Le paradigme de l’apprentissage.

Notre nouvelle modélisation exclut totalement le paradigme comportementaliste. Nous citerons simplement à nouveau Bruner pour renforcer notre position : « des études consacrées à l’expertise montrent que si l’on apprend seulement comment réaliser quelque chose de manière adroite, on n’atteint pas le degré d’adresse souple et adaptable auquel on atteint en apprenant par une combinaison de pratiques et d’explication conceptuelles : un bon pianiste a besoin de bien plus que ses mains intelligentes ; il a également besoin de connaître un certain nombre de choses sur l’harmonie, le solfège et la structure mélodique.

Aussi, une simple théorie de l’apprentissage par imitation convient à une société « traditionnelle » (et à y regarder de plus près d’ailleurs, les choses ne sont pas si simples) cela ne saurait suffir à une société plus avancée. » 284

Enseigner à prouver par imitation c’est-à-dire interdire la dévolution de la démonstration aux élèves, et ne les confronter qu’à des « modèles » de démonstrations ne renseigne en rien l’élève sur les tenants et les aboutissants de la démonstration. L’on comprend aisément qu’enseigner l’idée du vrai de cette manière ne génère pas le développement d’une pensée sur le vrai sinon celle qu’en mathématiques « on passe son temps à prouver sans savoir pourquoi ni comment : les mathématiques c’est vraiment un monde à part et pas rassurant». 285

Bruner nous le rappelle, la perspective d’enseignement adoptée n’est jamais innocente. Elle porte en elle-même un message et elle véhicule des enjeux. La persistance à vouloir faire entrer le développement d’une pensée sur l’idée du vrai en collège affiche un enjeu

d’ordre sociétal. Nous nous efforcerons de le clarifier ultérieurement.

Dans la modélisation que nous proposons il émerge de manière explicite la notion d’obstacles respectivement didactique, à la rationalité et épistémologique.

Les obstacles didactiques sont là pour mettre en évidence que le paradigme de l’apprentissage socio-constructiviste ne se comporte pas en argument d’autorité qui sous entendrait qu’il existe le bon modèle d’apprentissage sans faille. A lui seul, ce modèle ne garantit pas une optimisation du développement d’une pensée sur le vrai chez l’élève. Il se conduit comme une condition nécessaire pour ce que nous visons.

Les obstacles didactiques rappellent que si l’enseignant est peu enclin à exercer une pensée métacognitive sur ses actions, il est l’artisan de ces obstacles.

Les obstacles à la rationalité pointent le fait d’une part, que si enseigner l’idée du vrai interpelle à priori la raison, il n’en demeure pas moins que la résonance tant du point de vue philosophique que psychologique s’avère tout aussi réelle. D’autre part, que ces obstacles à la rationalité font aussi bien partie du panorama mental de l’enseignant que

de celui de l’élève.

Enfin les obstacles épistémologiques font référence à ce que nous avons pointé lors de l’étude des productions des élèves de fin de 4ième et qui furent à l’origine de l’élaboration de nos principes clés. Retenons en substance, en premier lieu, que si le tiers exclu était présenté comme un argument d’autorité il se comportait en obstacle au développement de l’idée du vrai et qu’en deuxième lieu, les élèves évacuaient le rôle et le statut des prémisses assumées au départ dans l’accès au vrai en pensant que si une démarche est valide c’est suffisant pour prouver le vrai.

Notes
284.

BRUNER J. opus cit. p. 74

285.

Parole d’élève .