Entretien n° 16. Monsieur et Madame MONTERRAT : « Les professionnels… c’est vrai que sortis de l’agrément… ».
- AS : donc vous avez demandé un premier agrément adoption, en 97, pourquoi ?
- Mme : oui, 97, parce qu’on voulait adopter un enfant
- AS : vous ne pouviez pas en avoir ?
- M : non,
- Mme : on avait fait les FIV avant, ça avait échoué, les quatre avec donneur.
- AS : c’est vous qui êtes stérile
- Mr : oui, c’est ça
- Mme : donc on a fait quatre FIV, avant on avait fait des inséminations, cinq ; la première je l’ai faite à 23 ans, la dernière FIV en décembre 96.
- AS : donc quand vous avez eu l’agrément, vous aviez terminé les FIV et vous n’avez pas repris ?
- Mme : non
- AS : OK. Ce n’était plus important ou vous en aviez marre.
- Mme : disons qu’il arrive un moment où les échecs ne sont pas évidents à supporter.
- AS : pour qui c’était le plus dur ?
- Mme : pour moi ?
- AS : et pour vous ?
- M : silence
- AS : et vous aviez accepté comment les inséminations avec donneurs ?
- M : normal, c’était un peu difficile au départ, et puis après quand on veut un enfant, on fait ce qu’il faut pour.
- AS : vous n’y repensez plus ou comment vous avez réagi ?
- r : c’est les problèmes de la nature.
- AS : quand vous avez fait la demande d’agrément, vous aviez une idée de l’enfant que vous souhaitiez accueillir ?
- Mme : on était parti sur le Brésil quand on a fait la demande, parce que le frère de mon père connaissait quelqu’un là-bas qui s’occupait d’adoption, et cette personne est rentrée en France quelques mois après, donc on ne pouvait pas du tout, d’autant plus que je m’étais renseignée auprès de la MAI, et c’était très compliqué, très long et très cher. Donc, on s’est dit “on va se tourner vers un pays de l’Est”.
- AS : et quand vous faites la demande d’agrément, c’est-à-dire au printemps 97, vous aviez rencontré le couple Dupuis, vous pensiez accueillir quel enfant ?
- Mme : disons qu’on ne voulait pas faire le même cheminement qu’eux, partir au Vietnam, on ne se sentait pas capables déjà, pour leur petite, ils nous ont dit qu’ils connaissaient un peu la famille, les parents d’origine de la petite, qu’ils avaient rencontrés, et nous ça on ne le voulait pas. Et puis financièrement, ce n’était pas possible non plus. Nous, on voulait que notre enfant soit abandonné avant, que sa mère l’ait abandonné avant.
- AS : et le fait de les rencontrer fin 96, avant de demander l’agrément, ça vous a apporté quoi à vous ?
- M : ça nous a bien aidés, mais on a vu que c’était quand même un peu compliqué, c’est pas évident l’adoption ; et puis après on s’est lancé.
- AS : et par rapport à l’âge de l’enfant, vous aviez une idée ?
- Mme : pas du tout, en fait l’agrément français donnait pour un bébé de zéro à deux ans. Donc c’est large. Un bébé de trois mois et un bébé de un an et demi, ce n’est pas du tout pareil ; on les élève pas pareil, on les prend pas pareil, tout ce qu’il a vécu avant c’est...
- AS : donc vous étiez prêts à adopter un enfant qui ait moins de deux ans ?
- Mme : voilà.
- AS : et cette possibilité de devenir parents qui ne soit plus vraiment un bébé, elle vous était venue comment ?
- Mme : et bien en fait, on a dit un bébé pour l’agrément et le médecin psychiatre nous avait dit qu’un bébé, c’est de zéro à deux ans, donc voilà on s’y est mis en tête. S’ils nous avaient dit de zéro à un an, on aurait dit oui (rire) ; enfin c’était quand même le plus jeune possible, moi j’en avais besoin de câliner, de...
- AS : et par rapport à l’idée que vous vous faisiez de l’enfant, les choses étaient établies au moment de l’agrément ?
- Mme : oui, tout à fait.
- AS : et un garçon ou une fille ?
- Mme : non peu importe.
- AS : et par rapport à son origine ?
- Mme : nous, on ne voulait pas un enfant de couleur, on voulait pas que ça lui pose des problèmes ; si un jour Paul ne veut pas dire qu’il est adopté, il faut qu’il ait le choix ; vu sa couleur de peau, son teint, c’est lui qui décidera ; si lui il a envie de le dire ; on ne voulait pas que ça pose un problème pour lui après.
- AS : ce qui veut dire que vous ne souhaitiez pas aller au Vietnam ?
- Mme : pas du tout
- AS : et au Brésil ?
- Mme : il y en a qui sont typés, d’autres pas du tout, il y en a même qui sont blonds.
- AS : donc allant au Brésil, vous n’auriez pas retenu une proposition d’un enfant qui ne soit pas blanc ?
- Mme : tout à fait, on voulait qu’il soit européen.
- AS : comment vous avez vécu la première procédure d’agrément ?
- Mme : franchement, et bien pas top. Je trouve, bon c’est vrai qu’il faut raconter notre vie, mais on ne nous aide pas beaucoup ; je veux dire que vous êtes là, vous posez des questions, mais après rien. Et nous en tant que parents adoptants, on attendait plus de
- M : plus encadrés
- Mme : voilà.
- AS : à quel moment vous attendiez d’être plus “encadrés ? »
- Mme : pendant et après. Parce que quand on a vu l’assistant social, il ne prend pas des gants, c’est vrai que l’adoption c’est pas quelque chose de...
- M : à la légère
- Mme : mais si les couples n’ont pas vraiment envie, quand on sort de chez vous, on n’a plus envie. Bon, la première fois, on ne connaît pas, ça intimide pas, mais ça bloque, les questions personnelles ; après ça va, mais au début...
- AS : donc cette procédure d’agrément, ça a surtout été pour vous des questions, des réponses ?
- Mme : oui, mais moins le psychologue, quand on l’a vu la première fois, il nous a gardés pendant quatre heures, on a fait deux rendez-vous en un, et il nous a plus parlé de l’adoption, comment réagir avec les enfants, comment plus.
- AS : donc là il n’était plus vraiment dans une phase purement d’évaluation, il était déjà dans ?
- Mme : comment il fallait que l’on soit avec l’enfant, comment certains réagissaient.
- AS : donc pendant cette phase d’agrément vous auriez attendu plus de choses ?
- M : plus d’encadrement, mais vous n’êtes peut-être pas assez nombreux ; et heureusement qu’on a trouvé des autres familles qui aident, autrement on aurait été…, enfin tout le monde... , tous ceux qui ont leur agrément français, après ils sont lâchés dans la nature.
- Mme : tout à fait, la MAI, c’est pareil, ils envoient des courriers et puis “débrouillez-vous”
- AS : donc cet agrément c’était une forme de préparation, déjà pour vous ?
- Mme : non, on ne s’attendait pas trop à ça, on attendait le résultat de notre examen, c’est tout, d’avoir l’agrément, que vous l’acceptiez, mais ce n’est pas quelque chose qui nous a changés.
- AS : donc, ce qui aurait pu vous être donné, ce sont des informations, des conseils ?
- Mme : moi, ça m’a a rappelé quand j’ai commencé les démarches pour les FIV, on était des numéros et pour l’agrément c’est pareil. La première fois qu’on est venu à la Dipas, on était cinq couples, on a vu le film, c’étaient que des échecs qu’on a vus, c’était pas évident et en plus ceux qui étaient avec nous, c’était des gens d’un certain âge, on était les seuls jeunes, on était autour de la table, mais il n’y a pas eu de contacts.
- AS : et pour vous, il y a une différence entre le fait d’être parents et le fait d’être parents adoptants ?
- Mme : non ; pas du tout, aucune.
- M : pareil
- AS : et vous pensez qu’on peut se préparer à être parents adoptants ?
- Mme : non.
- AS : vous êtes très catégorique ?
- Mme : tout à fait. Parce que dans les deux ans d’attente de Paul, on s’est posé plein de questions, que tout le monde se pose, je suppose, on a des connaissances de couples qui attendent et qui se posent les mêmes questions.
- AS : et lesquelles par exemple ?
- Mme : est-ce que l’enfant va nous aimer, est-ce que nous on va l’aimer, est-ce que je vais penser que c’est mon enfant tout de suite ? Et le jour où on me l’a donné, où j’ai eu Paul dans mes bras, c’était moi, c’était le mien. Après, on en cause plus.
- AS : c’est ça, donc, à ce moment vous n’avez plus peur ?
- Mme : et bien on est allé le voir fin janvier, quand je l’ai pris dans mes bras, toutes mes angoisses... eh bien, je me suis dit “c’est mon fils”.
- AS : et avec qui vous en parliez ?
- Mme : avec mon mari, avec mes parents, mes sœurs, ma belle-sœur. Voilà, mais je pense qu’on se pose les mêmes questions que quand on attend un enfant, c’est les mêmes questions, “ est-ce que ça va se passer normalement”.
- AS : et pour vous ?
- M : oui, on en parlait ensemble.
- Mme : tous les soirs, ça aide, à préparer la famille, le cocon familial et puis à savoir ce qu’on va faire, c’est notre enfant.
- AS : vous avez eu quelle réaction quand vous avez reçu l’agrément ?
- Mme : contents, en plus c’était le samedi et on était allé faire des courses, et il a fallu qu’on attende le lundi pour avoir notre agrément ; tout le week-end, on avait les boules ; ça a été un peu long.
- AS : et cet agrément représentait quoi ?
- Mme : la dernière chance, on ne peut pas dire autre chose, c’est la dernière chance d’avoir un enfant.
- AS : donc vous avez actuellement un agrément, et vous faites quoi avec cet agrément ?
- Mme : on a cet agrément en octobre, on en parle à maman, j’ai demandé des dossiers pour la Roumanie, la Russie, et ensuite on a connu Marie qui nous a envoyé le dossier de la petite et donc ça y est, on est parti ; en janvier on envoie tout, en février on a l’agrément ukrainien, comme quoi on était accepté, et on était le numéro 85 et il fallait compter entre un an et demi et deux ans.
- AS : et pour arriver jusqu'à Paul, quelles ont été pour vous les personnes les plus importantes ?
- M : Marie et Georges et puis notre intermédiaire.
- Mme : et j’appelais chaque lundi pour savoir si ça avançait.
- AS : et vous téléphoniez à votre intermédiaire donc, vous deviez lui ”casser les pieds ” à lui téléphoner tous les lundis ?
- Mme : pas du tout, c’est une personne géniale et elle ne nous a jamais envoyés promener et pendant neuf mois, de mai à janvier de l’année suivante, j’appelais tous les lundis.
- AS : c’est vous qui téléphoniez, et pas vous ?
- M : non, mais j’étais à côté.
- AS : et vous demandiez quoi ?
- Mme : où en était mon dossier, comment ça se passait dans le pays, quel temps il faisait, tout quoi.
- AS : c’est une personne en qui vous aviez une confiance ?
- Mme : absolue.
- M : sans l’avoir jamais vue
- AS : et cette confiance absolue, elle était née comment ?
- Mme : peut-être comme Marie et Georges nous en ont parlé.
- AS : et ces personnes, vous avez confiance en elles parce que ?
- Mme : et bien parce qu’on est sûr d’eux ; sans eux on n’aurait pas eu Paul, c’est vite fait, on n’aurait pas pu adopter ; ils ont toujours été là, quand j’avais un moment de blues, eux aussi je les appelais et ils étaient toujours là ; ils ne m’ont jamais envoyée promener non plus.
- AS : cette oreille attentive, vous l’avez recherchée d’abord auprès de ces personnes-là ?
- Mme : bien de toute façon il n’y a personne d’autres ; c’est ce que je regrette par rapport à ce rôle, parce que, après l’agrément, plus de nouvelles.
- AS : et vous auriez attendu quoi ?
- Mme : pas ce qu’ils nous ont apporté parce que vous n’auriez pas pu, trouver des pays d’adoption, tout ça, mais je ne sais pas, quelque chose.
- M : un encadrement
- Mme : ou, “vous avez trouvé un pays, comment ça se passe ? ”. Une attention, c’est vrai que l’agrément, c’est bien, mais s’il n’y a pas les autres couples qui ont adopté, il y en a qui doivent attendre un certain nombre d’années.
- AS : si vous aviez à dire à qui vous avez fait le plus confiance pour accueillir Paul ?
- Mme : Marie et Georges.
- AS : avec qui vous parlez le plus facilement de votre projet d’adoption ?
- M : avec tout le monde
- Mme : à la famille, aux amis
- AS : et ça représente combien de personnes ?
- Mme : nos deux familles, et notre couple d’amis, une dizaine de personnes, c’est tout.
- AS : est-ce que vous avez rencontré des personnes qui étaient ou avaient fait exactement l’inverse de ce que vous souhaitiez ?
- M : non
- AS : le couple Dupuis qui a adopté un bébé au Vietnam, il a eu une importance pour vous ?
- Mme : c’est eux qui nous ont... quand on est sorti, on s’est dit “c’est bien”, c’est un aboutissement.
- AS : et en même temps ils vous ont montré que ce n’était pas facile, en même temps l’espoir et en même temps. ?
- Mme : que ça n’arrive pas tout seul.
- AS : comment vous pourriez qualifier les relations que vous avez eues avec les professionnels ?
- M : professionnelles, pas comme avec des amis
- AS : professionnelles ça veut dire ?
- M : qu’il fait son travail, mais pas plus.
- Mme : que, au deuxième agrément, ce n’était pas pareil. Déjà, quand l’assistant social est venu après l’arrivée de Paul, là il avait déjà changé, peut-être un peu plus naturel, différent quoi. Peut-être parce que Paul était là, il était content pour nous, c’est vrai que quand on lui avait dit qu’on avait choisi l’Ukraine, il n’était pas très chaud, il pensait que ce n’était pas très légal quoi.
- AS : en tout cas, vous avez senti ça ?
- Mme : tout à fait, on a senti qu’il n’avait pas confiance dans ce pays là et pourtant on a toujours respecté ce qui était marqué, on n’a jamais sorti un centime de plus que ce qui était marqué, on a eu des factures pour tout.
- AS : et quand vous dites que l’assistant social n’était pas le même pour le deuxième agrément ?
- Mme : il était plus accueillant
- M : moins froid, plus chaleureux, peut-être qu’il était plus en confiance.
- Mme : et c’est vrai que nous parents adoptants, quand on se lance dans l’agrément, on ne fait pas cela à la légère, mais si on m’avait dit non, il y a de quoi faire une tentative de suicide.
- AS : ce qui est un peu étonnant, y compris pour le deuxième agrément, c’est qu’on vous a dit à la Dipas, l’assistant social vous l’a dit aussi, que nous étions toujours disponibles pour vous rencontrer, mais finalement ce n’est pas quelque chose que vous avez retenu ?
- Mme : non, vu comme il était, un peu froid, ça ne donne pas envie d’appeler après, c’est peut-être pour ça qu’on ne vous a pas appelé, je pense que c’est pour ça. C’est vrai que quand on sent que quelqu’un ne vous attend pas, et bien... c’est vrai qu’on n’est pas tout seul et qu’il a beaucoup de travail mais... il manque quand même un petit suivi. Après, quand vous savez que les personnes ont l’agrément, il manque quelque chose, peut-être un autre qui fasse le contact, je ne sais pas.
- AS : donc vous êtes adhérent à EFA, et vous y avez trouvé quoi ?
- Mme : rien.
- AS : dans l’Ain ? Mais en Ardèche, vous y avez trouvé quelque chose ?
- Mme : oui, mais l’Ardèche ce n’est pas EFA.
- AS : c’est un réseau de EFA ?
- Mme : oui, mais dans l’Ain, on est allé aux réunions, mais dans l’Ain, c’est la Russie et Madagascar ; les autres pays n’existent pas.
- AS : et vous attendiez quoi de ces rencontres avec EFA ?
- Mme : moi, je pensais que EFA, ça parlait de tous les pays d’adoption, que eux pouvaient nous aider à aller dans le pays que l’on souhaitait, les démarches mais...
- AS : donc vos attentes étaient des informations, des précisions qui vous permettent de vous orienter vers tel ou tel pays ?
- M : voilà.
- AS : vous n’avez pas attendu de ces rencontres des discussions, des échanges sur... ?
- Mme : sur les enfants ? Mais je pense qu’élever un enfant, tout le monde l’élève pareil, qu’il soit adopté ou pas adopté. Moi, sur l’éducation de mes enfants, c’est à moi de décider, qu’il soit biologique ou pas, c’est pareil.
- AS : donc ce que vous allez chercher à EFA c’est ?
- M : l’encadrement, de nous guider ; de savoir où on met les pieds.
- AS : je reviens un peu en arrière ; donc par rapport à vos amis d’Ardèche, c’était des amis à vos parents ?
- Mme : en fait ils avaient une amie commune que mes parents connaissaient ; une amie d’enfance de maman, elles ont été élevées toutes les deux, et pour son travail elle était partie en Ardèche ; et elle avait connu Marie et Georges, et Marie était stérile, elle le savait depuis son enfance qu’elle ne pourrait jamais avoir d’enfant, elle avait quelque chose qui était irrémédiable ; et il y a six ans, ils ont demandé l’agrément pour adopter un enfant ukrainien, parce qu’en Ardèche il y a une grosse association, et il y a beaucoup d’enfants ukrainiens, énormément, par rapport à EFA justement, qui sont beaucoup sur l’Ukraine ; il y a une soixantaine d’enfants qui sont arrivés d’Ukraine.
- AS : donc on a l’impression que c’est un peu par zone géographique, l’un le dit à l’autre, qui va le dire à un troisième etc...
- Mme : oui, parce que dans l’Ain, il n’y en avait pas ; pour demander l’agrément ukrainien, je suis allée à Lyon apostiller tous les papiers et j’étais la première dans la région.
- AS : le premier couple de parents adoptants que vous avez rencontrés, c’est qui ?
- Mme : Monsieur et Madame Dupuis, un an avant, en décembre on les a vus, en avril on a fait les démarches pour l’agrément français, et l’année d’après, au mois de décembre, je me suis mise en rapport avec les amis d’Ardèche.
- AS : donc Monsieur et Madame Dupuis sont les premiers adoptants que vous avez rencontrés, et vous aviez eu leurs coordonnées comment ?
- Mme : notre garagiste, parce qu’ils vont faire réparer leur voiture là-bas, et ils venaient d’avoir leur petite fille ; ça s’est passé comme çà.
- AS : et quelle importance vous pensez que les Dupuis ont eue dans votre cheminement ?
- Mme : et bien disons qu’ils nous ont donné envie, ils nous ont parlé de leur voyage au Vietnam, tout ce qui s’est passé là-bas, parce que la petite quand ils l’ont eue, elle avait un mois, c’est vrai que quand on est allé les voir, elle était tout bébé, ils étaient revenus depuis quinze jours, elle était toute petite.
- AS : vous pensez que c’est ça qui vous a aidés à prendre la décision de demander un agrément ?
- Mme : non, parce qu’on l’avait prise avant, mais on a fait la demande après.
- AS : donc au moment où vous rencontrez le couple Dupuis, vous aviez déjà pris la décision de demander un agrément.
- Mme : mais eux peut-être ils nous ont quand même plus poussés, plus donné envie.
- AS : et le fait de les rencontrer ?
- Mme : on s’est dit “pourquoi pas nous ? ”. Parce que c’est vrai que dans ma famille, ma cousine a été adoptée, elle a deux ans de moins que moi, elle a été adoptée à trois mois en France et on l’a toujours su, donc c’est vrai que l’adoption c’est pas quelque chose que je ne connaissais pas, on avait vu, on savait ce que c’était.
- AS : est-ce que vous avez rencontré d’autres couples ?
- Mme : non, autour de nous, enfin dans la région, on ne connaissait pas de couple qui avait adopté, à part ma famille, mais à trente ans de ça, c’est pas du tout pareil ; ça a été le premier couple et après donc on fait les démarches pour l’agrément français en avril, en décembre on appelle Marie et Georges, le couple de l’Ardèche qui nous envoie tous les papiers, et au mois de juillet, on est allé chez eux pour voir leur fils qui allait avoir un an ; et entre décembre et juillet, on s’appelait tous les quinze jours, sans se connaître.
- AS : donc ces amis d’Ardèche, vous les avez rencontrés grâce à vos parents ?
- Mme : voilà. C’était une amie commune d’une amie de ma mère.
- Mme : donc c’était en Ukraine un jugement plénier comme en France, donc il n’y avait pas de problème ; et la MAI, vu que le Consul devait changer, cette charmante dame voulait poser des problèmes parce qu’elle ne voulait pas que les enfants d’Ukraine quittent le pays, donc ça lui posait problème qu’un couple adopte un bébé de trois mois ; donc mon fils venait d’avoir trois mois et elle ne voulait pas que la MAI nous donne le visa ; il a fallu que je prouve qu’il y avait déjà des enfants qui étaient sortis de moins de trois mois, une semaine au téléphone, entre l’Ukraine et la MAI, au moins quatre ou cinq fois par jour ; et là j’ai appelé EFA et EFA m’a dit “démerdez-vous». Et là, il n’y a personne.
- AS : et toujours pour les mêmes raisons, il ne vous est pas venu à l’idée de téléphoner à la Dipas par exemple.
- Mme : non parce que la MAI me disait que j’avais tort, donc il a fallu déjà que je fasse traduire moi une loi d’Ukraine, que je trouve des parents français qui ont sorti des enfants de moins de trois mois, et que je le prouve à Madame le Consul et à la MAI qu’ils l’avaient déjà fait : c’est un comble.
- AS : donc vous vous tournez du côté des parents adoptants de EFA qui vous disent “démerdez-vous”, vous ne pensez pas à vous tourner vers la Dipas parce que vous ne pensez pas qu’on y puisse faire quelque chose ; donc vous vous êtes débrouillés seuls.
- Mme : on s’est débrouillé.
- AS : et est-ce qu’il y a des précisions ou des demandes que vous ne feriez qu’à des parents adoptants, à des amis et d’autres qu’à des professionnels ?
- Mme : les professionnels donc la Dipas, c’est vrai que sorti de l’agrément
- M : on n’y a pas pensé
- Mme : comme ça a été présenté, le groupe de la Dipas, c’est vrai que sorti de l’agrément, je n’aurais pas pensé téléphoner pour, même pour le jugement plénier, c’est moi qui ai téléphoné au Tribunal de Grande Instance pour leur demander tout, je me suis débrouillée quoi.
- AS : finalement c’est un regret que vous avez ou si vous êtes finalement assez fiers de vous être débrouillés tout seuls.
- Mme : oui, mais de toute façon, on n’a pas le choix, on l’a fait.
- M : mais quand on a eu le problème, on aurait été bien content qu’il y ait quelqu’un qui nous dise...
- Mme : qu’on allait s’en sortir, parce que...
- AS : et ce quelqu’un, ça aurait pu être qui ?
- Mme : je ne sais pas, quelqu’un qui...
- M : l’assistant social si
- AS : vous auriez été bien contents ?
- Mme : ah oui parce que la semaine que j’ai passée !
- AS : et là vous n’aviez personne ?
- M : non, enfin si, nos amis d’Ardèche, Marie et Georges qui ont trouvé un couple qui avait sorti leur petit, je les ai appelés et ces gens là m’ont envoyé tous les documents le lendemain en recommandé, j’ai eu tout leur dossier d’agrément d’Ukraine, c’est pour vous dire que dans l’adoption sur qui on peut compter. Des gens que je ne connaissais pas ; ils m’ont tout envoyé et quand j’ai envoyé ça à la MAI...
- AS : actuellement vous en êtes où ?
- Mme : pour le deuxième ? L’Ukraine a été bloquée l’année dernière pendant six mois parce qu’ils veulent entrer dans l’Europe ; ils veulent refaire tout correctement les papiers, parce qu’ils n’ont pas ratifié La Haye, ils veulent la ratifier ; voilà donc ils ont tout stoppé pendant un an pour tout remettre en route ; après ça s’est ré-ouvert et les enfants recommencent à sortir ; donc elle m’a dit, au printemps ou à l’été.
- AS : donc vous allez reprendre le même chemin avec la même dame ; et je suppose que les choses vous paraissent plus faciles aujourd’hui, le chemin est tracé ?
- Mme : tout à fait, c’est plus facile, l’attente est moins longue puisque Paul est là ; c’est vrai qu’on n’attend pas notre deuxième enfant comme le premier.
- AS : ce n’est pas la même attente, c’est quoi qui est différent ?
- M : pendant les deux ans d’attente, c’est long.
- Mme : pour le premier c’est très dur moralement, c’est un manque qu’on ne pouvait pas combler. On est complètement dépendant du pays et on a toujours peur qu’il ferme ses frontières et de notre intermédiaire ; c’est une attente, pas l’horreur, mais...
- AS : donc en même temps, une totale confiance dans l’intermédiaire, mais en même temps une peur que l’État ne bloque la situation.
- Mme : oui, comme tous les pays.
- AS : et aujourd’hui, l’attente n’est pas vécue de la même manière ?
- Mme : le petit qui est là déjà ; et puis, on sait que ça ne s’est pas trop mal passé, et qu’on peut compter sur notre intermédiaire ; on sait que l’année prochaine, la petite sera là et puis voilà.
- AS : et vous continuez de téléphoner toutes les semaines ?
- Mme : non, mais tous les mois
- AS : et vous lui avez dit quoi avec votre deuxième agrément ? “ on souhaite accueillir un autre enfant ? »
- Mme : voilà tout à fait ; on veut un bébé le plus jeune possible ; en fait, on a envoyé l’agrément français avec une lettre.
- AS : donc plus jeune que Paul ?
- Mme : oui, mais c’est pas elle qui décide, on part pour un autre numéro d’attente, et quand arrivera notre tour on nous proposera un enfant.
- AS : et par rapport à une fille ?
- Mme : on veut une fille ; mon mari veut une fille ; moi aussi, on veut une petite fille.
- AS : donc vous l’avez dit, à votre intermédiaire ?
- Mme : oui, l’agrément ukrainien stipule que nous aurons une petite fille.
- AS : donc ça c’est au moment où votre dossier a été accepté par les autorités ukrainiennes, ils ont pris en compte le fait que vous voulez une fille ?
- Mme : voilà et sur l’agrément, il est marqué qu’on aura une petite fille de moins de deux ans.
- AS : ça veut dire quoi pour vous “encadré, suivi”, moi j’ai un autre terme, le mot “ accompagné ”
- M : moi aussi
- AS : c’est ça ?
- M : oui
- AS : vous auriez attendu quoi de la Dipas ?
- M : qu’ils nous aident, qu’ils ne nous laissent pas, et une fois qu’on a eu notre agrément, ça y est c’est fini ; ils nous auraient laissés dans la nature.
- AS : vous avez eu le sentiment d’être un peu perdus ?
- M : oui, si on n’avait pas eu nos amis, ça aurait été une catastrophe.
- Mme : et puis moralement aussi, parce que ce n’est pas évident. C’est vrai qu’avant on avait eu des échecs par rapport aux FIV, déjà moralement j’en avais pris un coup, parce que perdre des bébés, c’est pas évident, et c’est vrai que là “débrouillez-vous” et l’attente est longue ; la vie n’est pas facile et c’est quand même des échecs qu’on vit, c’est dur à vivre.
- AS : vous auriez souhaité que ce soit nous qui prenions l’initiative de vous appeler ?
- Mme : oui, tout à fait.
- AS : simplement pour prendre des nouvelles ?
- M : oui, savoir où on en est, si on a trouvé un pays, si l’attente se passe bien.
- Mme : et même pour la Dipas après, pour l’assistant social, pour les autres parents qui veulent adopter, ça peut aider les autres parents, de savoir qu’un couple a choisi l’Ukraine, comment ça s’est passé ; c’est vrai, il y a plein de couples qui viennent nous voir, on leur dit comment ça s’est passé.
- M : c’est même l’assistant social qui nous les envoie.
- Mme : je vois, on a un couple qui est venu nous voir, depuis on se voit tout le temps. Mais pour eux, heureusement qu’on est là. Le rôle que Marie et Georges ont joué avec nous, on le joue avec eux, parce qu’ils en ont besoin, je suis là, et c’est vrai que si on n’était pas là...
- M : ils auraient pété un plomb.
- Mme : les couples qui ont personne !
- AS : si par exemple il y avait des réunions qui soient organisées par la Dipas pour des couples qui ont un agrément, vous seriez venus ?
- Mme : franchement oui
- AS : et actuellement avec votre nouvel agrément ?
- M : oui, pour aider les autres, pour leur dire ce qu’on a fait.
- AS : mais alors ce ne serait pas pour vous ?
- Mme : non, pour les autres, parce que je sais que moi, j’en ai eu besoin...
- AS : et vous qu’est-ce que vous pourriez trouver à aider les autres ?
- Mme : c’est un plaisir d’aider les autres, peut-être parce que j’aime donner et partager ; surtout attendre un enfant et savoir qu’on peut compter sur quelqu’un, c’est important.
- AS : si vous n’aviez pas pu compter sur vos amis d’Ardèche, vous auriez pu compter sur qui ?
- Mme : sur pas grand monde ?
- AS : et votre connaissance de Belley, ce ne sont pas des personnes avec lesquelles vous auriez pu ?
- Mme : si, mais nous on n’était pas pour le Vietnam, eux ils font partie de EFA, on est allé à trois réunions de EFA, c’était Madagascar et laRussie ; et nous on était attiré par aucun de ces pays, donc quand on ne vous parle que de ces deux pays, vous vous sentez un peu à l’écart.
- AS : donc les relations d’amitié peut-être que vous pouvez construire avec tel ou tel couple, elles sont également fonction des affinités que vous avez avec tel ou tel continent ? Ne souhaitant pas aller au Vietnam, vous n’avez pas maintenu de relations avec les Du Puis, s’ils étaient partis dans un pays d’Europe de l’Est, vous auriez pu continuer d’avoir des relations avec eux ?
- Mme : peut-(être oui, certainement même, mais ils n’ont pas cherché non plus eux à savoir où on en était. Nous, on a un couple qui est venu nous voir l’année dernière, ils sont partis en Chine, et on s’appelle toujours au téléphone ; eux, ont cherché, nous, on a cherché. Il faut que l’attente vienne des deux côtés.
- AS : pourquoi vous êtes allés à EFA ?
- Mme : pour voir comment ça se passait, l’adoption, les pays, pour nous aider.
- AS : il y a autre chose que vous auriez aimé me dire ?
- Mme : non, mais c’est vrai qu’il y a de plus en plus de couples qui adoptent et on attend autre chose ; et avec les couples qu’on a rencontrés, on attend tous autre chose.
- AS : donc les différents points qu’on a abordés, vous avez eu l’occasion d’en parler avec d’autres ?
- Mme : oui, on attendait tous autre chose de la Dipas, mais c’est vrai qu’il faut bien faire l’agrément, mais comme beaucoup de couples, on ne le demande pas à la légère.
- AS : et vous attendez quoi ?
- M : il n’y a pas assez de suivi, après l’agrément.
- Mme : c’est assez froid, l’assistant social comme les deux autres personnes, on attendait plus de chaleur, ce petit truc qui fait que...
- M : parce que tous ceux qui viennent nous voir, c’est pareil, ils sont bien contents de nous trouver, c’est vrai que c’est ça qui fait la solidarité entre les adoptants ; on aurait un peu plus de soutien ; mais peut-être que vous n’êtes pas assez nombreux pour suivre tout le monde.
- AS : OK. Merci beaucoup pour cet entretien.