Est-il donc légitime de parler de vrai ?
D’après Popper, sans aucun doute, qui toutefois s’emploie à parler longuement de la science, de ses progrès et de leurs critères sans faire référence au terme de vrai jusqu’au jour cependant, où il prend connaissance de la théorie de Tarski 153 : l’approche de celui-ci lui permet de lever les ambiguïtés à ce sujet.
Selon nous, comprendre comment l’on peut cerner cette notion de vrai à l’intérieur d’un champ auquel n’appartiennent pas les mathématiques, (en l’occurrence les sciences expérimentales) permet de l’éclairer en retour dans le domaine des sciences formelles.
Donc, dans les sciences non formelles, il s’agit de concevoir la vérité 154 comme « la correspondance avec les faits ».
On remarque effectivement que Popper défend la thèse de Tarski en prétendant que « seule l’idée de vérité nous permet de parler, avec pertinence, d’erreur ou de rationalisme critique, et rend possible la discussion rationnelle, c’est-à-dire cet examen critique où nous cherchons à découvrir nos erreurs avec l’objectif concerté d’en éliminer la plus grande part, afin de nous approcher de la vérité. Ainsi, l’idée même de l’erreur - ou de notre faillibilité - implique l’idée de vérité en tant que norme qui ne sera pas nécessairement atteinte c’est en ce sens que la vérité est une idée régulatrice 155 .
Cependant, il postule que si ce qui est vrai est ce qui est en correspondance avec les faits il n’en demeure pas moins que l’on puisse se poser la question de savoir s’il n’existe pas une correspondance meilleure qu’une autre. C’est alors que Popper avance que la vérité tarskienne est dans une espèce d’espace métrique où il est envisageable de parler de « degrés de vérités » et c’est ainsi qu’il parle de « vérisimilarité ». Il articule alors les notions de vérité et de contenu en spécifiant « on se rappelle que le contenu logique d’un énoncé ou d’une théorie a, est la classe de tous les énoncés qui découlent logiquement de a tandis que le contenu empirique de, selon la définition que nous en avons donnée, est la classe de tous les énoncés de base contredisant a » 156 . L’entrée de cette notion de degrés de vérité implique alors de penser la vérité au sens de la vérité objective : qualificatif qui introduit dès lors une dimension fondamentale dans la vision de vérité poppérienne.
Nous rappelons que Tarski est un logicien polonais dont les travaux contribuèrent à répandre les conceptions du Cercle de Vienne .
L’utilisation du mot vérité provient de notre référence poppérienne : l’épistémologue usant de ce terme nous le laissons tel quel.
POPPER K. - Conjectures et réfutations - Edition Payot - 1994 - p.339.
Ibidem p. 344.