Passage de l’objet d’étude «le référent du vrai » à l’objet d’étude « le vrai du référent ».

Outre un jeu de mots où se trouve l’apport ?

Et bien essentiellement dans le renversement de l’optique didactico-pédagogique : il ne s’agit plus d’exposer des principes de rationalité même dans une visée compréhensive mais il s’agit de travailler ce sur quoi se fonde le vrai.

En d’autres termes, de promouvoir une pédagogie des fondements des principes de rationalité : sur quoi se fonde le principe du tiers exclu ? Sur quoi se fonde le contre exemple ? Pourquoi le principe d’induction n’est-il pas valide en mathématiques 287 ? Comment s’articule en fait entre eux tous ces principes ?

Il s’agit de mettre en exergue le rôle et le statut des prémisses assumées au départ et non plus d’entraîner seulement à formuler des conjectures.

Cela veut dire travailler cette notion de prémisses assumées au départ, comme constitution de la notion de contexte (qui permet de construire une preuve) en lien avec la notion de référent comme ensemble de principes de rationalité.

Il s’agit d’articuler ce rôle et ce statut des prémisses assumées au départ aux principes de rationalité pour développer une pensée sur le vrai et ne plus se cantonner à développer l’entraînement à la preuve sans questionner les soubassements d’une telle activité.

Cela revient à dire que nous envisageons dans le développement de cette pensée sur l’idée du vrai deux composantes : une théorique et une pratique.

La première est spécifique de la modélisation que nous proposons et tire son appellation du fait même qu’elle interroge les fondements de l’idée du vrai en invitant à penser « les dessous » des principes de rationalité. En cela nous sommes dans la mouvance des propos de M. Fabre quand il stipule que « le savoir scolaire, ne se donne t - il pas , de manière privilégiée, sous l’aspect de propositions considérées comme « vraies » mais le plus souvent déconnectées et sans lien avec les problèmes dont elles constituent les solutions ? Ce propositionnalisme scolaire incarne le refus d’un véritable savoir théorique qui seul pourrait conférer aux apprentissages leur pleine signification ». 288 Comprendre les fondements théoriques de l’idée du vrai peut en effet aider à mieux gérer son application systématique, à laquelle doit se plier tout collégien, en s’essayant à l’exercice de rédaction de preuve.

En outre, cela ouvre sur des propositions de réflexion qui nous semblent constitutives d’une culture mathématique susceptible d’intervenir sur « l’émancipation démocratique » de l’élève.

De plus, ce que suggère aussi pour nous, ce terme de théorique c’est qu’il renvoie à un traitement de l’idée du vrai, dont la finalité n’est pas d’exercer à la rédaction de preuve (même s’il contribue à cet apprentissage pour l’élève) et dont l’illustration par des situations didactiques ne sera pas celle qui correspond à ce qui existe dans les manuels.

La seconde composante est déjà apparue au niveau de l’élaboration des principes clés : elle consiste à faire vivre concrètement la nécessité d’élaborer des prémisses

de départ et des « garde fous » (allusion au référent : ensemble des principes de rationalité) pour entreprendre une démarche d’accès au vrai. Elle privilégie en cela l’étude conjointe du contexte et du référent qui, dans l’enseignement actuel font l’objet d’une utilisation régulière et systématique sans faire l’objet d’une étude particulière tant l’implicite est fort en ce domaine. L’enseignant considère que l’élève sait définir un contexte, qu’il maîtrise les principes de rationalité et qu’il y adhère, ce qui précisément, n’est pas une hypothèse assumée au départ dans l’enseignement des mathématiques en 4ième et 3ième.

Il nous semble aussi que ce changement de perspective dans le mode d’enseignement de

l’idée du vrai exhibe la différence entre être un scientifique (au sens large) et apprendre la science. Pour satisfaire la première condition, il s’agit d’entrer dans une culture qui donne à « épouser » une construction parfois non rationnelle de la signification, ce que bon nombre d’enseignants en mathématiques n’envisagent pas.

Trois points essentiels :

  1. enseigner ce qui est en amont des principes de rationalité mathématique en privilégiant l’étude sur le contre exemple et le tiers exclu en abordant la question du rôle (conditions pour établir le vrai) et du statut (comme constituant un contexte) des prémisses assumées au départ.
  2. enseigner la notion de contexte et de référent en lien avec la question des prémisses assumées au départ et les principes de rationalité mathématique (comme instauration du référent).
  3. éveiller le regard épistémologique de l’élève au sujet de la question du vrai en mathématiques.
Notes
287.

Rappelons que nous sommes en collège et que nous évacuons la pensée de Poincaré à ce sujet en ce qui concerne sa vision du raisonnement par récurrence en lien avec le principe d’induction : ce qui peut d’ailleurs faire l’objet d’une introduction à la limite de ce principe en collège eu égard à la méconnaissance de ce type de raisonnement.

288.

FABRE M. - Situations problèmes et savoir scolaire - Edition PUF- 1999 - p. 48.