IV.3.1.3.Les justifications avancées.

Ces justifications avancées sont de trois ordres. La plus courante concerne la peur des ragots, des rumeurs et des histoires. Certains habitants décrivent leurs immeubles comme des villages de campagne dans lesquels l'anonymat est impossible, où tout le monde se connaît et s'observe. Ils ressentent alors le besoin de protéger leur vie privée et leur intimité, en limitant à la fois le nombre de contacts et leur engagement dans leurs relations, afin de ne pas risquer de dévoiler des aspects personnels qui pourraient être répétés et déformés, propageant une représentation incontrôlée et/ou dévalorisante d'eux-mêmes. Ils accusent certains locataires d'être particulièrement à l'affût des détails personnels et d'être à l'origine de nombreuses rumeurs, soit qu'ils observent en permanence ce qui se passe dans les parties communes, soit qu'ils consacrent beaucoup de temps à discuter avec chacun, en cherchant à savoir et en répétant le plus de choses possibles, comme l'expliquent ces locataires :

D'autres habitants craignent que cette propagation de rumeurs ne s'accompagne également de situations relationnelles conflictuelles, auxquelles il leur deviendrait difficile d'échapper et dans lesquelles ils auraient été entraînés par des fréquentations trop soutenues, comme l'explique ce locataire :

Un autre type d'explications tient aux conséquences subies ou imaginées à la création de relations plus étroites, qui comprennent notamment une forme d'entraide. Rendre facilement service à son voisin peut donner lieu à des situations de contraintes, auxquelles il devient difficile ou désagréable de mettre fin, ainsi qu'à des déceptions, lorsque ces habitants comprennent ensuite que seule la recherche d'un intérêt était à l'origine de ce rapprochement et non la volonté de nouer de simples relations amicales, comme dans ces exemples :

Certains habitants enfin ne mettent pas en cause le comportement de leurs voisins, mais leur propre attitude. Ils considèrent alors que leur personnalité fait qu'ils préfèrent la solitude, ou encore que leur mode de vie, selon lequel leur travail et leur famille prennent l'essentiel de leur temps, ne leur permet pas de nouer des relations suivies avec leurs voisins :

Ainsi, les habitants expliquent qu'ils préfèrent appliquer le principe, largement partagé, du «bonjour-bonsoir», restant courtois mais distants avec leurs voisins, que ce soit en raison de leur personnalité ou de leur mode de vie, ou parce qu'ils craignent qu'un rapprochement avec d'autres locataires n'entraînent la propagation de rumeurs sur leur compte, ou des relations à terme conflictuelles. Ces explications donnent une position affichée des habitants, telle qu'ils la perçoivent ou souhaitent la présenter. Mais une analyse des faits concernant les relations de voisinage et rapportés par les habitants rencontrés permet de nuancer cette position, en apportant des précisions sur les comportements relationnels des habitants.