Le registre d’absence d’émancipation.

Il correspond à un enseignement des mathématiques uniquement soucieux d’instrumentaliser le vrai à travers la résolution de problème.

Tout comme G. Arsac déplore que « le risque est grand de se précipiter sur ces problèmes d’enseignement [de la démonstration] en prenant pour argent comptant le statut de la démonstration dans l’enseignement c’est-à-dire le résultat de la transposition didactique, sans s’interroger sur son origine » 366 nous dénonçons l’amalgame vrai / preuve risqué, résultat de la transposition didactique du vrai sans autre considération, d’ordre épistémologique par exemple.

Tout comme le suggère Arsac, les démonstrations qui expliquent (et qui ne prouvent pas seulement) doivent prendre le pas dans l’apprentissage, l’urgence de présenter dans l’enseignement un éclairage sur l’idée du vrai se fait tout aussi pressante.

L’idée du vrai ne peut être pleinement ce qu’elle est qu’à la condition d’être bornée et de trouver dans ses limites son accomplissement. La portée humaine et sociale des mathématiques et de leur enseignement s’éprouve d’abord au cœur de l’appropriation des savoirs et de la question du vrai en l’occurrence.

L’incapacité d’un enseignement figé sur l’instrumentation du vrai devient symptôme des errements didactico-pédagogiques en posant à tort l’existence d’une norme arbitraire qui brouillent les repères. Il n’y a pas lieu de se soumettre à cette métamorphose de l’idée du vrai qui risque d’infléchir l’enseignement des mathématiques du côté d’une science sans âme ni sens.

L’humanisme qui inspire la didactique à son origine ne peut être balayé par des dérives qu’elle engendre du fait même de ses principes, tant qu’elle songe à gommer la dimension de la personne. En cela, la manière de présenter l’idée du vrai ne doit pas être

coupée de l’effort qui lui a donné naissance.

Chaussant les vieilles lunettes de l’obscurantisme, l’instrumentalisation de l’idée du vrai trahit la myopie de tous ceux qui espèrent dans le recours au dogmatisme, en broyant toute idée d’émancipation, car comme le déclare Kerlan « quel pédagogue s’inquiète aujourd’hui ouvertement de la dimension morale ou éthique des apprentissages en sciences ? Mais cette indifférence avoue une incapacité. Un enseignement des sciences sourd à sa dimension morale quand la société tout entière s’inquiète des conséquences éthiques du développement des sciences n’est pas loin d’avoir renoncé à sa vocation proprement éducative » 367 .

Notes
366.

ARSAC G. - Recherches en didactique des mathématiques - Volume 9/3. 1990. p.249

367.

KERLAN A. - in opus cit. p. 141.