La définition de l’objet d’étude.

En premier lieu, il est bon de rappeler que le dispositif est valable et fonctionne sur un savoir dont nous avons construit une représentation et que nous avons nommé l’idée du vrai.

Nous avons donc opéré une « chosification » du vrai en prenant délibérément le parti de l’inscrire dans le domaine des mathématiques et en l’associant étroitement à la preuve, pour rappeler la « doxa scolaire ».L’influence de notre propre rapport au savoir (sous l’angle du rapport aux mathématiques et du rapport à l’idée du vrai) et de notre vision du réel construit apparaissent donc en tant que limites au sens de paramètres dont il faut tenir compte dans ce que nous avançons du point de vue des modèles théoriques convoqués.

En deuxième lieu, cette recherche donne seulement à voir l’incidence de principes d’action que nous avons élaborés et dont nous avons voulu tester la pertinence a postériori, en regard de leur effet sur le déplacement de l’idée du vrai.

Pour cette raison, la modélisation que nous avons envisagée ne constitue pas un modèle d’action mais une perspective d’action par rapport à laquelle l’enseignant peut accorder quelque crédit quant à la question du déplacement de l’idée du vrai dans l’enseignement. En sachant qu’elle est aussi fortement contextualisée par le modèle théorique de l’apprentissage dont elle se réclame. Il s’agit donc d’une modélisation heuristique.

En troisième lieu, et par delà, cette approche questionne le bien fondé d’une pragmatique de l’apprentissage redevable à une épistémologie constructiviste. La situation problème, remarquable pour favoriser l’accès au sens n’en reste pas moins limitée quand il s’agit de penser la question du vrai, tant les élèves sont encore engagés dans une réflexion sans avoir été invités à construire réellement la problématisation de cette question. Et comme le souligne justement M Fabre, « ainsi émerge l’hypothèse que, dans une perspective constructiviste de l’apprentissage les processus de problématisation qui corroborent le statut de la question et qui se trouvent en amont de la situation problème (virtuelle à ce moment là) importent autant si ce n’est plus que les stratégies de résolution qui visent à travailler la recherche de solution. A l’instar de Bachelard faire preuve d’esprit scientifique c’est la capacité à se poser des problèmes qu’il importe de développer. Sans problème, pas de question donc pas de connaissances scientifique » 330 . La dévolution du problème (la question du vrai) a été faite sans que la phase de problématisation ait été suffisamment engagée par les élèves : aussi cette recherche reste t-elle encore timide dans son dépassement de la pédagogie de résolution de problème (au bénéfice de la pédagogie de la problématisation).

Sur le même registre, certains types d’activités proposées aux élèves peuvent être interrogées en regard de la problématique des situations fondamentales. Interrogation qui découle de la nature même de l’objet de savoir construit, l’idée du vrai, qui ne relève pas du concept et qui engendre quelques ambiguïtés dans la détermination d’obstacles face auxquels l’élève peut être placé pour dépasser ses représentations de l’idée du vrai.

En quatrième lieu, cet enseignement de l’idée du vrai n’est envisagé qu’à partir des classes de quatrième et de troisième et faute d’avoir analysé la question pour les classes de niveau antérieur nous ignorons tout des modalités de mise en œuvre d’un dispositif conçu antérieurement et de son éventuelle faisabilité (voire efficacité). Doute qui subsiste d’autant plus si l’on considère que la question du vrai est en rapport directe avec la pensée formelle « qui suppose deux facteurs, l’un social (la possibilité de se placer à tous les points de vue et de sortir du point de vue propre ou immédiat) , l’autre ressortissant de la psychologie de la croyance (la possibilité de sous entendre sous la réalité empirique un monde purement possible où s’installera la déduction logique) » 331 .

Enfin, les propositions didactico-pédagogiques contenues dans cette recherche ne sont pas révolutionnaires, certes. L’innovation n’est pas à considérer du point de vue d’optiques théoriques innovantes, mais bien dans l’essai de penser une praxis articulée à ces positions théoriques, au sujet d’un savoir objet peu abordé en tant que tel ordinairement car considéré comme scientifiquement non pertinent « pour la raison qu’il apparaît culturellement étranger aux objets tenus pour emblématiques des questions de didactique des mathématiques ». 332

Notes
330.

FABRE M. opus cit. p. 209.

331.

PIAGET J. - Le raisonnement et le jugement chez l’enfant - Edition Delachaux et Niestlé . 1978. p. 63.

332.

CHEVALLARD Y. - Recherches en didactique des mathématiques - Pratiques enseignantes en théorie anthropologique - Volume 19/2 . 1999. p.223.