c) Un autre regard sur l’enseignement de la preuve.

D’une part, il nous est apparu après l’examen des représentations des élèves en fin de 4ième, que tous les élèves n’avaient pas parcouru le même chemin quant à la vision de l’idée du vrai. D’autre part, l’évolution de la conception du vrai dans la pensée nous a permis d’asseoir l’idée que cette question du rôle de l’hypothèse dans l’enseignement, gagnerait à être élucidée car « quand on a un peu réfléchi, on a aperçu la place tenue par l’hypothèse [...] ; nous devons donc examiner avec soin, son rôle ; [...] ; nous reconnaîtrons alors, non seulement qu’il est nécessaire, mais que le plus souvent il est légitime » 254 .

D’aucuns ne verront là que pure banalité. Nous admettons volontiers que cela en est une du point de vue théorique. Mais nous avançons que l’innovation se situe sur le versant didactico-pédagogique. Introduire l’enseignement de l’idée du vrai et éveiller à une praxis tournée du côté de l’hypothèse se distingue des positions académiques en s’écartant de la conformité programmatique qu’elles suggèrent. Le programme n’est qu’un attribut de l’enseignement des mathématiques et pas le fondement.

L’enjeu n’est plus (seulement) de former à une méthode idiosyncrétique garant de l’accès au vrai, mais de parvenir à interroger la notion de preuve pour penser la question du vrai. Le vrai religieux repose sur la révélation, le vrai idéologique sur la passion et le vrai mathématique sur la méthode face à laquelle nous entendons considérer la preuve comme l’alibi pour travailler l’idée du vrai, et non une fin en soi. L’enseignement des mathématiques véhicule des dogmes et cherche trop souvent à mettre les élèves en conformité avec le dogme de la déférence. La systématisation à l’entraînement à la preuve, sans autre questionnement, fait courir à l’enseignement des mathématiques, le risque de promouvoir un modèle de connaissance standardisant la pensée. Du point de vue du dogme scolaire de la connaissance, d’aucuns verront peut-être dans la volonté de penser l’enseignement de l’idée du vrai, au sein des mathématiques, une proposition subversive.

Nous en assumons le risque tant nous partageons les vues de Kerlan quand il déclare qu’il est grand temps de restituer « à la pensée scientifique sa vraie dimension d’aventure, de spéculation, de tâtonnement, de risque intellectuel ; en favorisant la réappropriation critique de la rationalité scientifique ». 255 Nous défendons cette optique à dépasser le simple dressage des élèves en matière de preuve au nom de valeurs didactique et éthique car « il convient de le répéter : c’est dans la méthode d’élaboration du savoir que réside la socialisation éventuelle et non dans la possession d’un savoir scientifique présenté tout élaboré ». 256

Notes
254.

POINCARE H. opus cit. - La science et l’hypothèse - p.25

255.

KERLAN A. DEVELAY M. LEGRAND L. - Quelle école voulons-nous ? - Dialogue sur l’école avec la Ligue de l’enseignement - Edition ESF - 2001 . p.44.

256.

LEGRAND L. in opus cit p. 15.