IV.2.2.1.Le bailleur responsable du règlement.

La directrice de l'agence du groupe 3F des Hauts-de-Seine explique être consciente de l'attente des habitants vis à vis du rôle de «régulateur» que doit jouer l'organisme :

« Nous avons régulièrement, tous les jours, des courriers de locataires nous signalant, nous demandant d'intervenir, de rappeler le règlement de l'immeuble, oui, ils attendent de nous qu'on soit un régulateur de la vie sociale. »

Elle souligne donc la forte demande des locataires et l'enjeu du rôle de l'organisme par rapport aux règles, qui va jusqu'à l'arbitrage des conflits entre locataires. Le directeur de l'office municipal HLM de Gennevilliers fait le même constat, en distinguant le rôle de l'organisme du rôle de la police :

« On peut aussi considérer que le respect de l'autre, etc., au moins à un certain niveau, pour des choses plus graves que de jeter un sac poubelle par la fenêtre, ou faire du bruit, encore que ça dépende du niveau, ça dépend plus des services de police que de l'office, que de faire respecter quotidiennement. Ceci étant, rien n'empêche au contraire que l'office s'adresse aux locataires, les réunisse, essaye de leur apporter des solutions, leur dise que ce n'est pas bien » .

L'office de Gennevilliers se sent donc responsable, si ce n'est de faire respecter les lois, tâche de la police, d'organiser une vie collective harmonieuse par une forme d'éducation des habitants et par une incitation à adopter un comportement conforme aux règles rappelées (ce qui se traduit matériellement par des réunions et des explications sur ce qui est bien ou non), donc de normaliser les comportements.

Pour les habitants, il est important que ce soit l'organisme HLM qui remplisse ce rôle, qui permet de réguler les petits conflits de la vie quotidienne, car il dispose de moyens de contrainte (notamment celui de pouvoir engager une procédure d'exclusion, même si cette action est rarissime) et d'une position extérieure et indépendante, comme l'explique cette locataire :

  1. «Il y a une année, il y a des musulmans qui habitent quelques étages au-dessus, ils ont tué un mouton. Le fait qu’ils tuent un mouton ne m’a absolument pas dérangée, mais ils ont balancé par la fenêtre tous les viscères du mouton. Je peux vous dire qu’ils l’ont fait une fois, j’ai écrit à l’office HLM, les gens d’en dessous et d’au-dessus aussi s’étaient déplacés, et ils ont reçu une lettre. Parce qu’on n’a dénoncé personne, on n’avait que des présomptions, mais jeter des viscères de mouton par la fenêtre, c’était un peu… Ils ont été sermonnés par l’office. (…) - Vous trouvez que c'est plus efficace que d'aller voir les gens directement ? - Oui, parce que si vous allez voir les gens directement, ils vont s’en prendre à votre voiture, vous faire des rayures, on va faire tout ce que… En fait, c’est un règlement de compte, quand c’est l’office qui intervient, c’est beaucoup plus officiel. - Ils ont un rôle plus d'intermédiaire ? - Oui, tout à fait. Et la crainte n’est pas la même.» (n°4, Gennevilliers, femme)

Les habitants attendent ainsi de l'organisme qu'il établisse un règlement, qu'il le fasse connaître aux locataires, qu'il rappelle les règles lorsque celles-ci sont transgressées et qu'il intervienne en amont en cas de désaccord, pour inciter les récalcitrants à adopter un comportement normé, en évitant des spirales conflictuelles. Le moyen de communication privilégié dans ce cas est le courrier, procédure plus formelle que l'information orale, qui permet d'avoir des preuves si le conflit dégénère en procédure d'expulsion ou judiciaire, représentant donc un moyen d'action coercitif.

Si les services centraux interviennent pour les conflits ouverts, les gardiens, représentants de l'organisme HLM sur place, interviennent pour désamorcer des sources de conflits potentiels.