.
• AS : les enfants avaient quel âge ?
• M : à deux an près, ils avaient huit et dix ans. Et je l’ai harcelé de questions. Donc ça, et puis autrement pour moi, les autres souvenirs, c’est mes lectures. Voilà mes lectures et ce couple avec deux enfants naturels parce que c’était un peu la même démarche : l’idée de faire quelque chose.
• AS : vous pensez, qu’il a eu une influence sur l’idée que vous avez eu d’adopter un enfant et sur la décision de faire une demande d’agrément ? Est-ce que vous avez l’impression qu’il y a des personnes qui ont eu une importance ou une influence quelconque ?
• M : pour moi non, parce que je n’en ai toujours parlé qu’à ma femme ; et j’avais même des proches amis qui n’ont jamais été informés.
• Mme : pour moi, c’est pareil.
• AS : donc vous diriez... ?
• Mme : c’est personnel
• AS : c’est quelque chose que vous avez construit en couple. OK. Je passe à autre chose ; il y a eu la procédure d’agrément, vous l’avez vécue comment ?
• Mme : moi, j’étais impatiente ; et en même temps je ne savais pas ce qui allait se passer après ; bien sûr très curieuse, voilà.
• M : moi, je dirais, j’ai pas tout compris, mais je suis pas sûr qu’il soit utile lorsqu’on va voir quelqu’un une demi-heure trois-quarts d’heure dans un cabinet, qu’il arrive à bien nous cerner ;
• AS : et de cette procédure et des entretiens vous en avez retiré quoi ? Est-ce que déjà vous en avez retiré quelque chose ?
• M : moi, ce que j’en ai retenu, c’est que c’est assez sérieux quoi. Effectivement les gens posent des questions sur nous, essayent de bien déterminer pourquoi, sur notre passé, sur notre vie de couple. Donc, c’est sérieux et vous ne donnez pas d’autorisation à n’importe qui.
• AS : c’est une procédure que vous avez jugée comme étant légitime ou bien qui vous paraît illégitime parce qu’on ne demande pas ça à un couple qui veut avoir un enfant naturel ?
• M : ça me parait normal. On confie un enfant à quelqu’un qu’on juge capable de l’élever, au niveau matériel et tout.
• AS : et vous avez eu l’impression d’être jugé ?
• Mme : moi non, aucun jugement ; j’ai pas senti ; on était bien appuyé, avec le psychiatre aussi ; des questions ; non c’était très humain, très
• M : à la sortie par contre, tous les entretiens se ressemblaient.
• AS : et depuis le début de votre projet d’adoption, vous avez l’impression que vous avez changé dans l’attente de l’enfant. ? Votre idée de l’enfant et votre disponibilité ont été modifiés dans les mois ou les années qui ont passé ?
• Mme : moi non.
• M : moi, absolument pas, je suis juste perturbé sur l’ordre. Je suis un petit perdu aujourd’hui de dire «il faut qu’on refasse une ou deux in vitro et qu’on adopte, ou l’inverse ». Là, je suis un petit peu perdu, mais sur le projet final, j’ai pas changé d’un iota.
• AS : quelle différence vous imaginez entre le fait d’être parents et d’être parents adoptants ?
• Mme : je pense que forcément il y a une différence, même peut-être pas au niveau émotionnel, sentimental ; mais pour moi au début, c’est une plus grande responsabilité, comme j’ai un fils naturel et qu’on vit ensemble depuis cinq ans, il y a déjà entre nous une grande base de relations, comme on se comprend sans se parler, un enfant adopté ce ne sera pas pareil ; tout ça il faut le construire, il faut commencer au début
• AS : et avec un enfant que vous adopteriez ?
• Mme : si l’enfant qui arrive, il a six ou sept ans, pour moi, il faut construire les choses comme s’il avait zéro ; même s’il est un peu plus âgé, je lui parlerai comme à un petit enfant, je lui donnerai des câlins comme un petit enfant de zéro ou un an.
• M : moi, je pense qu’il peut y avoir une différence, mais plutôt de l’enfant vers nous ; moi, j’ai la chance aujourd’hui d’être parent adoptif latent puisque je suis le papa de Paul et que je vis avec lui, c’est mon fils ; donc je pense que de mon côté il n’y aura pas de différence, mais pour l’enfant, il peut avoir le mal du pays, peut-être il mangeait mal, il était pas bien ; ici, c’est mieux, mais ça ne suffit pas...
• AS : est-ce que vous pensez qu’on peut ou qu’on doit se préparer à être parents adoptants ?
• Mme : moi, je pense que oui
• AS : sur quel point et comment ?
• Mme : il manque peut-être une formation pour des cas particuliers «c’est quoi la meilleure réaction, ou le même comportement pour l’enfant ? » Quelquefois, on pense que c’est bien et puis on se trompe. J’imagine qu’on passe des stages ou des contacts avec des conseillers ou des psychologues.
• M : moi, je pense qu’il y a l’étape de l’arrivée, et quand on en sera là, on commencera à voir des gens, les premiers temps et puis, il y a quelque chose qu’il faut qu’on fasse aussi, c’est avoir de l’expérience sur les réponses aux questions, on va avoir des questions, donc est-ce qu’on est bien dans le vrai avec notre volonté de dire «on ne cache rien »...
• AS : donc vous pensez que c’est une préparation sur des réactions de l’enfant ?
• M : oui, voilà, sur ces points là ;
• AS : cette préparation se ferait quand ?
• M : pour moi, elle se ferait par exemple entre, puisque les étapes, c’est d’abord un premier voyage pour la présentation de l’enfant, puis après notre correspondant sur place fera l’ensemble du dossier, donc pour moi, ce serait des rendez-vous avec des parents qui ont déjà adopté, qui seraient entre le voyage de présentation et notre retour avec l’enfant. Donc, à partir de là, nous, on va attendre l’enfant, et pendant cette période-là, on va voir un certain nombre de personnes.
• AS : OK ; donc vous avez eu un agrément il y a un an et demi et vous avez eu quelle réaction quand vous avez reçu l’agrément ?
• Mme : on a sauté au plafond. (rires)
• M : on était heureux, on a fêté ça, et c’était un soulagement aussi, parce que jusqu'à l’avoir, on ne savait pas.
• AS : donc une joie et un soulagement. Pour les deux ?
• M : oui, parce que c’est indispensable ; on avait bien compris que sans ça il n’y a pas de projet d’adoption.
• AS : et avec cet agrément vous faites quoi ?
• Mme : je vais tout de suite, le jour même je crois...
• M : en fait, on avait déjà commencé à prendre contact avec une association...
• AS : à quel moment vous aviez pris contact ?
• M : j’avais téléphoné à une association qui m’avait dit «est ce que vous avez l’agrément ? » et ils m’avaient dit : «quand vous aurez l’agrément, il y a ça et ça... ». Donc, ensuite, quand on a eu l’agrément, on a appelé le Ministère qui nous a donné des informations et puis on a appelé l’assistant social, on s’est revu, et il nous a dit qu’il connaissait des couples qui avaient adopté en Russie.
• AS : donc c’était, compte tenu de votre histoire, la Russie, c’était le pays vers lequel, de manière exclusive vous alliez vous tourner ou si étiez ?
• M : pas exclusive, mais on s’est dit que c’était peut-être une chance supplémentaire, si l’enfant arrive sans parler français, il y a deux personnes qui parlent sa langue ; et puis sa culture, nous la Russie...
• Mme : et puis les familles ; ma mère en Russie, elle l’attend à bras ouverts, elle sera sa grand-mère ; ma sœur, elle avait un jugement un peu plus négatif, mais j’en ai parlé plusieurs fois avec elle, et puis elle a changé ; il suffit d’expliquer aux gens...
• M : donc on a pris contact avec l’association, on a d’abord pris contact avec une première famille qui avait adopté, de la part de l’assistant social, on a été très très bien reçu, qui nous a donné les coordonnées de ces personnes, on les a contactées, et on est allé les rencontrer en Russie ; on s’est vu deux fois et on a pris la décision de ne pas travailler avec deux ou trois associations, et puis on s’est dit «c’est bon, on lui fait confiance », on a toujours fait référence à l’assistant social, donc aujourd’hui on en est là et la prochaine étape, ce sera de dire, «voilà, on est prêt ». Ils ont tout le dossier, ils ont tout ce qu’il faut et dès qu’on relance, on sera appelé pour une présentation d’enfant.
• AS : quand vous avez eu votre agrément à qui vous faisiez ou vous avez fait le plus confiance pour réaliser l’accueil de l’enfant ?
• M : moi, je dirais, c’est le Conseil Général et le Ministère. Tous les contacts qu’on a pris, ils ont été validés par l’un ou par l’autre, ou par les deux et quand on nous a dit «attention ,là, n’y allez pas », on n’y est pas allé. Donc, n’ayant aucune connaissance, on s’est dit «on va rester dans des conseils un peu officiels »
• AS : et aujourd’hui, vous faites le plus confiance à qui ?
• M : et bien, aujourd’hui, grâce à ces deux interlocuteurs, on est arrivé à avoir un contact en Russie, qu’on trouve extrêmement sérieux, donc aujourd’hui, via le Conseil Général et le Ministère, on est arrivé à ce contact.
• AS : en qui vous avez confiance ?
• Mme : oui on a entièrement confiance.
• AS : et les contacts que vous avez eus avec le monde de l’adoption dans l’Ain, ou ailleurs, ils ont été de quelle nature ? j’entends par le monde de l’adoption, les parents adoptants ou ceux qui sont en instance d’agrément.
• M : dans l’Ain, on a fait une réunion de parents où on a été invité par vos services, c’était une salle pleine, et ensuite dans l’Ain, on a eu deux contacts ; le premier contact que l’assistant social nous a donné, qu’on a eu plusieurs fois au téléphone et ensuite cette famille qu’on est allé voir et qui revenait de Russie avec une petite fille de cinq ans. Et moi, j’ai un de mes meilleurs amis, une fois qu’on a eu l’agrément, on a mis quelques proches au courant et donc j’ai cet ami qui habite dans la région parisienne et qui en est au même stade que nous et on en discute avec eux aussi.
• AS : donc vous en avez parlé relativement peu autour de vous ? à vos familles ?
• Mme : parents, cousines et amis très proches.
• AS : si vous aviez à me dire à peu près combien de personnes sont informées de votre projet ?
• M : une dizaine
• Mme : oui, pour moi aussi une dizaine.
• AS : et avant d’avoir l’agrément, c’était quelque chose entre vous ?
• M : oui
• Mme : oui, on avait dit, on va attendre un petit peu avant d’avoir l’agrément. Être sûr quoi, et ne pas dire n’importe quoi aux gens.
• AS : et l’idée de ne pas en parler avant, c’était au cas où vous ne l’auriez pas ?
• M : moi, de toute façon, je suis introverti donc, ça comme le reste, je préfère qu’on en discute ensemble. Après, oui, j’avais envie de leur dire, mais pas avant.
• AS : les personnes avec lesquelles vous parlez le plus facilement de votre projet d’adoption, c’est qui ?
• Mme : moi, c’est ma mère
• M : moi, c’est toi.
• AS : et le fait que vous en discutiez le plus avec votre maman, vous pensez que ça vient de quoi ?
• Mme : on se ressemble beaucoup toutes les deux et nous avons une relation très forte qui est créée depuis que je suis toute petite, ma mère m’a toujours parlé, d’elle, de moi.
• AS : et pour vous, c’est important d’en parler avec votre maman ?
• Mme : oui, aujourd’hui, plus ; je me sens heureuse, je ressens une chaleur familiale, par le sang si l’on peut dire.
• AS : à l’inverse, est-ce que vous avez rencontré des personnes qui vous ont montré ce qu’il ne fallait pas faire ?
• M : en fait, on a eu deux contacts de couple, donc non. Mais ce qui est intéressant à dire c’est que, on ne juge pas, on constate qu’il y a un accueil froid de mes parents, et quand on leur a dit, on a senti qu’on n’irait pas chercher un soutien de ce côté-là.
• AS : maintenant, on va peut-être se centrer sur les relations que vous avez eues ou avez encore avec le monde de l’adoption, c’est-à-dire avec des adoptants. Est-ce que certaines familles ou parents adoptants sont importants pour vous, pour votre projet ?
• M : et bien moi, j’avoue que, il y a quelque temps, j’ai demandé à une connaissance commune si elle pouvait me faire rencontrer une famille qui a adopté deux enfants roumains.
• AS : et ce que vous attendez d’une telle rencontre, c’est quoi ?
• M : j’aurais des questions à leur poser sur ce qu’on a vu déjà tout à l’heure, c’est-à-dire sur l’arrivée de l’enfant surtout s’il arrive à un certain âge comme on le pense, et puis comment ça se passe et eux comment ils ont fait ; ça fera partie de ma quête d’avis, qu’est-ce qu’ils ont fait par rapport à certaines questions.
• AS : donc, on dirait que là, ce que vous cherchez, c’est une expérience qui vous intéresse ?
• M : et l’autre, ce ne sera pas chez les parents adoptants, mais chez les spécialistes de l’Enfance
• AS : pendant la procédure d’agrément, vous n’avez pas rencontré de parents adoptants ?
• Mme : non, mis à part un ou deux téléphones avec la dame que nous avait indiquée l’assistant social.
• AS : vous n’avez pas ressenti le besoin de rencontrer ou voir d’autres couples qui étaient en attente d’agrément ?
• Mme : si, on en parlait un peu mais...
• M : moi non, je ne suis pas, je pense plus après. Moi, avant non, j’avais même pas envie ; parce que le partager avec ma femme, ça me suffit. En attendant l’agrément, je ressentais aucun besoin d’en discuter avec...
• AS : et cette période actuellement, vous la vivez comment ?
• M : moi, aujourd’hui, je la vis mal, mais c’est plus lié à notre cas particulier. On s’est vu pendant un an à tout faire et maintenant on ne sait plus, adoption, PMA ?
• AS : donc, quand vous avez eu l’agrément, vous vous êtes dit «on va tout faire » ?
• M : oui, c’est ça en fait
• AS : et vous n’avez pas eu l’idée de demander à quelqu’un de vous aider un petit peu à y voir un peu plus clair ; vous êtes restés un peu entre vous ?
• Mme : oui, c’est peu ça
• M : avec ce détail que dans un rendez-vous qu’on a eu avec l’assistant social, il nous a dit une chose importante, que bien sûr tout est possible, un terme avant l’autre ou l’inverse, mais que par contre, si effectivement un enfant de cinq ou six ans arrivait dans une famille après un nouveau-né, il serait le troisième arrivé mais le deuxième dans l’âge et il nous a dit, «moi, je ferais peut-être plutôt l’inverse ». Faire arriver le deuxième en deuxième et ensuite le bébé arriverait en troisième. Donc il faut bien qu’on fasse un choix, et aujourd’hui on ne l’a pas encore fait parce qu’on a encore des vestiges de notre déception. Il faut du temps.
• AS : vous n’avez pas ressenti le besoin de rencontrer d’autres parents adoptants ?
• Mme : mais aujourd’hui, je suis plus ouverte.
• AS : et vous en attendriez quoi ?
• Mme : j’attends plus d’informations sur les enfants ce qu’ils pensent, comment ils se comportent, les filles, les garçons
• M : moi, je n’ai pas envie. Les informations je les ai eues tout seul ou par les rendez-vous avec l’assistant social ou le Ministère ; alors de voir quelqu’un qui est dans le même cas que moi, oui, on attend, on attend, on espère, non, moi, je fais pas ça. Moi, j’en discute avec ma femme. Par contre, aller voir des gens qui ont un enfant, faire partager oui, et dire voilà on a un enfant à des gens qui sont dans l’étape d’attendre.
• AS : donc aujourd’hui, ce souhait de rencontrer d’autres adoptants est motivé par le fait que ces parents qui ont accueilli un enfant peuvent vous transmettre des éléments de leur expérience ?
• M : mais, je ne veux pas le faire avant de savoir que j’ai un enfant qui m’attend.
• AS : OK. On va voir maintenant les contacts que vous avez eus avec les professionnels et la Dipas. Vous qualifieriez comment ces relations ?
• M : moi, j’avais déjà eu cette impression de sérieux, la réunion était vraiment bien et on a montré qu’il y avait une disponibilité, soit immédiate, soit par téléphone, soit par réunion. Les professionnels, on a ressenti que c’était sérieux.
• AS : sérieux ? les entretiens par exemple ?
• M : sérieux mais les entretiens, c’est quand même très léonin, c’est-à-dire déséquilibré ; on veut nous connaître et nous on n’a pas la possibilité de connaître le psychologue... On ne se serait pas permis de demander «et vous, vous êtes mariés, vous avez adopté ? »
• AS : et pourquoi, vous ne vous seriez pas permis ça ?
• M : et bien parce qu’on n’en est pas à un entretien équilibré ; on se présente et puis c’est tout. Ce qui était intéressant dans ces rendez-vous, c’était la compétence à nous écouter et à analyser ce qu’on disait.
• AS : et vous avez eu l’impression que les relations que vous avez eues avec l’assistant social se sont modifiées après l’agrément ?
• M : non, parce que moi, je l’ai appelé même une fois après et...
• AS : donc on est bien sur un niveau ?
• M : de confiance, on va dire ;
• AS : et cette confiance, elle vient d’où ?
• Mme : parce que je pense que c’est réciproque.
• M : elle vient du sérieux, de l’écoute.
• Mme : nos besoins étaient satisfaits.
• M : notre besoin, c’était de nous accompagner, de nous aider à obtenir un agrément,
• Mme : de nous accompagner
• AS : et ça veut dire quoi, accompagner ?
• Mme : on a été bien écouté, bien traité ; il n’y avait pas une distance.
• Mme : le fait de pouvoir appeler aussi après ; une disponibilité
• M : voilà, on appelle, on a directement notre interlocuteur, il nous reconnaît tout de suite.
• Mme : et il est toujours au courant de notre cas.
• AS : OK, et vous n’avez pas pris contact avec l’association Enfance et Famille d’adoption ?
• M : non, il y a plein de gens dont on a les coordonnées., mais toujours pour les mêmes raisons, on ne veut pas pour l’instant.
• AS : donc le fait de rencontrer des personnes qui seraient dans la même situation que vous, qui ont suivi les différentes étapes et qui vous diraient «voyez, regardez-nous, on y arrive bien », pour vous c’est pas important ?
• M : non, pour nous c’est pas important parce qu’on a fait un gros travail seuls et moi, intellectuellement, je maîtrise bien les étapes, on a la chance d’avoir un bon interlocuteur sur place ; mais rencontrer des gens à qui on va parler de notre vie très personnelle, il faut vraiment en attendre quelque chose ou leur apporter quelque chose, donc c’est ça qui fait que je vais voir ce couple ; mais aujourd’hui, je n’attends rien.
• AS : quelles sont les personnes qui pour vous sont les plus importantes pour votre projet ?
• M : c’est ma famille, c’est une fois que l’enfant est là qui compte, donc c’est les personnes avec qui on va vivre. Si on prend un peu avant, c’est la personne en Russie, notre contact parce que si elle décide de ne pas nous présenter d’enfant. , c’est une question de confiance et puis l’étape avant, c’était le Conseil Général et le Ministère ; donc ça dépend des étapes.
• AS : quand vous dîtes «on en parle entre nous », ça sert à quoi de parler de l’adoption ?
• Mme : c’est un partage. On y pense, mais sans en parler tous les jours. Mais moi, j’ai besoin d’en parler, de dire ce que je ressens, si je souffre pourquoi.
• AS : bien, encore une petite question : ça voudrait dire quoi pour vous «être accompagné ? »
• M : ça veut dire, comme on a eu la réunion, on a rien demandé, mais on a reçu dans notre boîte aux lettres : «il y a une réunion, si vous voulez venir ». Et bien super, on y va. Il y a cette étape là et il y a des services qui correspondent aux parents qui viennent d’avoir l’agrément et qui n’ont pas d’enfant. Par exemple pour nous, il y aurait quelqu’un de très intéressé pour suivre ça.
• Mme : et la première rencontre avec l’enfant aussi avec un spécialiste.
• AS : oui, et ça, ça se ferait en Russie ?
• Mme : oui sur place, avec l’avocate.
• AS : il y a d’autre chose ? Et de manière globale, comment vous qualifieriez cette période entre l’agrément et l’arrivée de l’enfant ?
• Mme : c’est une période difficile
• M : oui difficile. Il y a des mois des mois de dossiers, d’instruction et nous on est là impuissant.
• AS : c’est ça, il y a plein de choses dont vous n’avez pas la maîtrise, pas la gestion, avec un sentiment un peu d’impuissance, en se disant on ne peut rien. Et l’accompagnement dont vous parliez tout à l’heure, vous pensez qu’il pourrait vous apporter quelque chose ?
• Mme : c’est surtout pour l’enfant
• M : nous, on s’est débrouillé, on appelle l’assistant social, «qu’est ce que je dois faire ? »
• AS : et c’est prioritairement vers la Dipas que vous vous êtes tournés ? et non pas tellement vers les parents adoptants ?
• M : parce que moi je n’en ai pas besoin et comme c’est moi qui fais les démarches…
• Mme : et puis moi, c’est vrai que j’ai aussi peur de les déranger, et les gens ils peuvent aussi jouer un jeu devant vous et la vérité on ne la connaît jamais ; alors il vaut mieux se concentrer sur nous, c’est un peu aussi une perte de temps.
• AS : vous disiez tout à l’heure que vous n’aviez pas changé par rapport à l’âge de l’enfant, mais aujourd’hui, vous dîtes que l’enfant il pourrait être plus jeune ?
• Mr : on a dit, s’il y en a deux, le deuxième pourrait être plus jeune. Mais si on nous appelle et on nous dit, le petit il a trois ou deux ans, on part tout de suite.
• AS : merci pour cet entretien.