2. Des enseignants et leurs représentations de la notion de vérité.

Les questions visent successivement à confirmer ou non si la question du vrai fait partie de la préoccupation des professeurs de mathématiques. Ensuite, une question renseigne sur le sens que les enseignants accordent à la notion de vrai au sein de leur matière. Une troisième a pour but de faire émerger comment les enseignants envisagent le mode d’accès au vrai. La dernière question en leur demandant une association de mots avec le vocable vérité permet d’ébaucher en quelque sorte leur rapport au vrai (renforcé par la quatrième question).

Les réponses recueillies renforcent le fait que l’attachement à l’idée de vérité, chez les enseignants de mathématiques n’est pas un leurre .

Cet indicateur n’est pas très riche en soi, et notre attention portera sur les justifications qu’apportent les enseignants de manière à comprendre le sens véhiculé derrière cet attachement.

Les convictions qui fondent l’importance attachée à l’idée de vérité sont de tous ordres.

D’abord, sont présents des impératifs épistémologiques.

Les mathématiques sont associées à une science exacte. En mathématiques il n’y aurait pas de place pour plusieurs vérités. La vérité est vue comme principe premier des mathématiques ou enfin la vérité est appréhendée comme résultant d’un processus. Il s’agit d’une vérité spécifique en lien avec la notion de prémisse assumée.

Ensuite, il existe des convictions relevant d’une visée pédagogique ou didactique.

Cette recherche de la vérité est importante dans le développement de chaque individu. Elle contribue à l’apprentissage de la critique par le biais de l’explication .

Il existe des convictions induisant des moyens d’accès à la vérité. Appel est fait à la preuve. Référence à l’argumentation. Convocation du type de logique (« basique », binaire). Nécessité de posséder un « bagage » pour parvenir à cette vérité.

Enfin, sont visibles des convictions fondées sur la caractérisation de la vérité.

Au singulier ; relative ; locale, évolutive ; contingente de règles et théorèmes ; non apparente ; attachée à une valeur morale ; solution la plus exacte possible (comme substitut à LA vérité).

Signalons également que l’importance de la notion de vérité trouve sa justification de part son association avec le caractère outil des mathématiques.

La recherche de la vérité est alors importante en regard à ce qu’elle renvoie aussi bien dans le champ des mathématiques que dans celui de la philosophie (vérité non apparente) ou de la morale. La croyance en l’association mathématiques et vérité ressort même si les propos recueillis laissent apparaître que la vérité n’a plus un caractère absolu.

Les principaux sens accordés au mot vérité font ressortir : justesse ; universalisme ; résultat ou non d’une vérification ; en contradiction avec ses attentes ; vérité locale (voire relative) ; en référence à un modèle ; objectivité (rompt avec l’opinion ou sans nier un certain consensus) ; raison d’être des mathématiques ; « chose » dans l’absolu inaccessible ; changeante (relative aux points de départ).

La multiplicité des sens témoigne de la variété des registres dans lesquels s’inscrit le sens du mot vérité. La vérité en mathématiques est investi du pouvoir d’accès au juste et à l’universel. Elle résulte d’un processus (caractérisé par la vérification, voire le contre exemple qui pourrait être un autre type de vérification) ou s’en émancipe pour n’être perçue qu’en soi (comme non résultant d’une vérification). A contrario, la vérité est résolument associée au local, au relatif donc en étroite liaison avec les prémisses de départ (allusion au modèle) et même envisagée comme pouvant être inaccessible. Tandis que l’on voit aussi apparaître que la vérité peut être associée à la sophia, comme une rupture avec les apparences, puisque en contradiction avec ses attentes, et en rupture avec l’opinion. Le mode d’accès à la vérité est donc coûteux. La persistance de l’association mathématiques et vérité est à nouveau vérifiée (raison d’être des mathématiques).

Les appels à l’effort, la rigueur, au raisonnement (déductif en particulier), aux preuve et démonstration, à la logique sont nombreux. Apparaissent également la référence aux règles et critères (voire objectifs et infaillibles). La notion de modèle surgit timidement ainsi que l’évocation de l’exemple et du contre exemple avec la démarche essais / erreurs.

Les mots clés proposés renvoient essentiellement aux associations vérité / chemin d’accès via le raisonnement et la preuve ; aux associations vérité / garant de la vérité par le biais des propriété, axiome, théorème ; aux associations vérité / nature de la vérité versus justesse, limpidité, objectivité ( peu nombreuses).

OUI   Sans réponse
A1- A2- A3 - A6 - A7 - A8- A9 - A10 - A16 - A17 - A19.   A4 ( permettez moi de ne pas répondre directement )
    A5 ( sens de « tenable «  non compris)
    A11 (sens de tenable non compris )
    A12 ni oui ni non
    A13 ni oui ni non
A18 : pas de réponse

Parmi les onze enseignants qui ont répondu par l’affirmative, il y en a six qui justifient leur point de vue en référence au caractère local (au sens de contingente de prémisses assumées au départ) ou limité de cette vérité (un seul enseignant fait référence au théorème de Gödel). Un enseignant semble considérer que la vérité est immuable et ne fait pas allusion au rôle du modèle dans la reconnaissance de la vérité (A7).Un enseignant (A10) considère que la logique vrai / faux constitue un handicap pour penser le quotidien. La réponse des enseignants (A1, A4 et A8) n’est pas très éclairante, pour nous.

Le balayage rapide des réponses des enseignants fait ressortir que cette notion de vérité ne laisse pas indifférents ceux des enseignants qui ont répondu. La variété de leurs points de vue est sans aucun doute intéressante pour notre recherche dans la mesure où elle nous permettra de mieux nous positionner.

Bien-sûr, la pertinence des propos recueillis doit être interrogée, ne serait-ce que par le fait même qu’ils sont issus de questionnaires : dans quelle mesure l’ordre des réponses a t - il suivi l’ordre des questions posées ? Certaines formulations ou la place que certaines d’entre elles occupent n’ont-elles pas été des facteurs induisant des réponses ? La manière dont nous avons traité le matériau recueilli peut prêter à critiques.