Au risque de paraître provocateur ce titre présente l’avantage de réfracter l’incidence de
l’enseignement sur l’apprentissage. L’idée, certes, n’est pas neuve, si l’on se réfère aux concepts de représentations et d’obstacle didactique 250 . A la lumière de la pensée bachelardienne et contre la tabula rasa aristotélicienne, on mesure maintenant combien l’acte d’enseignement peut relever d’une certaine violence cognitive, tant l’entreprise consiste à mettre l’élève face à ses représentations souvent non conformes à la norme du savoir, afin que ces dernières soient questionnées et réajustées de préférence par le groupe classe.
En l’espèce, les observations que nous avions mises en évidence lors de l’étude de l’échantillon nous permettent de questionner l’enseignement implicite d’un principe de rationalité (en l’occurrence le tiers exclu) en pointant les conséquences qu’il produit sur l’apprentissage de l’idée du vrai que des élèves en retirent.
Il nous faut donc mentionner à nouveau cette tendance qu’un nombre d’élèves avaient manifesté quand ils abordaient la première activité que nous leur avions soumise : l’avancée du vrai ou du faux se manifestait en mobilisant le tiers exclu tout en laissant la notion de contexte dans l’implicite total 251 .
Manifestation d’une idée du vrai des élèves, en étroite dépendance avec un des principes fondateurs de la rationalité mathématique (certes !) mais qui, dans le même temps, accentue la méconnaissance du recours nécessaire à l’existence de prémisse(s) assumée(s) au départ par rapport à laquelle (auxquelles) l’injonction de ce principe aura du sens. Dit autrement, l’on constate que le fait de se référer au principe du tiers exclu n’est pas indicateur d’une vision de l’idée du vrai qui tendrait vers les apports, repérés lors de l’évolution des conceptions du vrai, que nous avons mis en évidence antérieurement.
En d’autres termes et pour conclure, chez certains élèves l’hypothèse holiste ne fait pas partie de leur paysage du vrai en ce sens qu’ils ne perçoivent pas que toute proposition vraie ne peut l’être sans avoir posé, au préalable, tout un corpus d’autres propositions vraies 252 .
Il existe trois sortes d’obstacles. L’obstacle épistémologique dû à Bachelard, constitutif de la connaissance visée qui se retrouve dans l’histoire du concept lui-même. L’obstacle ontologique lié au développement des connaissances appropriés à ses moyens et à ses buts (en résonance avec la ligne de développement proximale de Vygotsky). L’obstacle didactique lié au système d’enseignement (on peut noter la contribution de Brousseau concernant les nombres décimaux par exemple).
Citons pour exemple la réponse de l’élève A9904 : « Les deux élèves ne peuvent pas avoir raison tous les deux raison car une affirmation est soit juste soit fausse(il n’y a pas de milieu)[...] ». Ou encore celle de l’élève A9905 : « Non je pense que ces élèves ne peuvent pas avoir raison tous les deux alors qu’ils ont donné une réponse totalement opposée. C’est comme si on disait qu’une chaise est un objet et l’autre que c’est un fruit C’est impossible qu’ils aient tous les deux raison ».
Pour illustration, ces propos de l’élève B9901 : « Non, car l’un dit que l’arrondi au dixième est égal à la troncature au dix[ième], l’autre pense que ce n’est pas égal or égal et pas égal c’est différent. Donc ils ne peuvent pas avoir raison tous les deux ». Ou bien l’élève B9909 : « non, je ne pense pas que dans ce calcul, il y ait plusieurs résultats ».