IV.3.1.2.Une norme relationnelle dominante.

Sur les 27 entretiens réalisés avec les habitants, on trouve 11 citations de l'expression «bonjour-bonsoir» ou de son équivalent direct, à Gennevilliers comme à Garches, qui sont les suivantes :

• « On se dit bonjour, on est courtois les uns avec les autres, mais on ne discute pas... » (n°6, Gennevilliers, femme).
• « Quand on est en HLM, c'est mieux de ne pas s'occuper de ses voisins. Moi, j'ai des voisins, « bonjour - bonsoir » , c'est tout. Pas plus... » (n°3, Gennevilliers, femme).
• « Je vais saluer mes voisins, et tout, mais je ne suis pas le genre de femme à inviter ma voisine du dessus ou du dessous à… » (n°4, Gennevilliers, femme).
• « Moi je travaille toute la journée, quand je rentre le soir, je rencontre quelqu'un, ça va être bonjour, on va parler un petit peu, mais de choses, heu… Sinon, je n'ai pas de contacts, beaucoup, avec mes voisins» (n°15, Gennevilliers, femme).
• «On se dit bonjour, mais c'est vrai qu'on ne se parle pas plus que ça» (n°3, Garches, femme).
• «Entre voisins, ça se passe bien, même si on ne se dit que bonjour et bonsoir» (n°5, Garches, femme).
• «Nous, on connaît les gens comme ça, mais on ne fréquente pas trop les gens. Mais enfin, on connaît beaucoup de monde, du fait que ça fait 30 ans qu'on est là, quand même. – Oui, c'est l'occasion de lier des amitiés ? – Non, ça reste bonjour - bonsoir, et puis petites conversations. Comme ça. Petites conversations, ça s'arrête là. Pas... » (n°10, Garches, couple).
• « Donc on croise les gens, bonjour – bonsoir, et puis voilà » (n°2, Garches, couple).
• « Toutes les personnes travaillent, c’est bonjour-bonsoir, c’est tout, on n’a pas de contact» (n°7, Garches, couple).
• « On se parle peu, bonjour-bonsoir, c'est vrai qu'il n'y a pas trop de contacts de voisinage.» (n°12, Garches, femme).
• « On ne se parle pas. A part bonjour - bonsoir.» (n°8, Garches, couple).

Cette attitude, à savoir se saluer dans les parties communes et éventuellement échanger quelques mots, sans entrer dans une discussion plus personnelle, fait ainsi l'objet d'un large consensus. Elle est très souvent désignée par l'expression «bonjour-bonsoir», ce qui indique que les habitants partagent une même formulation, commode et rapide, pour exprimer ce comportement. Il s'agit donc bien d'une représentation partagée d'un mode relationnel dominant, car les locataires interrogés ne tentent pas de décrire avec leurs propres mots, donc leur propre sensibilité, le mode relationnel auquel ils sont confrontés et qu'ils analysent, mais ont recours à un terme spécifique, dont ils considèrent que le sens est clair donc partagé.

Cette présentation d'une norme relationnelle impliquant des salutations courtoises mais distantes est accompagnée dans les discours de justifications : les habitants tendent à expliquer pourquoi ils adoptent ce comportement ou pourquoi il s'agit de l'attitude la plus fréquente qu'ils observent.