IV.3.1.La norme du «bonjour-bonsoir».

Les habitants présents dans l'immeuble Paul Eluard depuis des dizaines d'années affirment que les relations entre locataires ont beaucoup changé au fil du temps, en perdant de leur chaleur. Ils tendent à décrire une sorte d'âge d'or, durant lequel tous les locataires se connaissaient, se parlaient et s'entraidaient, qu'ils opposent au temps présent, où ils constatent un mouvement général de repli sur soi.

Pour décrire ce nouveau mode relationnel dominant dans l'immeuble ou la résidence, les habitants utilisent très souvent l'expression «bonjour-bonsoir». Elle exprime une notion de courtoisie, mais surtout de mise à distance de voisins qui peuvent se révéler trop envahissants. D'autres expressions sont également souvent employées en lien à cette idée, telles que la comparaison avec la vie à la campagne, ou dans un village ou une petite ville, dans laquelle la très grande majorité des habitants se connaît, ainsi que le terme de «concierge», qui désigne les locataires qui cherchent à savoir le plus de choses possibles sur leurs voisins, voire qui les observent. On constate donc une forte convergence des discours sur cette représentation du «bonjour-bonsoir» présentée comme l'attitude convenable à adopter, et c'est pourquoi celle-ci peut être considérée comme une norme relationnelle.

Les habitants justifient ce comportement par trois types de raisons, qui parfois se combinent : la peur de la propagation de rumeurs sur leur compte ou «d'histoires» avec les voisins, des déceptions suite à la tentative d'établir des relations plus solides et la crainte de s'engager dans un processus de dépendance.