Entretien n° 13. Monsieur et Madame CHAPUIS : “ ça l’a profondément blessé, c’est pour ça qu’un garçon… ”.

• AS : donc la première question que j’avais envie de vous poser est de savoir pourquoi vous avez demandé un agrément adoption ?
• Mme : parce qu’on ne peut pas avoir d’enfant, on n’imagine pas notre vie sans, alors on s’est tourné vers l’adoption.
• AS : et vous le savez depuis longtemps ?
• M : avant l’agrément ça faisait trois ans, avant la demande d’agrément, il y a eu avant des traitements médicaux.
• AS : qui ont donné quoi ?
• Mme : rien ; ils étaient assez durs à supporter, physiquement pour moi et psychologiquement pour les deux.
• AS : et la raison médicale qui vous a été donnée à cette absence d’enfant ?
• M : c’est un problème venant de moi, le sperme qui n’est pas bon
• AS : donc c’est une hypofertilité on dit ?
• M : oui, c’est ça. J’ai vu ce mot là effectivement dans les rapports.
• M : et vous l’avez vécue comment ?
• M : pas simple ; ça blesse.
• AS : donc après vous avez engagé votre procédure d’agrément pour accueillir quel enfant, quand vous avez engagé votre demande ?
• M : un tout petit
• AS : et tout petit c’est ?
• Mme : de toute façon c’était moins de un an, on voulait vraiment un bébé pour être au plus prêt d’une naissance naturelle
• M : pour se rapprocher de la naissance, pour pouponner, pour connaître les joies
• Mme : le tout petit, le tenir dans ses bras, tout ça. C’est vrai qu’on le fait aussi avec un enfant qui est un peu plus grand, mais on voulait surtout se rapprocher le plus possible d’une naissance naturelle.
• AS : votre hypofertilité, vous l’avez vécue comme une blessure vous disiez, ça veut dire quoi pour vous ?
• M : ça veut dire que je ne peux pas avoir d’enfant et que j’aurais souhaité en avoir.
• AS : et depuis que vous avez fait la demande d’agrément, vous avez l’impression que les choses ont changé par rapport à l’enfant que vous attendiez, ou bien cette idée d’accueillir un bébé, garçon ou fille ?
• M : moi, je n’ai pas de préférence sur le sexe, ma femme un peu plus.
• Mme : moi, je préférerais un petit garçon, mais c’est vrai que si on nous appelle et qu’on nous propose une petite fille, on ne dira pas non. Et puis on ne sera pas déçu.
• AS : et dans votre demande vous aviez dit que vous aviez une préférence pour un petit garçon.
• M et Mme : oui
• AS : et pourquoi cette préférence ?
• Mme : parce que je pense que du côté de mon mari il est le dernier à porter le nom de son père et puis, je pense que ce serait bien de pouvoir le continuer, on n’a déjà pas tellement une grande famille, pour maintenir un petit peu.
• M : elle a pensé à ça, j’y ai pensé aussi, je ne vais pas mentir ; effectivement, comme on dit il faut perpétuer la race (rire), mais bon pour elle c’est sa priorité, pour moi non ; ma priorité c’est d’avoir un enfant.
• AS : et cette idée de perpétuer la lignée du côté de votre mari, elle vous vient d’où ? Vous auriez pu avoir une préférence aussi pour vous ?
• Mme : je sais que pour lui, le fait qu’on ne puisse pas en avoir, ça l’a profondément blessé, il veut peut être le cacher un petit peu et on n’ose pas trop montrer ces choses là, moi je le sais ; c’est pour ça qu’un petit garçon...
• AS : est-ce que j’irai trop loin en disant que, en vous donnant la possibilité d’accueillir un garçon, ça viendrait réparer un peu la blessure de votre mari ?
• Mme : oui, je pense que c’est ça.
• AS : et entre le moment où vous avez commencé de parler de l’adoption, le moment où vous avez fait votre demande et le moment où vous avez obtenu l’agrément, est-ce que l’attente ou l’idée que vous aviez de l’enfant a été modifiée ?
• M : oui
• Mme : surtout au niveau de l’âge. Au début c’était un nourrisson et c’est toujours le plus petit possible, mais maintenant un nourrisson je pense qu’on a fait une croix dessus. Au départ, c’est comme tout le monde, on va dans l’adoption, on n’y connaît rien, on ne sait pas, on se lance, on ne sait pas à qui on s’adresse, après on voit toutes les démarches à faire, les entretiens, les difficultés ; et quand on a fait cet agrément on s’aperçoit qu’on n’aura pas forcément ce qu’on a demandé parce que c’est très difficile, si on veut continuer dans l’adoption, il faut continuer avec, il faut changer, il faut voir autre chose sinon si on s’en tient à un nourrisson, on arrête l’adoption parce qu’on sait qu’on n’en aura pas. , avec les réponses négatives qu’on a reçues des œuvres.
• AS : donc le fait d’avoir des réponses négatives des œuvres vous a amenés à modifier un peu ?
• M : à revoir notre demande.
• AS : et par rapport à l’origine de l’enfant ?
• M : et bien on voulait quelque chose qui se rapproche de nous
• Mme : qui nous ressemble
• M : physiquement et de culture quand même plus ou moins proche de nous, qu’il n’y ait pas une trop grande différence.
• AS : et quand vous avez reçu l’agrément, vous avez eu quels sentiments ?
• Mme : et bien nous, on était déjà allé voir avant le dossier, donc on était assez confiant
• M : mais tout en sachant qu’il y a quand même le conseil qui statue derrière.
• Mme : donc on était dans l’attente, et c’était notre premier pallier pour pouvoir commencer les démarches. Donc on était content bien sûr.
• AS : qui était le plus content ?
• Mme : tous les deux
• M : il n’y en a pas un qui a sauté plus de joie que l’autre., on était quand même soulagé d’avoir ce papier.
• AS : et cette procédure d’agrément, vous l’avez vécue comment ?
• Mme : au début, on était très anxieux, et puis après on était plus à l’aise.
• AS : et vous avez l’impression qu’il s’est passé quoi pendant les entretiens ?
• Mme : on ne savait pas ce qu’on allait nous demander, on s’est dit si on ne répond pas comme il faut, mais le premier entretien avec l’assistant social, on a vu que ces gens-là ils sont là pour nous aider, pas pour nous casser, ils ont l’habitude, ils savent que c’est difficile, ils savent ce que peuvent vivre les gens, et ils ne sont là que pour vous aider, après on parle mieux, on arrive à bien cerner la chose.
• M : quand on se présente devant eux, on est quand même devant un juge et quand on répond ça va ou ça ne va pas parce que quand on se lance dans une adoption, on n’est pas préparé à ça, donc si on réagit trop naturellement, il y a peut-être des choses qui sont notées, il faut faire attention.
• AS : OK. Donc, vous avez votre agrément, il a représenté quoi cet agrément pour vous ?
• Mme : le droit d’adopter
• M : l’autorisation de faire les démarches
• Mme : et puis aussi, si on a un doute ou un problème, on peut téléphoner à quelqu’un qui pourra nous aider, on va nous conseiller.
• AS : et ce serait qui ?
• Mme : et bien l’assistant social puisque c’est avec lui qu’on a le plus de contacts, et on en a eu aussi tard après avec une association, mais ça ne s’était pas trop bien passé...
• AS : donc le fait d’avoir l’agrément, d’une part ça vous ouvre une porte et d’autre part le fait que vous pouvez contacter l’assistant social qui a fait l’évaluation ?
• Mme : quelque part, moi je me dis, on ne vous donne pas seulement l’agrément et puis après “débrouillez-vous”
• M : il y aura un suivi de toute façon
• Mme : on est quand même suivi, et je pense que ce sera l’assistant social puisque c’est lui qui nous a suivis au départ, donc c’est à lui qu’on s’adressera.
• AS : et pour quelles choses vous vous adresseriez à la Dipas, donc à l’assistant social ?
• Mme : déjà pour les papiers, des choses qu’on ne sait pas, pour avoir des renseignements, si on doit se déplacer dans un pays pour voir un enfant, si on a des doutes
• M : ils ont peut-être l’expérience à la Dipas
• Mme : et puis avec les associations puisqu’on a eu un petit différent
• AS : donc, vous avez commencé des démarches ; vous souhaitiez accueillir soit un pupille ou un enfant étranger ?
• M : oui, on a les deux possibilités, mais un pupille, c’est très très long.
• AS : en tout cas pour vous c’est trop long
• Mme : avec l’âge qu’on a, nous on ne se trouve pas vieux, mais on nous dit déjà que pour avoir un bébé, on est trop vieux.
• AS : et qui vous dit cela ?
• Mme : l’association
• M : et puis on a vu aussi dans les fiches techniques de la MAI, et dans tel pays, il faut avoir tel âge.
• AS : donc vous avez écrit aux associations
• M : pour savoir s’ils étaient prêts à accepter notre dossier
• Mme : et puis là trop de monde, il fallait rappeler
• M : et puis il y en a une qui nous a contactés pour les rencontrer, ça a duré un quart d’heure, vingt minutes...
• Mme : pour nous dire non
• AS : et pour quelles raisons ?
• M : et bien soit disant que dans notre rapport social, il y avait des choses pas bonnes pour notre dossier ; s’ils avaient présenté ça en Colombie, notre dossier n’aurait pas été accepté ; donc ils voulaient un dossier...
• AS : et vous avez pensé quoi après ce refus ?
• M : et bien le premier mois, ça a été une baisse de régime, on a repris contact avec Enfance et Famille d’Adoption ; on a écrit, en leur disant qu’on voulait des informations, ils ont répondu en disant qu’ils avaient une réunion
• AS : c’était le premier contact avec EFA ?
• Mme : oui
• AS : et pourquoi vous n’aviez pas pris contact avec eux avant ?
• M : on pensait que par les associations ça irait
• AS : et avant ou au cours de l’agrément, est-ce que vous avez été en contact avec des parents adoptants ?
• M : non
• Mme : non, tant qu’on n’avait pas l’agrément.
• AS : d’accord et les premiers adoptants que vous avez rencontrés, c’était qui ?
• Mme : Monsieur et Madame D, et on avait eu leur adresse dans la liste qui nous avait été donnée et puis
• M : on les a eus plusieurs fois par téléphone et puis ils sont passés avec leurs deux enfants
• AS : et ces contacts vous ont apporté quoi ?
• M : et bien ils nous ont remonté un peu le moral
• Mme : beaucoup même
• M : et puis ils nous ont mis en contact avec une filière pour adopter en Bulgarie parce qu’elle connaît des personnes qui ont adopté en Bulgarie, ils ont toujours un contact en Bulgarie.
• AS : et ce contact avec Monsieur et Madame D vous a redonné espoir, vous a “regonflés” un peu, et ils vous ont dit quoi pour cela ?
• M : elle nous a raconté son histoire déjà qui n’est pas évidente, donc on s’est dit "il n’y a pas que nous qui sommes passés par là" et puis il y a même pire parce qu’elle en a peut-être plus bavé que nous, et puis elle nous a parlé un peu d’adoption, et qu’il est possible de passer par des filières, c’est-à-dire que faisant partie de EFA, ils ont un réseau d’adresses, de choses, donc elle nous a demandé “vous voulez adopter où ? ”, donc on peut voir, en ce moment il y a des contacts sur tel endroit, tel pays il ne vaut mieux pas parce qu’il se passe des choses et on ne sait pas trop, voilà et puis après, elle nous a rappelés en nous disant de rappeler cette dame là-bas.
• AS : OK et la rencontre avec EFA, c’était une réunion ?
• Mme : il y avait de tout, des gens qui avaient déjà adopté, des gens qui avaient l’agrément...
• M : 80% des gens avaient l’agrément et 20% étaient en cours
• AS : et vous en avez tiré quoi de cette rencontre ?
• M : pas grand chose ; je ne me souviens même pas de ce qu’on a raconté, étant donné qu’on avait déjà l’agrément, on pensait que la réunion allait pousser un peu plus loin, et donner des indications sur tel pays
• AS : donc ce que vous alliez chercher là-bas, c’étaient des indications pratiques qui vous permettaient d’avancer pour la réalisation de votre projet.
• Mme : voilà c’est ce qu’on attendait, mais ce n’était pas l’objet de la réunion ; déjà le fait qu’il y ait des gens à tous les stades, donc chacun parle de son cas, après trois personnes ont parlé sur le pays où ils avaient adopté.
• AS : et est-ce qu’il y a des adoptants qui pour vous ont été importants ?
• Mme : qui ont été importants ? non, on ne peut pas dire, non.
• AS : et au moment où vous étiez un petit peu dans le creux de la vague, c’est-à-dire après le refus de l’association, vous avez pensé quoi ?
• Mme : moi, j’ai pensé qu’on n’y arriverait jamais, qu’on avait l’agrément mais qu’il ne nous servait à rien, on a un agrément et on va voir des associations et vous essuyez des refus qui ne sont pas toujours motivés, alors là je me suis dit “ça ne sert à rien” ; et puis après je me suis dit, “on n’a quand même pas fait toutes les démarches pour l’agrément pour laisser tomber maintenant, il faut se battre, on n’a rien sans rien”, mais c’est vrai que ça a été difficile.
• AS : et quand vous étiez dans cette période basse, est-ce que vous aviez une attente particulière ? vous attendiez quoi ?
• Mme : on attendait qu’on nous réponde positivement, qu’on prenne notre dossier
• M :moi, je dirais que je n’attendais plus rien des adoptions, des œuvres, pardon, et puis, je me suis dit la dernière solution c’est de passer en direct, de me débrouiller sans eux ; on ne voulait pas trop le faire comme ça au début, on n’avait rien, on ne savait pas trop où s’adresser, et puis c’est là qu’on a pris contact avec Monsieur et Madame D .
• AS : et pourquoi vous aviez pris contact avec eux ?
• M : pour discuter un peu, on s’est dit “on va quand même voir quelqu’un qui a adopté”
• AS : et ça c’était une adresse que vous aviez déjà depuis longtemps ?
• Mme : oui, mais disons que moi je ne voulais pas trop solliciter les personnes parce que ça m’embête de leur téléphoner, d’avoir à leur raconter tout ça...
• AS : et pourquoi ça vous embête ?
• Mme : parce que ces personnes ont fait le même parcours, elles en ont bavé comme tout le monde ; maintenant ils ont des enfants, ils ont peut-être envie de passer à autre chose ;
• AS : c’est ça. Donc vous avez reçu une feuille de la Dipas où il y avait des noms de personnes de EFA qui étaient prêtes à vous rencontrer, pour vous ça veut dire quoi que ces gens donnent leur nom ?
• Mme : c’est qu’ils veulent bien qu’on les appelle pour nous aider, pour nous donner des conseils, pour vous remonter le moral justement quand ça ne va pas parce qu’ils connaissent tout ça. Donc, c’est vrai, moi je n’osais pas trop parce que je ne voulais pas déranger
• AS : et pourtant vous saviez que c’était pour ça ?
• Mme : oui, mais on voulait d’abord se débrouiller, essayer de trouver par nous-mêmes une association, et quand on a vu comment ça se passait, on s’est dit “là, il nous faut de l’aide, il faut qu’on parle avec quelqu’un”.
• AS : OK. Avec qui vous parlez de l’adoption ?
• M : avec la famille,
• Mme : avec des collègues de travail, des amis
• AS : et si vous aviez à me dire le nombre de personnes à qui vous en avez parlé, vous me diriez combien ?
• M : une dizaine de personnes ; de toute façon on ne connaît pas beaucoup de monde, on n’a pas énormément d’amis donc...
• AS : et quand vous en parlez, vous parlez de quoi ?
• Mme : des difficultés qu’il y a
• M : de là où on en est à ce moment là, des démarches qu’il y a à faire...
• AS : si vous aviez un conseil, une demande, vous la feriez à qui ?
• M : concernant la façon ?
• AS : n’importe quel conseil.
• M : ça dépendrait de la question quand même.
• Mme : ce serait soit à la Dipas, soit à des personnes qui ont adopté
• M : à Monsieur et Madame D ou à un couple qui a justement adopté en Bulgarie
• AS : et ce couple a accueilli un enfant qui avait quel âge ?
• M : deux enfants, ils ont adopté deux enfants, la dernière a à peu près six ans ; on doit bientôt les rencontrer.
• AS : et Monsieur et Madame ont adopté des enfants qui avaient quel âge ?
• M : les enfants avaient à peu près trois ou quatre ans
• AS : et ça vous a fait quoi de voir qu’un gosse pouvait être adopté à cet âge ?
• Mme : on savait
• AS : et quand vous disiez que vous iriez demander un conseil soit auprès de l’assistant social, soit auprès de quelqu’un qui a adopté, est-ce qu’il y a des choses que vous ne demanderiez qu’à l’assistant social et d’autres qu’à des personnes qui ont adopté ?
• Mme : oui, à l’assistant social, ce serait plutôt question procédure, légalité, des choses comme ça parce qu’on veut rester dans ce qui est légal parce que par le biais de personnes, on ne sait pas trop où on va tomber et on veut que notre dossier soit clair, ou des choses qui nous paraissent un peu louches, on en parlerait ; et avec les adoptants ce serait peut-être des choses plus terre à terre, des questions comme “la première fois qu’on va le voir, est-ce qu’on peut le prendre en photo ? est-ce qu’on peut lui amener des jouets ? ”
• AS : et pourquoi vous iriez chercher des réponses à ces questions auprès des personnes qui ont adopté ?
• Mme : parce qu’elles savent, elles l’ont vécu. , c’est les mieux placées pour nous répondre correctement
• M : la Dipas, en fait, c’est tout ce qui concerne les procédures et la légalité sur le territoire, avant et après que l’enfant soit là, et les adoptants c’est la recherche et la prise de contact avec l’enfant, dans le pays concerné ; sur le territoire français la Dipas et à l’étranger les adoptants.
• AS : et pourquoi finalement vous n’avez pas téléphoné à l’assistant social quand vous étiez dans le creux de la vague ?
• Mme : il n’aurait pas pu
• M : je ne sais pas si c’était son boulot, je ne sais pas s’il avait le temps de remonter le moral des gens, je ne pense pas que ce soit son travail.
• AS : c’est votre point de vue ?
• Mme : non, parce que quand on est revenu de rencontrer l’association, moi j’ai dit “je lui téléphone, c’est pas normal des choses comme ça”
• M : c’est bien ce qu’on a fait. On lui a écrit en lui disant “voilà le résultat de nos démarches”.
• Mme : et il a eu quand même une oreille attentive, il a répondu comme quoi il prenait bien compte de nos remarques et qu’il ne manquerait pas de les signaler à la prochaine réunion, donc je lui fais confiance, on ne va pas tomber dans les oubliettes et il va le signaler qu’il y a des problèmes avec cet œuvre...
• AS : donc il y a une part où vous vous dites “ce n’est pas son travail” et une part où vous vous dites qu’il peut faire quelque chose.
• Mme : en fait, on ne sait pas trop si on peut l’appeler pour ça
• M : oui, on ne sait pas trop. Mais c’est vrai que la réponse qu’on a eue par courrier, ça a remonté le moral de ma femme, mais de là à lui téléphoner et ou de l’avoir en entretien pour se lamenter et se faire remonter le moral ; je n’irais quand même pas jusque là pour ça
• AS : alors que vous iriez plus volontiers voir des parents adoptants ?
• M et Mme : oui
• M : s’il y a quelque chose qui ne va pas ou qui cloche, à ce moment on se rapproche des parents adoptants, bon “ça, est-ce que vous l’avez eu, est-ce que vous connaissez ? ”.
• AS : et c’est le fait qu’ils soient parents adoptants qui fait que vous vous sentez plus proches ?
• Mme :sans doute oui, oui...
• M : ils sont passés par ce qu’on devrait passer, nous, alors. ils ont enduré les mêmes problèmes.
• AS : OK. Et est-ce que, à l’inverse, vous avez rencontré des personnes qui précisément ont été pour vous un contre modèle, ou ce qu’il ne faudrait pas faire ?
• M : Non, pour l’instant, non
• AS : est-ce que vous avez l’impression que certaines familles, personnes ont été importantes pour vous, pour votre projet ?
• M : non personne en particulier
• Mme : non, parce que c’est une décision qu’on a prise tous les deux, sans en parler à qui que ce soit. Non, c’est nous les plus importants.
• M : moi, je dirais que la personne la plus importante, c’est ma femme.
• AS : donc ça c’était au début quand vous avez pris la décision d’adopter, et maintenant, est-ce qu’il y a des personnes qui sont importantes pour votre projet d’adoption ?
• Mme : oui, la dame avec laquelle on est en contact et qui a adopté sur la Bulgarie, qu’on n’a pas encore vue ; Monsieur et Madame D. aussi parce qu’ils sont très dynamiques, ils peuvent vous remonter le moral, et vous présenter les choses telles qu’elles sont, même si c’est difficile.
• AS : et pourquoi ce sont des gens importants ?
• Mme : parce qu’ils sont de bons conseils, ils vous aident moralement, ils ont vécu tout ça donc ils vous comprennent vraiment très bien ; et même quelquefois Monsieur et Madame D. ils voyaient tout de suite que ça n’allait pas, sans que je dise...
• AS : quelle différence y aurait-il, d’après vous entre le fait d’être parents et le fait d’être parents adoptants ?
• Mme : il n’y en a pas, ce sera notre enfant et puis c’est tout, si ce n’est la paperasserie qu’il y a avant, elle est là la différence, c’est tout. Après, il est à nous.
• M : sinon, ce n’est pas la peine d’adopter.
• AS : OK. Comment vous pourriez qualifier les relations que vous avez eues avec les professionnels de la Dipas ?
• Mme : nous, on était tendu, anxieux au début. Et puis après, tous les gens qu’on a vus, je les ai trouvés très bien.
• M : Effectivement, ce sont des gens accueillants et sympathiques, c’était dans un cadre professionnel quand même
• AS : un cadre professionnel, ça veut dire ?
• M : c’est quand même strict, un peu sévère quand même, on n’est pas là pour rire, mais on peut parler quand même...
• AS : quand vous dites un “cadre professionnel”, ça ne déborde pas ce cadre sérieux ?
• M : non, très professionnel.
• AS : et si vous aviez une demande à faire à la Dipas aujourd’hui, ce serait laquelle ?
• Mme : il faudrait que les procédures soient beaucoup moins compliquées, moins longues.
• M : actuellement, je ne pense pas qu’on ait quelque chose à demander à la Dipas, maintenant si le projet se concrétisait là tout de suite, vraisemblablement des renseignements d’ordre administratif, ou des papiers à faire...
• AS : donc, vous n’avez pas de demande particulière, mais est-ce que vous attendez quelque chose de la Dipas ?
• M : non.
• Mme : est-ce qu’on peut demander par exemple : est-ce qu’on peut faire quelque chose d’autre, maintenant qu’on a eu des réponses négatives des œuvres, qu’est-ce qu’il faut faire quand on en arrive là ? ” Mais est-ce que la Dipas a le droit de nous donner ce genre d’informations ?
• M : moi, je ne pense pas que je m’adresserai à la Dipas, parce que la Dipas ce n’est pas une œuvre ou un carnet d’adresse, donc...
• AS : voilà, pour vous aujourd’hui l’important est d’arriver à réaliser cet accueil ?
• M : c’est ça et quand on sera prêt à le réaliser, on reprendra certainement contact avec la Dipas, en disant “voilà, ça va se réaliser” et une fois que l’enfant est là, la Dipas on la verra plus souvent ; c’est plus les familles adoptives qu’on a connues, ce sera la Dipas qui prendra le relais.
• AS : c’est ça, il y a un relais qui se met en place.
• M : oui, il y a la Dipas pour l’agrément, les familles adoptives pour l’adoption, de nouveau la Dipas quand l’enfant est arrivé.
• AS : est-ce que vous êtes adhérents à d’autres associations ?
• M : non
• AS : et vous disiez tout à l’heure “on en a parlé” ; à quoi ça sert d’en parler ?
• Mme : qu’on n’est pas tout seul, déjà, c’est ce qu’il faut se dire et puis que tous ceux qui sont là comme nous, et bien ils subissent les mêmes choses, ils sont dans les mêmes attentes, les mêmes angoisses
• M : et puis se mettre mentalement dans l’adoption
• AS : OK, et quand par exemple vous en parlez entre vous, vous parlez de quoi ?
• Mme : moi, ce que je dis souvent, c’est quand est-ce qu’il sera là ce petit ?
• M : elle le voit déjà, moi, je ne le vois pas
• AS : et le fait d’en parler ensemble, ça vous sert à quoi ?
• Mme : de faire des projets et puis c’est notre but, ça sert à nous rassurer.
• M : ça concrétise un petit peu le projet, c’est un échange et puis on se soutient.
• AS : donc actuellement, vous êtes en contact avec un couple qui a adopté en Bulgarie, qu’est-ce qui vous permet de leur faire confiance et de faire confiance à leur intermédiaire en Bulgarie ?
• M : les recommandations des adoptants ici qui sont passés par cet organisme ; avoir des renseignements sur les personnes.
• AS : et si on vous proposait un enfant, est ce que vous aurez l’impression d’avoir une décision à prendre ?
• M : et bien oui, si on nous propose un enfant, on ira d’abord le voir, après s’il n’a pas de problème et s’il correspond à notre demande, à notre souhait, que tout est bien, tout est correct, on dira certainement oui, on prendra une décision sur place.
• AS : et ce qui vous permettrait de prendre la décision ?
• M : et bien que ça corresponde à notre demande, et si c’est bien clair et net et bien on y va.
• AS : et supposez : vous allez dans un orphelinat, on vous présente un enfant qui correspond à celui que vous souhaitiez accueillir, l’orphelinat vous demande de donner 50000 f en plus de ce qui était prévu pour faire tourner l’orphelinat, vous faites quoi ?
• Mme : si c’est pour les enfants de l’orphelinat, je dis oui et on donne ; si c’est pour mettre dans sa poche, c’est non.
• M : on demandera les coordonnées bancaires de l’orphelinat et on versera l’argent par chèque, mais pas au nom de Monsieur Un Tel.
• AS : pour vous, le terme accompagnement signifie quoi ?
• M : un soutien
• Mme : une aide
• AS : que les futurs parents adoptants soient accompagnés, ça vient vous dire quoi ?
• Mme : être suivis, aidés
• M : avoir un interlocuteur si on a une question ; avoir un tuteur ou un parrain.
• AS : et qui pour vous serait le mieux placé pour faire ce travail d’accompagnement ?
• M : tout dépend pour quoi il faut accompagner, ça dépend des phases. On ne peut pas demander à une personne qui n’a pas été confrontée au problème ou qui n’est pas dans l’environnement de vous donner un coup de main, elle serait incapable ; il faut que ce soit une personne qui sache de quoi on parle, qui ait vécu ce genre de choses, qui professionnellement ou. AS : et pour vous qui serait alors la personne qui serait la mieux placée ?
• M : dans la phase de recherche ? Je pense que ce sont les familles adoptives, dans cette période-là, il n’y a qu’eux.
• AS : votre mari dit que pour accompagner, il faut avoir vécu, il faut une forme d’expérience que n’auraient pas les professionnels de la Dipas ; cette notion d’expérience est différente pour vous ?
• Mme : l’assistant social n’a peut-être pas adopté mais il va dans les hôpitaux ou dans les orphelinats, donc il serait tout à fait capable d’accompagner pour ces démarches là.
• M : bien sûr, le fait de côtoyer des gens qui adoptent, qui ont adopté, il doit connaître le problème, donc il est compétent, mais pour une adoption sur la France ; le fait d’adopter à l’étranger, il y a des façons de faire, des lois qui sont différentes, s’il n’y est pas allé, je ne pense pas qu’il puisse... une famille qui est allée là-bas sera mieux à même de renseigner...
• AS : mais néanmoins ce n’est pas auprès de lui que vous êtes allés en premier ?
• Mme : non, ça ne rentre pas dans le cadre de son travail ; on ne sait pas jusqu’où on peut aller vers lui
• M : on est allé vers des personnes qui ont adopté ; d’abord parce que, on pouvait discuter de ce qu’ils avaient fait, où ils avaient adopté, et en fonction de ça est-ce que c’est dans les pays où on souhaite adopter aussi, avec ça on a discuté et si ça correspond, ils peuvent nous renseigner, nous donner des contacts, nous dire “il faut faire comme si ou comme ça”, donc c’est pour ça que c’est les premières personnes à contacter.
• AS : OK. Je reviens à une des premières questions ; vous avez pensé comment à l’adoption ?
• M : c’est au fur et à mesure des examens, on a commencé à en parler ; on savait que ça existait.
• AS : et quelles sont les personnes en qui vous avez le plus confiance pour réaliser votre projet d’adoption ?
• Mme : c’est mon mari
• M : oui, mari et femme
• AS : donc vous comptez d’abord sur vous ?
• M : oui, c’est notre projet, la famille nous soutient, mais c’est notre projet.
• Mme : c’est ça il ne faut compter que sur nous-mêmes
• M : oui, dans la vie on ne peut compter que sur soi, pour être bien servi.
• Mme : personne ne va faire les démarches pour nous, à notre place ; d’abord on ne voudrait pas, c’est à nous de le faire.
• M : qu’on nous donne des conseils, des orientations, c’est bien mais...
• AS : et est-ce qu’il y a d’autres personnes en qui vous auriez confiance ?
• M : d’autres familles adoptives.
• Mme : et puis forcément une intermédiaire qui nous représentera dans le pays.
• AS : et cette confiance, vous allez pouvoir la donner comment ?
• M : par des conversations avec d’autres familles adoptives qui sont déjà passées par là, et quand on ira sur place, on se fera vraiment une idée en voyant ces personnes.
• AS : bien. Vous souhaiteriez me dire autre chose ?
• Mme : oui, je souhaite que vos enquêtes servent à quelque chose, qu’on nous écoute. Que l’agrément soit plus court ; bien sûr l’agrément dure neuf mois, mais pourquoi toujours faire un lien ?
• AS : et pour vous donc l’agrément correspond avec ses neufs mois à une grossesse, est-ce que vous avez cette impression ?
• M : non, c’est plutôt maintenant
• AS : donc l’agrément correspond à quoi ?
• Mme : sans lui, on ne peut pas, c’est un passage obligatoire
• AS : et donc si l’agrément n’est pas le temps de la grossesse, il correspond à quoi ?
• Mme : c’est notre droit pour adopter.
• AS : OK. Merci à vous pour cet entretien.