Montrons comment s’articule l’enseignement de l’idée du vrai dans la modélisation du traitement actuel de l’enseignement de l’idée du vrai .
Sous l’hypothèse que le paradigme de l’apprentissage soit comportementaliste nous postulons que l’idée même de l’enseignement de l’idée du vrai est absente tant le modèle d’imitation qu’il induit ne fait qu’encourager une pensée dogmatique sur le sujet, pédagogiquement et didactiquement parlant.
Nous présupposons donc au moins que le paradigme d’apprentissage est socio-constructiviste : mais est-ce une garantie en soi ?
Non, car pour autant, le statut du vrai peut tout aussi bien rester de type « savoir outil », et l’axe pour développer l’idée du vrai ne peut être conçu qu’à travers une visée didactique qui consiste à entraîner à la rédaction de preuve (sous couvert, au mieux, d’un travail sur l’heuristique). Visée didactique sous-tendue par une visée épistémologique qui privilégie l’association vrai / preuve avec certes, une garantie pédagogique, basée sur l’interaction entre élèves.
Il n’en reste pas moins, que l’élève n’a pas plus d’espace pour penser les limites d’un enseignement déductif (de la géométrie par exemple) puisque « on ne peut démontrer la vérité d’un énoncé qu’à partir de celle d’autres énoncés déjà connus pour vrais et si l’on veut tout démontrer, on sera conduit là aussi à une régression à l’infini, il faut donc admettre sans démonstration certains énoncés, ce seront les axiomes » 277 .
Quand la prise en compte des difficultés (et non des obstacles) est mise à jour, elle peut se traduire, à l’endroit des élèves, par l’avancée d’expressions du type: difficulté à raisonner, problèmes de logique, confusion entre hypothèse et conclusion ce qui peut avoir pour conséquence un renforcement du travail axé sur la rédaction de preuve et sur le référent du vrai ; c’est-à-dire un travail d’entraînement au fonctionnement des principes de rationalité. Il s’agira d’une pédagogie expositive des principes de rationalité. On privilégie leur énoncé explicite ainsi que leur utilisation régulière, mais en présupposant qu’ils sont admis (allant de soi, compris et intégrés) par les élèves de 4ième et de 3ième, sous prétexte que depuis qu’ils font des mathématiques, « cela marche comme cela ».
Nous y voyons là encore une approche à tendance dogmatique de l’idée du vrai dont l’intention consiste à rendre performant les élèves par rapport à la dure entreprise de l’élaboration d’une preuve sans souci réel de développer une pensée sur l’idée du vrai en mathématiques.
Ainsi donc, la perspective socio-constructiviste dans laquelle s’inscrit un travail sur la question du vrai n’est-elle pas une garantie en soi, pour penser l’enseignement de l’idée du vrai autrement qu’à travers la performance à savoir prouver. Elle s’avère être une condition nécessaire, certes, mais non suffisante.
Considérons alors de quelle manière une pratique soucieuse d’intégrer les principes d’actions énoncés prend de la distance par rapport à la modélisation de l’enseignement actuel de l’idée du vrai.
Sans nul doute, l’approche de l’enseignement de l’idée du vrai est en rupture par rapport à celle qui transparaît dans la modélisation de l’enseignement actuel dans la mesure où, d’une part, le modèle d’apprentissage avancé se réclame du modèle socio-constructiviste exclusivement et que d’autre part, sa visée est compréhensive : elle tend à développer une pensée sur le vrai en mathématiques chez les élèves en questionnant cette idée du vrai .
L’intention est certes de faire entrer les élèves dans une démarche de « sensibilisation » par rapport à l’idée du vrai de manière moins dogmatique.
L’articulation des principes clés dans les champs didactique, mathématique et pédagogique en témoigne dans la mesure où l’enseignement est orienté par des axes forts.
Le statut du vrai subit également une transformation puisque sans négliger d’être un savoir outil, il prend aussi le statut de savoir objet et du même coup transforme le statut de l’élève par le passage de l’élève acteur reproduisant des attentes vers le statut de personne apprenante. L’utilisation de l’idée du vrai, via un travail sur la preuve, en faisant fonctionner les principes de rationalité est encore présente, mais l’idée du vrai comme objet est abordée notamment à travers le travail de co-élaboration de manière constructive des critères de validation d’une preuve ou à travers la prise en compte de la dimension historique dans la constitution de l’idée du vrai mettant les élèves face à la notion de prémisses assumées au départ.
ARSAC G. - Les limites d’un enseignement déductif de la géométrie in Petit X n° 47- IREM de Grenoble - 1997 - 1998 . p.7.