III.3.2.La représentation sociale des HLM.

Un autre obstacle à la construction d'une image valorisée de l'espace domestique est la représentation sociale des logements sociaux, appelés «HLM», avec laquelle les habitants doivent composer.

III.3.2.1.Les HLM : une représentation sociale dévalorisante.

Les habitants rencontrés utilisent souvent l'expression «HLM» mais jamais celle de logement social, alors que la première est péjorative tandis que la seconde est plus neutre. Ce terme de «HLM», sigle de Habitations à Loyer Modéré, est apparu en 1950 en remplacement de l'appellation «HBM», Habitations Bon Marché. Il était alors utilisé aussi bien par les professionnels et les élus que par le grand public. Ce terme est toujours largement employé aujourd'hui par les médias (452 articles dont le titre comporte le terme «HLM» ont été publiés entre 1992 et 2002 dans le journal Le Monde) et apparaît encore dans des expressions (telles qu'organisme HLM, terme juridique employé dans le code de la construction et de l'habitation) ou dans des noms (office municipal HLM de Gennevilliers, par exemple). Mais les élus comme les professionnels du logement préfèrent aujourd'hui utiliser les expressions «logement social» ou «habitat social», qui leur semblent plus neutres. A titre d'exemple, alors qu'on publiait en 1958 une série de décrets intitulés «Urbanisme, HLM, crise du logement», on a édité en 1993 le rapport d'évaluation de la «Réhabilitation de l'habitat social», et la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, adoptée en 2000, pénalise les communes qui disposent de moins de 20% de «logements locatifs sociaux». Cet abandon par les élus et les professionnels du mot «HLM», très employé par ailleurs, est révélateur d'une connotation péjorative.

Les habitants savent qu'ils occupent des logements sociaux qui peuvent être qualifiés de «HLM» avec la dimension négative que ce terme comporte. Eux-mêmes emploient le terme de «HLM» pour mettre en avant les défauts de leur logement. Ceux-ci peuvent concerner d'une part le bâti, dont ils mettent en cause la qualité :

  • « On pourrait souhaiter mieux, c'est du bas de gamme, mais c'est toujours pareil, tout est relatif, il faut dire qu'on est en HLM» (n°12, Gennevilliers, femme).
  • « Vous savez ici, c'est pour ainsi dire des HLM, et quand ils construisent des bâtiments comme ça, les peintres, ils le peignent pas, ils ont un pistolet, et ils arrosent le béton, et ça vous fait des grummelots, sur les murs» (n°7, Garches, couple).

Le terme «HLM» peut être employé d'autre part pour souligner les caractéristiques négatives de l'habitat qui concernent ses occupants. Il évoque alors la pauvreté, ou encore les nuisances :

  • « C'est injuste, si on va en HLM, c'est qu'on n'a pas les moyens d'aller ailleurs» (n°12, Gennevilliers, femme).
  • « C'est normal, c'est des rebelles, on est en HLM, c'est ce qu'on nous répond, on est en HLM, « si vous voulez votre tranquillité, allez habiter Neuilly » (n°12, Gennevilliers, femme).

Dans les représentations sociales, les «HLM» possèdent des caractéristiques négatives (mauvaise qualité du bâti, mauvaise fréquentation) que reconnaissent les habitants rencontrés. Mais leur positionnement par rapport à ces représentations négatives sont différentes entre les deux sites étudiés, même s'il leur permet dans les deux cas de construire une image valorisante en dépit de l'appellation «HLM».