II.1.3.La territorialisation comme un double processus d'aménagement et d'appropriation.

La territorialisation est un processus, dans le sens à la fois d'un mécanisme, d'un agencement d'éléments dont la combinaison permet d'atteindre un but commun, et d'une évolution lente, qui dégage peu à peu un résultat d'une masse de facteurs interdépendants. Si le terme d'action montre bien que le groupe social peut être considéré comme un acteur qui réalise dans et sur son espace une intention ou une impulsion (intention implicite), celui de processus insiste sur la multiplicité des facteurs et le long terme ; la territorialisation est ainsi action et processus.

Le processus de territorialisation relève à la fois de l'aménagement et de l'appropriation du territoire. La distinction entre aménagement et appropriation tient à leurs finalités. Ces deux types d'action sont menés par le groupe social sur la dimension matérielle du territoire comme sur sa dimension imaginaire, mais le premier vise à adapter le territoire au développement des activités, tandis que le second tend à asseoir une identité marquée du territoire liée à l'identité du groupe. On retrouve ces deux dimensions dans la caractérisation du territoire que réalise J. SCHEIBLING, lorsqu'il écrit que le territoire «est conjointement le produit d'un processus d'appropriation d'un groupe social et le cadre de fonctionnement de la société», en considérant que la territorialisation revient également à produire le «cadre de fonctionnement de la société» selon un processus d'aménagement (SCHEIBLING, 1994, p.143).

Cette distinction entre aménagement et appropriation trouve son origine dans la différence des deux approches, politique et éthologique, qui ont chacune contribué à forger le concept de territoire dans sa richesse actuelle.