III.2.1.2.Un appartement apprécié.

Cette valorisation est d'autant plus explicite au moment de l'emménagement pour les habitants que ceux-ci ont tendance à comparer leur nouveau logement avec l'ancien, et que cette comparaison est toujours particulièrement favorable au nouvel appartement, les anciennes conditions de logement étant généralement très difficiles. La plupart des habitants rencontrés, et notamment ceux qui sont arrivés dans les années 1960 ou au début des années 1970, vivaient auparavant dans des conditions de confort matériel largement inférieures à celles qu'ils considéraient comme nécessaires. Parmi celles-ci, la taille de l'appartement, par rapport au nombre d'enfants, est la condition la plus souvent évoquée :

Certains habitants évoquent également de graves problèmes de chauffage, à l'exemple de cette locataire qui habitait dans un petit pavillon sans eau chaude courante, avec une chaudière à bois qui devait être ravitaillée régulièrement, alors que son mari était malade, qu'elle avait un enfant et qu'elle devait travailler (n°1, Garches, femme). D'autres encore habitaient dans des logements qui devaient être démolis, pour raison d'insalubrité, ou dans des logements dégradés, comme dans cet exemple :

Une habitante raconte qu'elle est restée avec sa famille à l'hôtel plusieurs mois avant d'obtenir son appartement, ce qui n'était pas si rare à l'époque, au début des années 1970 (n°3, Gennevilliers, femme).

Face au manque de confort des anciens logements, les nouveaux apparaissent d'emblée comme particulièrement agréables, même s'ils n'ont pas été choisis par leurs occupants mais attribués. Cette caractéristique des appartements, de dégager une impression de commodité et de bien-être au moment de l'emménagement, peut s'estomper au fil du temps, notamment en raison de l'évolution à la hausse des normes de confort dans les représentations collectives. Néanmoins, les habitants conservent dans leur mémoire cette première impression, qu'ils associent, dans le cadre d'un souvenir général de leur arrivée, aux raisons qui ont pu les pousser à déménager : naissance d'un enfant, rapatriement d'Algérie, etc.… L'image de leur logement qu'ils ont construite au fil du temps comprend donc cet aspect d'un logement initialement valorisé, car ayant demandé des efforts pour être obtenus et offrant un niveau de confort bienvenu, en lien avec l'histoire et les besoins du ménage.

Cette valorisation initiale ne semble pas se dégrader dans la durée, car l'évocation d'un départ éventuel du logement occupé ne suscite pas de désir de «fuite» d'un endroit devenu pénible à vivre.