3. Les perspectives de la recherche.

‘« Nous traînons avec nous des habitudes de pensée et des goûts qui ont été forgés dans une classe aujourd’hui presque oubliée, par un enseignant dont on ne se souvient à peine. Je me souviens de l’un de ces professeurs qui a donné à toute la classe le goût pour les interprétations les moins évidentes des événements historiques. Nous avons fini par oublier notre gêne et nous avons proposé toutes nos idées les plus folles. Une telle classe nous a aidé à inventer une tradition » 391 .’

Tout reste donc à faire : inventer une tradition.

Il nous semble que nous avons ouvert quelques pistes concernant le traitement de la question du vrai en mathématiques au collège, mais beaucoup de travail reste à faire dans la mesure où l’on adhère à une conception de l’enseignement des mathématiques soucieuse de ne pas faire l’impasse sur des questions cruciales. Tant les conceptions de la science des adolescents ne sont pas étrangères aux représentations qu’ils entretiennent à l’égard de leur propre activité scolaire comme le souligne fortement Desautels 392 .

En ce qui concerne la question du vrai, il reste entre autres à approcher davantage la dimension de la problématisation, en cherchant à cerner les fonctions didactiques associées pour concevoir des scénarios réalistes qui s’y articuleraient.

Il s’agirait également de concevoir un espace de perturbations (endogènes et exogènes) qui permettraient de favoriser cette phase de problématisation pour susciter un « dérangement épistémologique » et exercer « une démocratie épistémologique » chers à Desautels qui interpelleraient les élèves sur « le résultat de Gödel [qui] ne précise pas quel est le nombre exact de vérités indémontrables qui pourraient exister en mathématiques, pas plus qu’il n’explicite la nature de la faculté « extralogique » qui donnerait au mathématicien le pouvoir de reconnaître une vérité arithmétique que la logique ne peut prouver. Les mathématiciens se retrouvent ainsi à l’oeuvre dans un monde où, en principe, toute hypothèse est potentiellement une vérité indémontrable et où la lumière reste à faire sur le type de principe extralogique dont l’apport permettrait d’évaluer la vérité d’une hypothèse soupçonnée d’être une vérité indémontrable » 393 .

Reste donc à penser comment un enseignement des mathématiques poussé jusqu'à l’exigence d’une culture scientifique, peut s’emparer de la béance irréfermable logée au cœur même de la connaissance mathématique. Puisque ni la vérification empirique, ni la vérification logique 394 ne savent établir un fondement certain à la connaissance mathématique comment traiter la question de « l’Incertain fondamental tapi derrière toutes les certitudes locales » 395  ?

Notes
391.

BRUNER J. opus cit. p. 41.

392.

Point de vue qu’il développe dans son ouvrage : Autour de l’idée de sciences - Edition De Boeck Université . 1992

393.

GUILLEN M. in opus cit. p.136.

394.

Logique définie selon Cuvillier comme « l’étude des conditions de la vérité » - Manuel de philosophie - Logique - Morale - Tome II . Edition A. Colin . 1937. p. 6

395.

MORIN E. La méthode 3 - La Connaissance de la Connaissance - Edition du Seuil 1986. p.15