IV.2.1.2.Respecter l'usage personnel.

Un autre type de règles, abondamment présentes dans les discours et les règlements, concerne le respect de l'usage personnel des espaces. A ce titre, l'obligation de limiter le niveau de bruit produit est l'une des plus fréquente.

Le livret d'accueil des locataires élaboré par l'Office municipal de Gennevilliers est prolixe sur le sujet. Il y est rappelé toutes les sources de bruit possibles : les équipements tels que radios, télévisions, chaînes Hi-Fi, les outils permettant de réaliser des travaux dans les appartements (perceuses, ponceuses, marteaux, etc.), les animaux, les voix (des adultes, lors d'une fête ou d'une scène de ménage, des enfants qui jouent), les bruits d'impact (bruits de pas, de déplacement des meubles, jeux de ballons, de billes…), l'utilisation bruyante des éléments du logement (claquement de porte, battement de fenêtres ou de volets mal fermés)… Il est également rappelé que les bruits gênent non seulement la nuit, entre les heures légales de 22h et 7h, mais aussi le jour, lorsqu'un voisin souhaite se reposer, notamment parce qu'il est âgé, ou souffrant, ou qu'il est astreint à un travail de nuit. Sans être aussi détaillé, le règlement de la résidence des Châtaigniers indique :

« Veillez tout particulièrement à limiter le bruit, notamment celui que peuvent émettre les téléviseurs, appareils radio, chaînes Hi-Fi, etc.… » .

Les discours des habitants font également souvent référence à des problèmes de bruit, source de nombreux conflits, et liés à la proximité de voisinage. Certains sont très conscients de la gêne qu'ils peuvent occasionner pour les autres et tentent de la réduire, en expliquant qu'ils considèrent «être en collectivité» :

  1. «J'étais pourtant en pavillon, mais quand je suis arrivé ici, ce que j'avais peur, c'était de déranger les gens, je faisais attention, je disais à mon mari : ne tire pas la chasse d'eau la nuit, attention. Je ne sais pas, c'est la première chose à faire, quand on arrive comme ça, quand on est en collectivité» (n°1, Garches, femme).

Si la règle veut qu'il faut éviter de faire trop de bruit, le degré de bruit autorisé ou toléré reste à l'appréciation de chacun, qui reste très variable. En fonction du type de bruit, de l'heure à laquelle il est produit, de sa fréquence, du fait que les personnes aient prévenu ou non, de la personnalité de l'auteur du dérangement comme de la personne dérangée, le degré d'acceptation du bruit peut être très différent. Une habitante explique par exemple :

  1. «Autant je tolère le bruit des gamins qui descendent les escaliers, c'est normal, on a tous été jeunes, mais bon, quand on arrive chez soi, on se déchausse, moi, j'ai appris ça toute petite, mais c'est des gens qui ne veulent pas, et plus vous allez leur dire, et plus ils font de bruit» (n°8, Gennevilliers, couple).

La règle générale d'interdiction de faire trop de bruit renvoie donc à un ensemble de nombreuses normes comportementales (comme celle de se déchausser en arrivant chez soi), dont la reconnaissance et l'application peut être variable d'un individu à l'autre. Ce qui gêne donc le plus dans le bruit est le non-respect de normes, le passage dans une anormalité, qui est alors perçu comme un non-respect d'autrui, comme le laisse entendre cet habitant qui parle ainsi de sa voisine dont le bruit le dérange beaucoup :

  1. «En fait, c'est lié à leur culture, mais culture, c'est une dame tout à fait métropolitaine, mais qui a une culture aux ras des pâquerettes, et qui se fout complètement de tout ce qu'il y a autour d'elle, et qui fait n'importe quoi» (n°5, Gennevilliers, homme).

La transgression des règles et des normes concernant le bruit, comme celles concernant les places de stationnement ou la dégradation des équipements communs, est considérée à la fois comme un manque de respect à autrui et à l'utilisation qu'il souhaite faire de son espace personnel. Les règles qui restreignent un usage personnel permettent donc une articulation entre une appropriation de l'espace individuel et une appropriation de l'espace collectif, qui ne devient possible que si l'usage commun en est préservé.