IV.1.2.1.Un repère géographique souvent employé.

La méthode employée pour analyser les échelles spatiales utilisées par les habitants a consisté à repérer systématiquement les termes désignant des repères géographiques dans les entretiens retranscris mot à mot, qu'il s'agisse de termes descriptifs ou de noms propres des lieux, en vérifiant, pour les comptabiliser, qu'ils soient bien utilisés par les habitants et non par l'enquêteur et qu'ils soient employés dans un sens spatial. Le terme «escalier» par exemple a été comptabilisé comme repère géographique lorsqu'il était utilisé dans les phrases telles que «les gens de cet escalier font du bruit» ou «mon escalier est le plus propre», mais pas dans des phrases telles que «il y a du bruit dans les escaliers» ou «les escaliers sont mal nettoyés». Comme le nombre d'entretiens réalisés auprès des habitants est différent entre les deux sites, le nombre total de termes employés pour chaque échelle spatiale et chaque site a été divisé par le nombre d'entretiens, afin de rendre possible la comparaison entre les deux sites.

Cette méthode comporte des biais. Tout d'abord, certaines échelles spatiales sont suggérées par le thème de l'entretien (la réhabilitation) et par l'enquêteur, lorsque la question posée contient elle-même un repère géographique (par exemple, dans la question «pensez-vous que votre quartier ait beaucoup changé ?»). Afin de limiter la prise en compte de cette influence, les termes employés par l'enquêteur n'ont pas été retenus ; ainsi, si la réponse est courte et ne réutilise pas de terme spatial (par exemple, «oui, un peu», ou «non, si ce n'est que les commerces ont disparu»), rien n'est comptabilisé, tandis que si l'habitant développe plus sa réponse, en réutilisant le même terme ou un autre ayant la même signification, alors celui-ci ci est comptabilisé, en supposant qu'il s'agit dans ce cas d'un repère géographique dont le sens est clair et dont l'emploi est courant pour l'enquêté. Ensuite, certains habitants répètent plusieurs fois les mêmes mots. Le choix a été fait alors de comptabiliser chaque répétition, considérant que celle-ci a un sens, qu'elle exprime une insistance dont il faut tenir compte (par exemple, lorsque quelqu'un dit «je suis né à Garches, ma fille habite Garches, j'aime beaucoup cette ville», le repère spatial de la commune est comptabilisé trois fois). Enfin, les entretiens sont de longueurs différentes selon la personnalité, plus ou moins loquace, des habitants rencontrés : les taux obtenus restent donc approximatifs.

Ces biais imposent de considérer les résultats obtenus avec beaucoup de prudence. Néanmoins, les écarts observés dans l'utilisation des échelles de la résidence pour Garches et de l'immeuble pour Gennevilliers, objets de la recherche, les autres taux étant donnés à titre de comparaison, paraissent suffisamment marqués pour être significatifs :

Termes comptabilisés « ville » , « commune » , « Garches » ou « Gennevilliers » « quartier » , « Fossé de l'Aumône » « résidence » , « cité » , « Châtaigniers » « bâtiment » , « immeuble » , « Paul Eluard » « escalier »
Gennevilliers 4,7 2,1 0,07 3,5 1,6
Garches 9 0,6 5 1,7 0,7

Ce tableau fait apparaître deux contrastes. D'une part, pour chacune des deux villes, la résidence pour Garches et l'immeuble pour Gennevilliers sont les deuxièmes échelles les plus utilisées après celle de la commune, les autres échelles étant ensuite beaucoup moins employées. D'autre part, tandis que la résidence est une échelle très utilisée pour les habitants du site de Garches, elle n'existe quasiment pas pour les habitants du site de Gennevilliers. A l'inverse, l'échelle de l'immeuble est beaucoup plus employée par les habitants de Paul Eluard que par les habitants des Châtaigniers.

Ces deux contrastes montrent que ces espaces de la résidence et de l'immeuble font l'objet d'une identification claire et partagée et constituent dans les représentations des habitants des repères géographiques bien établis. L'espace collectif, perçu comme une entité par le biais de son unité architecturale, est ainsi également représenté comme une entité spatiale pertinente.