Observations et interprétations

On peut remarquer qu’il y a finalement deux groupes de réponses .

Un groupe, dans lequel les élèves cherchent qui a raison mais ne s’attachent pas à savoir si les deux élèves cités dans l’activité peuvent avoir raison.

Leurs points de vue pourraient se résumer par une première vision qui consiste à penser qu’en mathématiques une affirmation ne peut être que vraie ou fausse et qu’il n’existe qu’une et une seule bonne réponse tout en laissant la question du contexte dans l’implicite total.

La seconde met en évidence que ces élèves ont raisonné uniquement dans le contexte particulier de l’exercice sans chercher à en sortir pour examiner les conséquences sur les deux affirmations.

Ce groupe est composé de douze élèves sur trente trois en tout, ventilés respectivement comme suit : trois en 4ième E , quatre en 4ième A et cinq en 4ième B.

Il ressort clairement que pour ces élèves, le rôle et le statut des prémisses assumées au départ, qui permettent de valider ou non un point de vue, sont non explicites et semblent au contraire tellement implicites, qu’ils tendent à gommer le rôle du contexte qui permet précisément de concevoir du vrai ou du faux. Cette méconnaissance expliquerait qu’ils rejettent que deux arguments contradictoires puissent être vrais : le tiers exclu est invoqué mécaniquement certes, mais sans lien avec la notion de contexte.

En outre, on pourrait également penser que le tiers exclu qui sous-tend leurs allégations devient un obstacle plus qu’il ne sert à fonder leurs conclusions. Précisément parce qu’ils ne semblent pas avoir perçu que ce principe ne peut avoir de sens, que si l’on délimite un contexte par un ensemble de prémisses assumées et donc présupposées comme vraies au départ. De sorte que, le tiers exclu signifie qu’alors il ne peut y avoir du vrai et du faux conjointement puisque une affirmation ne peut être vraie et fausse en même temps par rapport à un contexte donné. Dès lors, deux points de vue contradictoires peuvent être vrais en même temps (si les contextes sont différents).

Or les élèves n’ont retenu que seul le vrai ou le faux ne peut se concevoir en même temps et le rôle et le statut des prémisses sont gommés.

Les observations conduisent à repérer que le tiers exclu se comporte comme une vérité révélée : les élèves ne gardent que la représentation du vrai ou faux en ne pointant pas vrai ou faux en fonction de...Autrement dit, le principe de non contradiction serait vécu comme un principe ne prenant pas sens à partir de prémisses assumées au départ, mais comme un principe vrai en soi, indépendamment de toute autre considération.

Reste à se poser la question de savoir si les deux premières phrases de l’activité n’ont pas joué le rôle d’obstacle didactique pour les élèves de ce groupe, auquel cas l’interprétation précédente aurait un autre retentissement.

Cependant sans minimiser l’obstacle didactique évoqué précédemment, nous notons qu’à l’opposé, il existe un autre groupe d’élèves qui envisagent d’étudier les deux points de vues contradictoires et admettent qu’ils puissent être vrais tous les deux.

Cette fois-ci il s’agit de treize élèves sur les trente trois au total : six en 4ième E, trois en 4ième A et quatre en 4ième B.

Ce groupe montre alors que les élèves posent explicitement les prémisses au départ et que c’est en s’appuyant sur ces dernières, qu’ils concluent que les deux élèves de l’activité peuvent avoir raison.

On peut remarquer que leurs réponses contiennent les deux perspectives : considération du contexte particulier de l’activité (où le centième est inférieur à cinq) et dépassement de celui-ci (avec la prémisse si centième supérieur à cinq) ce qui leur permet d’admettre en même temps un vrai, car considèrent un contexte 1, et un faux, car considèrent un contexte 2.

Nous voyons là une différence significative par rapport au groupe précédent ce qui renforce notre interprétation du tiers exclu comme obstacle à la représentation de l’idée du vrai en regard de la méconnaissance du contexte.

Nous verrions aussi à travers les propositions d’élèves de ce groupe une meilleure approche également de la notion du « vrai toujours vrai en mathématiques » qui sous-entend vrai relativement à un contexte donné.

En effet, ces élèves en dépassant le cadre du contexte particulier montrent qu’ils sont soucieux de contextualiser leurs allégations en envisageant un autre contexte particulier qui, les deux réunis, permettent de penser le vrai dans une perspective plus globale (réunion des deux prémisses assumées relativement à l’ordre de grandeur du centième).Avec possibilité de définir un vrai à la fois local et généralisé à l’intérieur du local, en cohérence à la fois avec la notion de contexte et de référent (ensemble des principes de rationalité mathématiques). 35

Nous attirons l’attention du lecteur sur le fait que, par rapport aux réponses à l’activité 1 nous avons pris connaissance d’un certain nombre de propositions d’élèves inexploitables.

Soit parce qu’elles renfermaient un certain nombre d’erreurs préjudiciables à notre observation (méconnaissance de la notion de dixième qui rendait la proposition peu compréhensible) soit parce que nous considérons que leur manque de clarté inciterait à plusieurs interprétations possibles.

Notes
35.

Ce que nous entendons par principes de rationalité pourraient être ainsi énoncés ; un interdit absolu : le principe de non contradiction qui dit que l’on n’a pas le droit d’affirmer une chose et son contraire  (à l’intérieur d’un contexte défini au préalable); le principe qui prévient du précédent est le tiers exclu : une assertion et son contraire ne peuvent être tous les deux faux ( autrement dit, si l’une est vraie alors l’autre est fausse ( toujours à l’intérieur d’un contexte défini au préalable ) ; un contre exemple suffit pour invalider une affirmation ; pour dire le vrai ou le faux, on s’appuie sur un certain nombre de propriétés, de définitions validées dans le champ mathématique .