Du passage de la logique mathématique à la formation du citoyen.

Actuellement, il ressort toujours que la liste des vertus des mathématiques est longue, et l’idéal subsiste qu’à partir de son enseignement, l’on puisse forger des habitudes citoyennes. Il semble que nous ne sommes pas très loin de la foi dont était animé Durkheim et de l’espoir que nourrissait le sociologue « de rêver d’une morale toute scientifique, ou plutôt d’espérer sauver la morale vacillante en lui conférant la solidité et l’autorité de la science. Mais la physique des moeurs n’est pas cette morale scientifique que certains ont rêver de créer dans la dernière moitié du XIXième siècle, cette science qui « mettrait les vérités morales au-dessus de toute contestation, comme elle a fait pour les théorèmes de mathématiques et les lois énoncés par les physiciens » 208  » 209 . A la nuance près, que dans les programmes actuels, le mot citoyenneté s’est largement substitué au mot moral, encore que comme le fait ressortir Alain Kerlan, Durkheim affirme que la morale débute avec le domaine social.

Au demeurant, il s’avère important de souligner que l’enseignement des mathématiques n’est pas seulement au service du développement de têtes bien pleines mais que les concepteurs de programmes ramènent immanquablement l’enseignant sur le terrain social et éthique. Simplement, l’interrogation reste soulevée quant à la cohérence entre les finalités (des mathématiques) déclinées et ce qui est véhiculé avec l’enseignement des contenus dont l’élaboration est supposée servir l’idéal visé. Car les programmes ne donnent à voir qu’une vision de l’idée du vrai : celle associée aux notions de déduction, d’accessibilité et de certitude qui ne font qu’accentuer l’idée que la vérité est absolue.

Parce que l’enseignement de l’idée du vrai ne se tourne pas assez vers les notions de doute et d’indécidabilité ; parce qu’il fait encore trop planer le spectre de l’illusoire accessibilité à la cohérence des mathématiques et qu’il développe par trop l’association entre vrai et preuve, nous postulons un changement de paradigme pour envisager l’enseignement de la question du vrai autrement.

Notes
208.

POINCARE H. - La morale et la Science - in Dernières pensées. Flammarion. 1913. p.221 cité par KERLAN A. in - La science n’éduquera pas - Edition Peter Lang. 1998. p.120.

209.

KERLAN A. opus cit. p 120.