IV Chapitre 4 .
Une appropriation de l'espace collectif.

Les habitants rencontrés résident dans des logements collectifs : ils utilisent donc à la fois leurs appartements, espace privé, et les parties communes des bâtiments. Cet espace matériel commun, bien qu'ouvert sur l'extérieur, ne s'apparente pas à un espace public, puisqu'il appartient à un propriétaire privé, l'organisme HLM. Il ne possède pas non plus les caractéristiques de l'espace public, qui doit être accessible à tout un chacun, car son accès est réservé aux habitants et à leurs visiteurs, par le biais des digicodes.

Cet espace fait également l'objet d'un usage quotidien : c'est le cadre de pratiques familières. Il s'agit d'un espace dont l'usage n'est ni celui de l'espace privé de l'appartement, réservé à l'intimité, ni celui de la rue, offrant de multiples possibilités (déplacement, promenade, lieu de travail pour les vendeurs «à la sauvette», etc.). Les habitants y développent des comportements familiers, comme emprunter les escaliers ou les ascenseurs, relever le courrier, utiliser l'interphone,… Cet espace étant commun, les comportements qui y sont déployés par un individu peuvent entraîner des conséquences pour l'ensemble des résidents et prennent de la sorte une dimension collective : les dégradations sont supportées par l'ensemble des habitants, les conversations des uns produisent une convivialité générale, etc. En ce sens, il s'agit d'un usage commun d’un espace collectif.

En raison de cet usage quotidien commun, les habitants, dans leur relation à leur cadre d'existence, s'approprient à la fois leur espace domestique et cet espace collectif, selon deux processus qui s'articulent l'un à l'autre. Pour analyser les réhabilitations au sein de ces processus, il s'agit donc de mettre d'abord en évidence cette articulation et les comportements d'appropriation collective : c'est l'objet de ce chapitre.

Les comportements d'appropriation collective consistent d'une part en une identification de l'espace collectif : l'immeuble Paul Eluard et la résidence des Châtaigniers sont perçus et représentés sous une image qui intègre de façon cohérente les limites de l'espace matériel et du groupe social qui l'occupe. L'appropriation de l'espace collectif s'accomplit d'autre part par une organisation de l'usage commun de l'espace matériel, sous un ensemble de règles que l'organisme HLM tend à rendre tangibles, et par l'institution d'une norme relationnelle qui tire son existence et ne s'applique que dans l'espace collectif.