Cette théorie nous permet de préciser notre position par rapport à la vision que nous avons de l’élève, à propos du savoir à enseigner et du projet de dévolution. Elle est en cohérence avec la perspective socio-constructiviste à laquelle nous adhérons.
Au sujet de l’élève tout d’abord : elle postule que ce dernier peut être considéré comme un sujet épistémique c’est-à-dire capable de manifester une rationalité de type mathématique à condition que l’on lui donne les moyens de la mettre en œuvre.
C’est donc avancer a priori que tout élève cherche à s’engager dans un processus qui lui permettra de remettre en cause ses conceptions initiales quand elles sont erronées, sous réserve que les moyens lui en soient fournis. Prise en compte des représentations comme l’impose le modèle constructiviste et interactionniste.
Nous savons que cette théorie s’oppose à la théorie anthropologique de Chevallard quand il décrit que « ...l’élève aura à « vérifier » (par des calculs numériques), l’enseignant « dégagera la loi générale littérale », puis l’élève « appliquera » cette loi à des cas particuliers (numériques, plus rarement partiellement littéraux), etc. La transgression des registres d’actes épistémologiques est rare... ». 220 Autrement dit, il n’est pas reconnu dans
le rôle de l’élève que ce dernier puisse avoir une posture scientifique. Nous ne nions pas que ce modèle puisse être valide, au sein des pratiques. Mais notre choix théorique s’écarte de cette vision là et nous marquons notre distance.
Nous entendons échapper à cette coutume didactique qui cantonne l’élève dans le rôle de simple exécutant qui ne lui permet pas de construire des connaissances, encore moins de les confronter. Nous tenons à mettre en relief que le modèle des situations fondamentales revient à la mise en situation de l’élève comme sujet épistémique. C’est postuler une distribution nouvelle des places de l’enseignant et de l’élève face à l’acte d’enseignement / apprentissage afin de définir de nouveaux registres d’actions. Registres
d’actions au service de la défense d’une visée émancipatrice du savoir qui tend à relier la compétence théorique (une autre appropriation de l’idée du vrai en mathématiques), les performances didactiques attendues (concernant la preuve et ses limites) et leurs retombées humaines (registre émancipatoire).
Les situations fondamentales invitent l’enseignant à soutenir une vigilance épistémologique, pour alimenter sa réflexion au sujet de ce qu’il enseigne et de ce qu’il croit enseigner et oriente vers une éthique du savoir qui consiste « à étudier non seulement comment on peut enseigner des vérités socialement reconnues, mais aussi et surtout c’est découvrir des procédés qui permettent d’initier l’élève aux instruments de pensée qui donnent la possibilité aux hommes de mieux discerner sur quoi se fondent leurs vérités ; leur apprendre à « démonter » les discours type « langue de bois » bien sûr, mais aussi leur apprendre à déceler tous les processus d’opacification de la complexité qui se pratiquent de plus ou moins de bonne foi sous couvert de simplification, de clarté et d’efficacité ». 221
CHEVALLARD Y. - La transposition didactique, du savoir savant au savoir enseigné - Edition la Pensée sauvage. Grenoble .1991. p. 75
LEGRAND M. - Recherche en Didactique des mathématiques - Volume 16 / 2 . La problématique des situations fondamentales - Edition La pensée sauvage . Grenoble . 1996. p .257.