Deux échelles territoriales pertinentes.

Les processus d'appropriation des logements sociaux peuvent être lus à deux échelles : l'appartement d'une part constitue le territoire du ménage qui l'occupe, l'immeuble ou la cité d'autre part constitue le territoire du groupe d'habitants qui y réside. L'espace étudié peut alors être lu comme une juxtaposition d'espaces individuels ou familiaux, que complète et englobe un espace commun, perceptible dans sa spécificité et dont l'usage est partagé. Les modes d'appropriation de ces deux territoires sont de nature et de degré d'aboutissement très différents : alors que les espaces domestiques font l'objet de comportements de transformation et d'attribution de sens de l'espace matériel riches et multiples, l'espace collectif ne peut être approprié que par la reconnaissance et le respect de règles et de normes comportementales qui tendent à lui donner son existence, ce qui peut contrarier l'usage de l'espace individuel (partie II).

La réhabilitation est donc menée au sein d'un double processus d'appropriation, dont l'articulation dépend de l'action des organismes HLM et des objectifs qu'ils poursuivent. Elle est vécue à la fois comme un danger potentiel de dégradation et comme une opportunité éventuelle de valorisation supérieure de l'espace domestique, et entraîne de ce fait de multiples comportements de défense, de négociation, de nouvelles transformations et d'attribution de sens de l'espace matériel : elle prend donc forme au cœur du processus d'appropriation et le bouleverse profondément. Si cette dimension individuelle ou familiale est importante, l'aspect collectif est beaucoup moins développé. Alors que cette seconde dimension paraît être prégnante dans la conception et la mise en œuvre des opérations pour les organismes HLM, et que la réhabilitation semble offrir des conditions favorables au développement des relations que peut nouer le groupe d'habitants avec l'espace et les autres acteurs (notamment dans le cadre de la concertation), les comportements des habitants n'évoluent guère dans le sens d'un processus d'appropriation plus abouti, en raison de l'absence d'un consensus fort d'une identité socio-spatiale à cette échelle (partie III).