A propos de la confusion entre enseignement et apprentissage.

Elle résulte d’un modèle qui considère que le savoir se transmet, qu’il se véhicule par l’intermédiaire des paroles de l’enseignant qui a à cœur de présenter un discours cohérent, précis et sans faille. Autrement dit, il suffirait que le discours s’énonce clairement pour qu’il se conçoive, dans l’esprit de l’élève, avec autant de limpidité. La limite du modèle relève de sa carence à expliquer les erreurs des élèves.

Ces représentations 213 erronées des élèves mettent donc en exergue que ce modèle de pure transmission des savoirs n’est pas tenable et il faut admettre que l’on ne peut pas faire l’impasse sur la genèse du rapport personnel au savoir chez l’élève.

Dès lors, c’est avancer que l’élève agit face au savoir au sens d’une activité d’auto appropriation ce qu’exprime clairement S. Joshua en déclarant que « pour les constructivistes de toute obédience,[...] l’enfant s’approprie la nouvelle connaissance, en fonction de ses connaissances antérieures, parfois difficilement. Le résultat est bien une construction personnelle, voire idiosyncratique, dont la mise en correspondance avec les savoirs reconnus socialement est une entreprise toujours délicate. Mais ce travail est à l’origine même de la possibilité d’une décontextualisation, d’un transport à distance - aux risques et périls de l’enfant - de la connaissance transmise » 214 .Par là-même, l’introduction de la différenciation entre savoirs et connaissances est justifiée. En effet, la dénomination des deux termes pointent cette notion de traitement de l’information par l’apprenant quand on fait référence à la connaissance et marque la dimension culturelle quant à la notion de savoir (entité incluant un socialement admis, au sens de savoir savant).

A partir des considérations précédentes, le lecteur peut comprendre pourquoi le modèle résultant de l’amalgame entre enseignement et apprentissage traduit par l’appellation « modèle empiriste » (empruntée à C. Margolinas 215 découlant de l’empirisme épistémologique de Piaget) ne peut recevoir notre assentiment et bien qu’il subsiste encore dans la noosphère, car il ne prend pas en compte l’activité de construction personnelle chez l’élève.

En conclusion, nous communiquons à ce sujet une citation éloquente de Steinbring pour résumer notre pensée : « les bonnes intentions de nombreux enseignants de vouloir présenter le plus simplement possible et expliquer directement, la contrainte d’expliciter entièrement en classe le savoir sous toutes ses significations conduit à rétrograder complètement d’un savoir nouveau à acquérir à un savoir déjà connu et par là à ne plus rien apprendre de neuf. D’un point de vue épistémologique l’élaboration d’une authentique compréhension du concept est empêchée dans l’extrait de classe présenté par une interprétation empiriste du savoir et l’idée selon laquelle le sens d’un savoir nouveau doit découler entièrement de concepts fondamentaux déjà connus. Une autre conception de la nature épistémologique du savoir mathématique est nécessaire » 216 , d’autant plus « qu’enseigner c’est travailler le savoir pour induire dans un cadre institutionnel choisi un processus cognitif supportant l’apprentissage dont le produit fini sera en retour institué en savoir » 217 .

Notes
213.

Nous utilisons deux termes conception ,représentation indifféremment : il existe en effet des termes caractérisant les connaissances des élèves que bon nombre de chercheurs ont créés avec des appellations différentes tel que « théorème en acte » de Vergnaud ou encore « modèle implicite » de Brousseau ; sans doute recouvre t - il des réalités différentes , mais notre visée n’est pas d’éclaircir ces subtilités. Nous considérons les termes de conceptions et représentations au sens de connaissances présentes chez l’élève et non véhiculées directement par l’enseignant.

214.

JOSHUA S. - Au delà des didactiques, le didactique. Débats autour des concepts fédérateurs - Edition De Boeck.1996. p. 153

215.

Pour plus de détails consulter sa thèse - De l’importance du vrai et du faux dans la classe de mathématiques - Edition la pensée sauvage. 1993. p.102 et suite.

216.

STEINBRING H. - Nature du savoir mathématique dans la pratique de l’enseignant - in Laborde et Coll, Actes du premier colloque franco - allemand de didactique des mathématiques et de l’informatique Edition La pensée sauvage . Grenoble . 1988. p. 311 et 312.

217.

ROUCHIER A. - Recherches en didactique des mathématiques - Edition La pensée sauvage . Grenoble 1996. p.194