Par delà la problématisation, la dimension culturelle de la question du vrai dans un enseignement des mathématiques.
La notion de connaissance pertinente relative à l’idée du vrai procéderait de son degré d’organisation, de sa mise en relation avec la preuve, et de sa capacité informative au sein des mathématiques. La pertinence devient le meilleur auxiliaire de la raison pour assurer la plénitude au mouvement de la connaissance. De connaissance figée et ligotée, l’idée du vrai éveillerait à d’autres horizons qui ne seraient plus gouvernés par le caractère sacré que développe un enseignement des mathématiques rivé sur le rituel de la preuve. Ainsi la connaissance pertinente désentrave t-elle la pensée pour libérer l’homme.
Mais décréter que les savoirs sont formateurs fait valoir d’emblée que l’on assimile instruction scientifique et culture scientifique dans ses deux dimensions anthropologique et patrimoniale. 372 Il convient alors d’exclure la réduction de l’idée du vrai à sa visée utilitariste. Il convient aussi de comprendre le retentissement de l’idée du vrai sous l’angle du sens que cela déclenche en chacun pour impulser un mouvement vers la logique des savoirs car il est grand temps comme le clame Kerlan de s’efforcer « de combler le décalage entre la réalité vivante et prosaïque des sciences et leur image publique ; en restituant à la pensée scientifique sa vraie dimension d’aventure, de spéculation, de tâtonnement, de risque intellectuel ; en favorisant la réappropriation critique de la rationalité scientifique » 373 .
Donc, glissement de savoirs parcellaires vers la dimension culturelle du savoir car ce qui touche au cognitif empiète sur notre for intérieur en sorte que le devoir de celui qui enseigne ne se referme pas sur des injonctions programmatiques sclérosantes. Il est hors de doute que la question du vrai trouve là en partie l’origine de sa dénaturation. L’essor culturel qui doit accompagner l’enseignement des mathématiques en particulier interdit que l’on accepte l’arbitraire des programmes sans en envisager les nécessaires déconstructions.
Plus, il inflige à la pensée de ne pas ignorer les aspirations que font naître par exemple, « les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur » 374 définis par Morin. Le dessein de sortir d’une centration forte sur les contenus coutumiers, pour échapper aux normes et aux rituels du fonctionnement disciplinaire porte l’exigence d’inscrire du sens, au sein même de l’enseignement des mathématiques (sans omettre une visée interdisciplinaire) selon les deux dimensions anthropologique et patrimoniale en ré interrogeant la conception actuelle des programmes de collège. 375
Il faut envisager un enseignement qui refuse de véhiculer des dogmes au moment même où l’inconnaissable et l’indécidable sont au cœur de la pensée scientifique. Si l’idée du vrai s’identifie en premier lieu dans cette fonction de déterminer des normes, de fixer, de régulariser des conduites alors on comprend mieux le goût amer qu’elle peut susciter. La place stratégique que peut occuper l’enseignement de l’idée du vrai dans un dispositif de formation avertit qu’au lieu de refermer la question du vrai sur un durcissement de la pensée à trancher il faut lui adjoindre la formation à une « logique de l’étrange ». 376 Etrangeté logique qui s’enracine jusque dans l’existence d’un ordre au sein du chaos poussant l’exigence rationnelle dans ses derniers retranchements.
Le paradoxe de l’enseignement de l’idée du vrai n’est-il pas de s’interdire d’emblée cette perspective de l’indécidable ? Et pourtant si la logique 377 ne confère pas son existence à l’idée du vrai elle prescrit de se soucier des conditions du vrai. On perçoit bien que le projet d’user de la question du vrai pour la conforter dans son association étroite avec la preuve conduit à l’hypostase de la pensée et perd de son pouvoir d’émancipation car il faut le redire à la suite de M. Develay, « l’émancipation par le savoir ne peut advenir de sa simple exposition mais exige la construction d’une relation dynamique, critique, significative, personnelle entre l’élève et sa singularité, et le savoir et son universalité ». 378
DEVELAY M. KERLAN A. LEGRAND L.FAVEY E. opus cit. p.100
KERLAN A. Ibidem p. 44.
Nous les rappelons : les cécités de la connaissance ; les principes d’une connaissance pertinente ; la condition humaine ; l’identité terrienne ; affronter les incertitudes ; la compréhension ; l’éthique du genre humain.
Projet de recherche dans lequel le groupe mathématique du CEPEC s’est engagé pour les quatre ans à venir.
GUITON J. BOGDANOV I. BODNANOV G. - Dieu et la science - Edition Grasset - 1991.
Pris dans le sens de « l’étude des conditions de la vérité » selon CUVILLIER A. - Manuel de philosophie - Logique - Morale - Tome II. Edition A. Colin. 1937. p.6.
DEVELAY M. KERLAN A. LEGRAND L.FAVEY E. in opus cit p.108.